C'est le scénario improbable qui s'est produit mardi à Tel-Aviv, alors que Benjamin Netanyahu avait toutes les peines du monde à ficeler la coalition qui lui donnerait une majorité de gouvernement et que le spectre d'une crise institutionnelle menaçait Israël. À la demande de leur chef Ehud Barak, les travaillistes ont approuvé, par une faible majorité de 59% de délégués, l'entrée du parti dans le gouvernement ancré à droite de Benjamin Netanyahu, ce qui représente un succès inespéré pour ce dernier. Le comité central du Parti travailliste a adopté l'accord conclu dans le plus grand secret entre Netanyahu et Ehud Barak par 680 voix contre 507, ce qui témoigne d'une forte réticence susceptibles d'avoir des répercussions sur l'unité de cette formation dans les jours qui suivent. En effet, si certains militants s'en félicitent, d'autres ont ouvertement crié à la “honte” après l'annonce des résultats du vote. “Nous ne serons la feuille de vigne de personne, ni la cinquième roue du carrosse”, avait pourtant promis Ehud Barak, avant d'ajouter que les travaillistes seront “le contrepoids nécessaire” qui garantira qu'Israël n'aura pas “un gouvernement de droite étriqué”, mais un vrai gouvernement. Malgré cela, le soutien de tous les députés travaillistes n'est pas acquis, et l'un d'entre eux a déjà clairement exprimé son opposition. “Je pense que le gouvernement et Netanyahu se font des illusions s'ils pensent qu'ils vont obtenir notre soutien”, a-t-il déclaré publiquement. Après s'être résolument inscrit dans l'opposition, rejetant toute possibilité de participation à une coalition gouvernementale alors qu'en remportant seulement 13 sièges son parti enregistrait la plus lourde défaite électorale de son histoire, Ehud Barak a surpris tout le monde, à commencer par les siens, en revenant sur ses positions et en acceptant de faire partie du gouvernement. Il a, en quelque sorte, volé au secours du Likoud et de Netanyahu qui n'était pas sûr de boucler sa coalition avant la date butoir du 3 avril. Ce faisant, il a aussi probablement évité à Israël une grave crise institutionnelle. Après avoir passé un accord avec le parti d'extrême droite Israël Beïtenou (15 députés) et avec le parti ultra-orthodoxe Shass (11 députés), Benjamin Netanyahu s'est assuré 53 sièges à la Knesset sur les 61 indispensables pour gouverner. Même avec les 5 députés de l'autre parti ultra-orthodoxe, il n'en totalisait que 58, ce qui l'obligeait à composer soit avec la Liste d'Union nationale (4 sièges), soit avec le Foyer juif (3 sièges), soit avec les deux formations de l'extrême droite religieuse. Or, se sachant en position de force, les deux partis ont fait cause commune et exprimé des exigences difficilement acceptables pour Netanyahu. C'est dire que la crise institutionnelle était envisagée par les moins pessimistes, surtout depuis jeudi passé où un délai supplémentaire de dix jours a été demandé par le futur chef du gouvernement. De ce point de vue, le chef des travaillistes a manœuvré opportunément et, avec son soutien, si toutefois tous ses députés se plient à la discipline, le gouvernement pourra compter sur une majorité acquise de 66 sièges à la Knesset, ce qui lui assurerait une stabilité relative. Autre conséquence possible du ralliement du Parti travailliste à la coalition gouvernementale, une manifestation d'intérêt tout à fait envisageable du parti Kadima de Tzipi Livni. Cette dernière pourrait en effet réviser sa position, Ehud Barak ayant d'une certaine façon “décomplexé” la participation au gouvernement de Netanyahu. Une question se pose cependant : qu'est-ce qui a pu amener Ehud Barak à prendre ce virage à 180 degrés ? La main des Etats-Unis ? D'une manière ou d'une autre, on devine l'empreinte des démocrates américains, même si elle est invisible…