Le dirigeant de l'opposition australienne, Tony Abbott, a saisi mardi l'occasion de la "guerre civile" au sein du Parti travailliste, pour déclarer que seule la Coalition pouvait former un gouvernement stable. Ni le Parti travailliste ni le Parti de la Coalition n'a remporté la majorité au cours des élections du 21 août, et cela veut dire qu'un des deux partis peut recevoir le soutien des trois législateurs indépendants, Rob Oakeshott, Tony Windsor et Bob Katter, ainsi que celui des écologistes du Parlement pour former un gouvernement. M. Abbott a insisté sur le fait que Coalition ait le droit de former un gouvernement en remportant davantage de voix primaires au cours des élections de samedi, et a mis en garde contre le fait qu'une alliance travalliste/écologiste puisse être un mauvais résultat pour l'Australie, car cela induirait une hausse de taxe minière, des restrictions concernant les zones maritimes et l'instauration très probable d'une taxe carbone. Ainsi, le résultat de ces élections sonne comme un désaveu pour Julia Gillard qui avait convoqué ce scrutin anticipé. "De nombreuses personnes sont mécontentes de la façon dont le premier ministre a été remplacé", analyse le stratège du Parti travailliste, Bruce Hawker. "On ne peut débarquer un chef travailliste et premier ministre et, deux mois plus tard, avoir un tel résultat aux élections", a réagi une députée travailliste battue, Maxine McKew. Emmenés par l'ancien séminariste Tony Abbott, les conservateurs ont fait campagne contre la taxe de 30?% sur les produits miniers, proposée par les travaillistes, et contre le plan climat qui fait suite à la signature par Canberra du protocole de Kyoto. Le seul véritable sujet de débat a été celui de l'immigration. Tony Abbott a annoncé qu'il voulait renvoyer les boat people venus d'Asie dans leur pays. Julia Gillard entend également limiter l'arrivée de migrants et prône une lutte contre les passeurs. Elle souhaite installer, probablement au Timor-Leste, un "centre de triage" où seraient examinées les demandes d'asile. Par conséquent, les travaillistes au pouvoir comme l'opposition conservatrice ont entamé lundi une chasse aux élus indépendants afin de tenter de former un gouvernement de coalition alors que pour la première fois en 70 ans aucun des deux camps n'a obtenu la majorité au Parlement. Alors que selon les projections, les travaillistes du Premier ministre Julia Gillard et l'opposition libérale/nationale de Tony Abbott devraient obtenir au final chacun 73 sièges, les quatre députés indépendants et Verts sont fortement courtisés, afin de permettre à l'un ou l'autre des camps d'obtenir la majorité des 76 sièges au Parlement. Tour à tour, Mme Gillard comme M. Abbott sont venus à Canberra rencontrer les trois députés indépendants ainsi que les Verts qui ont par ailleurs renforcé leur présence au Sénat. Selon Mme Gillard, qui a dilapidé l'avance des travaillistes dans les sondages il y a quelques semaines encore, le pays veut malgré tout un "gouvernement stable (...) cela signifie qu'une majorité d'Australiens souhaitent un gouvernement travailliste". Cette ancienne avocate de 48 ans, devenue Premier ministre en juin à la faveur d'une fronde au sein du parti travailliste contre son leader Kevin Rudd, semble avoir payé cette éviction musclée et mal comprise par les Australiens. De son côté, M. Abbott, ancien ministre dans le dernier gouvernement conservateur battu en 2007, juge que le Premier inistre actuel a perdu sa légitimité. Le résultat montre que les Australiens "veulent un changement de gouvernement", a déclaré dimanche cet ancien séminariste entré en politique après une carrière de journaliste. Les trois députés indépendants, anciens membres du parti libéral de M. Abbott ont donc les cartes en main mais n'ont donné encore aucune indication sur leur préférence. Lundi, après le décompte de 75% des suffrages, la commission électorale donnait 72 sièges aux travaillistes et 70 à la coalition libérale/nationale. Le décompte des quelque 2 millions de votes par correspondance et par procuration pourrait prendre encore au moins dix jours, selon la commission. Les analystes politiques estiment eux que la formation d'un gouvernement de coalition pourrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le Parlement élu doit se réunir 30 jours après la confirmation du nom des élus, cette confirmation par la commission électorale pouvant intervenir au plus tard le 27 octobre. Mais selon Michael Coper, professeur de droit, il semble plus probable que Mme Gillard ou M. Abbott soit en mesure de trouver un accord pour former un gouvernement bien avant cette date. "En raison de l'importance (de la situation politique) pour les marchés, une résolution devrait être trouvée d'ici une ou deux semaines", a estimé de son côté Ian McAllister, également professeur à l'Université d'Australie. Cependant, la Bourse de Sydney, contre toute attente, a terminé stable lundi (-0,04%) tout comme le dollar australien. Les valeurs minières ont elles grimpé, sur l'espoir de voir M. Abbott arriver au pouvoir et écarter un projet travailliste controversé de taxe sur les superprofits miniers.