Les investisseurs devraient continuer de vendre le dollar américain pour chercher des rendements plus intéressants sur les marchés émergents, en l'absence d'accord entre dirigeants des grandes puissances ce week-end pour tenter d'apaiser les tensions liées à l'évolution des monnaies. Les marchés restent à l'affût d'une nouvelle intervention du Japon, qui a vendu du yen mi-septembre pour la première fois depuis six ans dans le but d'endiguer l'appréciation de sa devise. La perspective d'un nouvel assouplissement de la politique monétaire américaine, déjà extrêmement accommodante, a fait tomber le billet vert à son plus bas niveau depuis huit mois et demi, ce qui détourne les capitaux vers des marchés émergents plus rémunérateurs. Pour tenter de freiner ce mouvement, qui se traduit par l'appréciation continue de leur monnaie, plusieurs pays émergents, comme le Brésil, ont adopté des mesures qui entretiennent la crainte d'une "guerre des monnaies". Les pourparlers qui ont eu lieu ce week-end à Washington, où se tenait l'assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI), n'ont débouché que sur un accord vague de surveillance plus étroite des politiques économiques. Et aucune mesure concrète n'a été adoptée. Pour les analystes, la Réserve fédérale américaine a désormais le champ libre pour décider dès le mois prochain de nouvelles mesures d'assouplissement de sa politique en injectant des fonds supplémentaires dans l'économie, ce qui aurait pour effet d'amplifier la baisse du dollar. "Globalement, en dépit de la référence épisodique à la politique du dollar fort, qui semble de plus en plus anachronique, il n'y a pas grand-chose qui suggère que le dollar pourrait faire autre chose que baisser", constate Steven Englander, directeur de la stratégie devises de Citigroup. Pour les stratèges techniques, l'euro se maintiendra probablement au-dessus de 1,35 dollar à moyen terme, notamment parce que la Banque centrale européenne (BCE) devrait entamer le relèvement de ses taux avant la Fed.En attendant, la discorde entre grandes puissances sur le dossier des changes est patent: le Brésil a doublé la semaine dernière la taxation des capitaux étrangers investis sur son marché obligataire, la Corée du Sud a averti qu'elle envisageait d'encadrer certaines opérations financières et l'Inde a laissé entendre qu'elle pourrait intervenir sur les marchés des changes. La Chine, elle, a réaffirmé ces derniers jours qu'elle entendait mener à son rythme le mouvement d'appréciation de sa monnaie, le yuan. Pour Alan Ruskin, responsable de la stratégie devises G10 chez Deutsche Bank, la situation actuelle des changes est la conséquence logique d'évolutions économiques divergentes. "Cela va beaucoup plus loin que le simple fait que la Fed se prépare à lancer de nouvelles mesures d'assouplissement quantitatif", dit-il. "Nous sommes face à des taux d'intérêt bas depuis un certain temps dans les économies les plus développées, à une croissance solide et à la nécessité de durcir les politiques ailleurs. Cela implique que les flux vers le monde émergent vont se maintenir." Concernant spécifiquement le yen, certains investisseurs pourraient tester la résolution de la Banque du Japon en faisant tomber le dollar à un nouveau plus bas historique, mais spéculer sur la devise japonaise demeure risqué, estiment des analystes. Certains notent que le silence des Etats-Unis ce week-end sur la question pourrait constituer un feu vert tacite à une nouvelle intervention de Tokyo. Le dollar évoluait vendredi sous le seuil auquel les autorités japonaises étaient intervenues sur le marché le 15 septembre. Le Fonds monétaire international s'est inquiété mercredi que la reprise de l'économie mondiale ne soit médiocre, surtout dans les pays les plus riches, et reste bancale, au moment où les conflits sur les taux de change prennent de plus en plus d'ampleur. La première économie mondiale, les Etats-Unis, a subi la plus forte révision à la baisse des prévisions (-0,6 point de pourcentage). Mais à 2,3% en 2011, sa croissance resterait plus vigoureuse que celle de la zone euro (1,5%), y compris l'Allemagne (2,0%) et la France (1,6%), ou que celle du Japon (1,5%). "Ce sont des taux de croissance faibles, au vu de la profondeur de la récession et de la masse des capacités productives inutilisées, et cela signifie une baisse très lente de taux de chômage qui sont élevés", souligne le FMI.