Les électeurs américains ont balayé mardi la majorité démocrate à la Chambre des représentants et gonflé les rangs républicains au Sénat, qui reste cependant sous contrôle démocrate. Deux ans seulement après l'élection triomphale de Barack Obama, l'angoisse des électeurs face à la crise économique et le mécontentement croissant à l'égard des élites de Washington ont abouti à une déroute électorale pour le président démocrate qui pourrait remettre en cause son calendrier législatif. Si tous les résultats des élections de mi-mandat ne sont pas encore connus, la victoire du Grand Old Party à la Chambre basse du Congrès, dont les 435 sièges étaient à renouveler, est désormais une certitude. Selon les projections des chaînes de télévision, les républicains gagneraient au moins 60 sièges jusque là détenus par les démocrates, soit bien plus que les 39 qui leur étaient nécessaires pour faire basculer la Chambre des représentants. Cette vague républicaine surclasse celle de 1994, au milieu du premier mandat de Bill Clinton, quand le Grand Old Party avait conquis 54 sièges. Il s'agit a priori du plus important transfert de sièges d'un parti vers l'autre depuis 1948, année où les démocrates en avaient perdu 75 à la Chambre des représentants. "Notre nouvelle majorité préparera les choses différemment, adoptera une approche nouvelle qui n'a jamais été tentée auparavant à Washington par un parti, quel qu'il soit", a annoncé John Boehner, pressenti pour succéder à la démocrate Nancy Pelosi au poste de "speaker" de la Chambre. "Cela commence par réduire les dépenses plutôt que de les augmenter, par réduire la taille du gouvernement plutôt que de l'accroître et par réformer la manière dont le Congrès travaille", a-t-il dit. Au Sénat, en revanche, où 37 des 100 sièges étaient concernés, les démocrates ont survécu à la marée républicaine. Le Grand Old Party avait fait du Nevada l'un de ses objectifs prioritaires. Mais Harry Reid, chef de file du groupe démocrate au Sénat, a fait échec à Sharron Angle, du Tea Party, au terme d'une campagne acharnée. Joe Manchin en Virginie occidentale et Barbara Boxer en Californie ont également conservé deux autres Etats cruciaux pour la bataille pour le contrôle de la haute assemblée. En attendant l'issue des scrutins dans l'Etat de Washington et le Colorado, où les résultats étaient trop serrés pour être annoncés dans l'immédiat, six sièges de sénateur ont en revanche basculé dans le camp républicain dont l'Illinois, hautement symbolique puisque ancien fief d'Obama, l'Indiana, d'où est venu le premier résultat de la soirée, et l'Arkansas, où John Boozman a battu la démocrate Blanche Lincoln, qui paie son soutien, bien que modéré, à la réforme de la santé. La prise de contrôle de la Chambre des représentants par les républicains risque de se traduire par une situation de blocage législatif, une réduction de la marge de manoeuvre d'Obama et un durcissement du combat politique sur les questions de la baisse des impôts, de la lutte contre les changements climatiques ou encore de l'immigration. Pour Fred Greestein, historien des présidents américains et professeur émérite à l'université de Princeton, Obama va devoir "consacrer davantage de temps à expliquer lui-même" ses choix politiques à l'opinion. Avant le scrutin de mardi, Barack Obama s'était immergé dans la campagne et s'était employé à ranimer la flamme qui lui avait valu la victoire en 2008, lorsqu'il électrisait les foules par son verbe et ses promesses de changement. Son travail, lors de la campagne qui vient de s'achever, a été plus prosaïque: défendre sa politique en expliquant aux électeurs qu'elle symbolisait le changement, pour le mieux, et convaincre que les républicains seraient synonyme de recul pour le pays. Les résultats du scrutin laissent penser que beaucoup d'électeurs n'ont pas été convaincus par ses arguments. Barack Obama et ses collaborateurs ont veillé ces dernières semaines à en dire le moins possible sur leur stratégie post-électorale. Dans les interviews, le président a cependant laissé comprendre qu'il convierait les républicains à collaborer avec lui. S'ils refusent de coopérer avec lui, la Maison blanche mise sur le fait qu'ils en paieront le prix en 2012. "Je pense qu'il sera important que les républicains comprennent que les Américains n'attendent pas d'eux qu'ils se contentent d'observer les choses; ils vont devoir se retrousser les manches et se mettre au travail", a dit Barack Obama dans une interview publiée en octobre par la revue National Journal. Après les élections de mardi, il n'a d'ailleurs pas attendu longtemps pour téléphoner à John Boehner, pressenti pour présider la nouvelle Chambre des représentants à majorité républicaine. Il lui a dit être impatient de trouver un terrain d'entente avec les républicains pour "faire avancer le pays et faire des choses pour le bien des Américains". Appelant également le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, il lui a transmis le même message.