Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur d'Université en management stratégique (Algérie) Car, une forte remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une forte hausse des taux d'intérêts de la Fed et une baisse de la création monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le frein du marché immobilier (crédits inabordables du fait d'une hausse des intérêts sur les ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être freinée avec le risque d'accélération des faillites des entreprises. Cependant au vu des perspectives tant de l'économie mondiale que de l'économie américaine, il est attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux d'escompte mais d'une manière graduelle. En effet, selon le président de la FED, dans un discours publié le 12 février 2010 reproduit sur le site de la banque centrale américaine " sous peu, nous nous attendons à envisager une hausse modeste du spread entre le taux d'escompte et le taux des Fed funds. Cet écart, de 100 pb, a été ramené à 25 pb lors du déclenchement de la crise financière. Les Fed funds sont aujourd'hui à 0-0,25% et le discount rate, taux auquel les banques commerciales peuvent se financer directement auprès de la Réserve fédérale, à 0,50% ". Ce dernier pourtant devrait donc augmenter, mais sans grandes conséquences. La Fed peut notamment augmenter le taux d'intérêt versé sur les réserves des banques, ce qui amènerait ces dernières à accroître d'autant les taux qu'elles demandent sur le marché monétaire ". Cette politique monétaire des USA est intiment liée au fonctionnement actuel du système monétaire international. Selon Hélène Rey professeur à la London Business School dans une contribution aux échos parisiens le 22 mai 2009, avant 1971, date à laquelle où existait une relations directe entre la parité du dollar et le stock d'or (parité fixe contenue dans les accords de Bretton Woods) cette parité ayant été remplacée par des taux de change flexibles par la suite , les investissements américains à l'étranger étaient d'environ 10 % du PIB des Etats-Unis, prêtant au reste du monde , sa position extérieure n'excédait pas 4 % du PIB et les avoirs et dettes externes des Etats-Unis ne dépassent pas 15 % du PIB américain . Avec la crise des prêts hypothécaires d'août 2007, les actifs étrangers détenus par les Etats-Unis s'élevaient à 122 % de leur PIB en actifs étrangers et leur dette au reste du monde à 135 %. L'endettement net extérieur a été la résultante des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980. Pour cet auteure, je la cite : " les Etats-Unis d'avant la crise ressemblent à une banque d'investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Ce faisant, les Etats-Unis obtiennent un rendement élevé sur leurs actifs et se refinancent à bas prix sur le marché de la dette, ayant profité de l'engouement mondial pour les bons du Trésor américain. Ils encaissent ainsi la différence de rendements. Mais lorsque les prix des actifs et de la dette deviennent volatils, la valeur du portefeuille externe des Etats-Unis devient encore plus volatile en raison de l'effet de levier. C'est exactement ce qui se passe dans la crise actuelle ". Justement, concernant les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2010, sur 2450 milliards de dollars de réserves de change chinois une grande partie est libellée en dollars. Malgré certaines déclarations contre l'hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l'économie américaine encore plus dépendante de la Chine et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais -est ce que cette situation pourra continuer à l'avenir ? Tout dépendra de l'attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats- Unis C'est que la Chine veut renforcer sa lutte contre les fonds spéculatifs selon l'administration des changes (SAFE) , cette annonce d'un renforcement de la répression contre les fonds spéculatifs faisant suite à la décision prise en juin 2009 de restaurer une marge de 0,5% de la fluctuation de la monnaie chinoise par rapport au dollar, autour d'un cours pivot fixé quotidiennement., cette appréciation du yuan risquant d'attirer davantage les fonds spéculatifs qui alimenteraient l'inflation. L'Administration des changes a enfin dévoilé qu'elle voulait étendre la diversification du placement pour les réserves de devises en tenant compte de la baisse de la cotation du dollar. Comme impact de cette dépréciation du dollar, le président brésilien estime que son pays et la Chine vont parvenir à avoir des échanges bilatéraux dans leurs monnaies respectives, sans passer par le dollar, selon la déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva le 19 mai 2009 à Pékin, rapportée par China Daily. Mais paradoxalement si la Chine suspend l'achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique et donc ses exportations. Qu'en sera- t-il si la dépréciation du dollar devait continuer dans le temps et l'achat récent des droits de tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l'Inde, n'inaugure t -elle pas un changement de la politique monétaire en rappelant que la valeur du DTS a été fixée initialement à 0,888671 gramme d'or fin, ce qui correspondait alors à un dollar EU et qu' après l'effondrement du système de Bretton Woods, en 1973, la valeur du DTS a été déterminée par rapport à un panier de monnaies, qui comprend actuellement le dollar EU, l'euro, la livre sterling et le yen, représentant donc une valeur d'un panier de monnaies , le dollar avec seulement 41% et les autres monnaies 59%. Mais il faut être réaliste bien qu'en diminution relative, le dollar continue toujours d'être la monnaie internationale, une référence dans les transactions mondiales et à court terme il est utopique de prédire son remplacement. C'est dans ce cadre de l'impact de la crise, qu'il convient d'examiner les fonds souverains et l'extension de la finance islamique dont les montants sont souvent libellés en dollars. 2.- La crise mondiale et les fonds souverains Le fonds souverain (sovereign wealth funds), dont le premier a été créé au Koweit en 1953 ou fonds d'État, est un fonds de placements financiers (actions, obligations.) détenu par un État. Les fonds souverains gèrent l'épargne nationale et l'investissent dans des placements variés (actions, obligations, immobilier, etc.). Dans une acception restreinte, les fonds souverains désignent spécifiquement " les avoirs des Etats en monnaies étrangères " et dans une acception plus large, " tous les fonds d'investissement détenus par un État tirant leurs ressources des banques centrales " (Chine), des réserves pour les retraites (Norvège) ou des recettes des hydrocarbures ( Russie, et les pays du Golfe). L'envolée du cours du pétrole surtout entre 2007/2008, a conduit à une remarquable aisance financière qui s'est traduite pour les pays arabes par d'importants excédents de leurs balances des paiements, le désendettement, (Russie, Algérie), le lancement de mégaprojets et l'accumulation d'énormes réserves de change. Les fonds souverains sont devenus des acteurs importants de l'économie, mondiale gérant par exemple deux fois plus d'actifs que les hedge funds et leur nombre s'accroît d'année en année se répartissant ainsi en moyenne 2007/ juin 2008 : Emirats Arabes Unis : 27% -Arabie Saoudite 11% -Norvège 11% -Singapour 15% -Koweït 8% -Chine 7% -Russie 5% Autres 7%. Plusieurs études ont été réalisées sur les fonds souverains toujours avant la crise d'octobre 2008 portant sur l'Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis e t la Norvège. Abu Dhabi avec deux fonds souverains l'ADIA (Abu Dhabi Investment Authority avec 875 milliards de dollars et accessoirement Mubadala Development Company figurent parmi le leader dans ce domaine sans oublier Saudi Arabian Monetary Agency qui est le fonds d'investissement de la banque centrale saoudienne avec 221 milliards de dollars d'actifs pour la même date qui est appelé à se développer du fait des importantes réserves de change ce pays. Rappelons la participation avant la crise par la Qatar Investment Authority de 20% du London Stock Exchange pour 1,36 milliard et l'achat, à la même date, par la holding publique Borse Dubaï de 28% du London Stock Exchange et de 19,9% du Nasdaq". la MubadalaDevelopment Co, créée par Abou Dhabi, l'achat pour 1,35 milliard 7,5% du Carlyle Group" et on peut citer d'autres exemples. Citons le cas spécifique du fonds norvégien (" Norwegian Wealth Fund ", NWF) qui a été créé pour pallier la diminution de la rente énergétique à moyen terme qui est l'un des plus importants fonds souverains au monde, ayant des participations dans plus de 3000 entreprises dans plus de 40 pays possédant 1,7 % des actions européennes , 1 % de celles du monde entier ,ayant des participations dans plus de 8 000 entreprises, dont Shell, Nestlé, HSBC ou Total et étant le premier investisseur du CAC 40, gérant également environ 13 milliards de dollars des dettes britanniques et américaines. Aussi, la stratégie des fonds souverains cités, mais également de l'ensemble des fonds souverains dont la Russie à travers la stratégie de Gazprom, les fonds chinois s'orientent de plus en plus vers des investissements financiers, la participation au capital d'entreprises occidentales voire leur prise de contrôle. Mais contrairement à une idée faussement répandue, avec 3 300 milliards de capitalisation estimée juste avant la crise d'octobre 2008, car ayant perdu depuis de leur valeur du fait des chutes des bourses mondiales, selon le rapport d'information du Sénat français n° 336 en date de mai 2008, ils sont encore d'un poids assez réduit face au 190 000 milliards de capitaux investis dans le monde en 2007 (chiffres établis par le FMI) et bien loin de la capitalisation du NYSE (Wall Street) estimée à 15 000 milliards de dollars ou des actifs gérés par les investisseurs institutionnels dans les pays développés (environ 53 000 milliards de dollars en 2007) ou bien par les banques (63 500 milliards de dollars.