Deux conceptions de la gouvernance économique incarnées par la France et l'Allemagne devraient à nouveau se faire face lundi et mardi, lorsque les ministres des Finances des Vingt-Sept devront décider quel pouvoir ils souhaitent conserver pour sanctionner les mauvais élèves européens en terme de déficit et de dette. Réunis à Luxembourg, les ministres tenteront par ailleurs de parvenir à un accord sur la directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers), en discussion depuis un an et demi, sur laquelle c'est cette fois avec la Grande-Bretagne que la France a entamé un bras de fer. Concernant la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission a publié fin septembre ses propositions, dont les Etats membres soutiennent les grandes lignes sans toutefois parvenir à s'entendre sur des points clés comme le critère retenu pour apprécier les niveaux de dette ou l'automaticité des sanctions. "Il y a un accord général sur les sanctions mais des points de vue différents sont exprimés sur la rapidité des procédures et le rôle que sera amené à jouer le conseil (des ministres des Finances)", a expliqué une source au sein de la zone euro. "Certains aimeraient maintenir la règle actuelle selon laquelle le conseil doit décider à chaque étape et une discussion politique doit avoir lieu avant que des sanctions ne soient engagées", a ajouté cette source, en référence à un groupe de pays emmené par la France mais dans lequel se trouvent également l'Italie ou l'Espagne. Paris est aussi réticent à la proposition de la Commission d'imposer un rythme de réduction de dette de 5% par an aux pays dont la dette est supérieure à 60% du PIB, au risque d'être forcés à un dépôt financier. Les discussions devraient également porter sur deux autres propositions controversées de la Commission: l'une consistant à surveiller les dépenses des Etats dont les déficits et la dette seraient excessifs ; l'autre consistant à adopter des objectifs plus ambitieux qu'un déficit équivalent à 3% du PIB lorsqu'un pays est en phase de croissance. Le rapport du groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy, dont la version finale sera soumise aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE lors d'un sommet à Bruxelles fin octobre, comportera également une référence à la création d'un mécanisme permanent de gestion des crises susceptible de prendre le relais du fonds européen de stabilité financière. Une nouvelle "task force" pourrait d'ailleurs être chargée de plancher sur ce dossier au cours des prochains mois. L'autre plat de résistance de ces deux jours de discussions à Luxembourg sera la directive "hedge funds", sur laquelle les négociations se sont intensifiées ces derniers jours sans cependant parvenir à réconcilier les positions de la France et la Grande-Bretagne. L'objectif sera pour les ministres de parvenir à un consensus afin que l'Europe puisse se présenter au sommet du G20 de Séoul, le 12 novembre, avec les devoirs faits en matière de régulation financière. Les discussions continuent de bloquer un aspect clé du texte, qui consiste à élargir aux gérants et aux fonds de pays tiers la possibilité offerte à leurs homologues européens d'obtenir une licence unique permettant d'exercer sur l'ensemble du territoire des Vingt-Sept. En dépit d'une intense discussion mercredi, les Etats membres de l'UE ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur la directive "hedge funds" et il reviendra désormais aux ministres des Finances des Vingt-Sept de faire aboutir le texte. La Grande-Bretagne est favorable à ce "passeport européen" mais souhaiterait que les superviseurs nationaux restent en première ligne pour l'octroyer, alors que la France a fini par se rallier à l'idée de cette licence unique mais à la condition que ce soit l'Esma, le nouveau superviseur européen des marchés, qui détienne les clés du système. La discussion porte désormais sur le degré de pouvoirs que superviseurs nationaux et superviseur européen devraient avoir. "Il y a une forte volonté d'aboutir mais il n'est pas illogique que cette question, politique, soit tranchée par les ministres", a indiqué un diplomate européen ayant suivi les débats mercredi. Un second diplomate a expliqué que les négociateurs restaient confiants sur les chances du texte d'être adopté dès la semaine prochaine. "Nous ne sommes pas dans une discussion bloquée. Il y a quand même le sentiment que les choses avancent et qu'un accord n'est pas si loin", a-t-il dit. Si les ministres des Finances s'entendent mardi, ils devront ensuite parvenir à un accord avec la Commission et le Parlement européen, qui envisage désormais de voter le texte en session plénière les 10 ou 11 novembre prochain.