La Réserve fédérale américaine, qui a décidé de racheter 600 millions de dollars de bons du trésor, ne cherche pas à relancer l'inflation mais à donner un coup de pouce supplémentaire à l'économie, a assuré samedi son président Ben Bernanke. "Nous n'avons pas l'intention de créer de l'inflation, notre objectif et d'apporter un stimulus supplémentaire pour aider l'économie à repartir et pour écarter des risques supplémentaires de désinflation, qui, nous le pensons tous, seraient également inquiétants", a-t-il déclaré. Ben Bernanke s'exprimait à l'occasion des cérémonies organisées pour le centenaire de la naissance de la Fed, à Jekyll Island. Pour répondre à ses détracteurs, M. Bernanke a saisi l'occasion d'une conférence sur l'histoire et l'avenir de son institution, dans le cadre retiré et désuet de l'île de Jekyll Island (Georgie, sud-est), là-même où la Fed a été conçue il y a tout juste 100 ans. Nombreux sont ceux qui ont déploré l'annonce de la Fed mercredi de lancer un nouveau cycle d'achats de titres de dette du Trésor, à hauteur de 600 milliards de dollars. Cette politique, qui revient à créer de la monnaie, est appelée dans le jargon des banquiers centraux "assouplissement quantitatif". M. Bernanke a rejeté "cette idée qui circule selon laquelle l'assouplissement quantitatif ou les achats d'actifs sont d'une certaine façon quelque chose de complètement nouveau, de tiré par les cheveux; que nous n'avons aucune idée de ce qui va bien pouvoir se passer, vous savez, que c'est une politique inattendue et imprévisible". "Bien au contraire, c'est de la politique monétaire", a-t-il lancé. M. Bernanke est peu coutumier d'un langage aussi abrupt, ayant toujours privilégié la sobriété. Inflexible dans son raisonnement, il a affirmé que tout pointait dans le sens d'injections de liquidités dans l'économie, dans l'espoir de faire repartir le crédit, et donc l'investissement et la consommation. "Ce que nous tentons en ce moment est absolument conforme à la théorie et à la pratique monétaires", a-t-il jugé. Mais cet avis est très discuté aux Etats-Unis, et paraît plutôt minoritaire en-dehors. Des économistes, des responsables politiques et des banquiers centraux pensent que la Fed risque de renforcer, plutôt que la croissance, à la fois l'inflation, les doutes quant à la solidité du dollar, et la spéculation sur les marchés financiers. L'Allemagne, le Brésil, la Chine, la France, l'Union européenne et d'autres ont fait part publiquement de leur scepticisme voire de leur réprobation. Samedi, M. Bernanke n'a pas évoqué la question du taux de change du billet vert. Mais il a longuement argumenté du fait que l'arrivée de masses de dollars dans l'économie n'allait pas emballer les prix. "Notre métier n'est pas de créer de l'inflation", a-t-il souligné. "Maintenant, cela étant dit, nous connaissons --du moins selon de nombreuses mesures-- une désinflation depuis le pic du cycle d'activité en décembre 2007 (...) C'est un signal qui montre qu'il faut en faire plus, et c'est ce qui motive" la décision de la Fed, a-t-il ajouté. Il répondait à une question d'un ancien président de la Fed de New York, aujourd'hui dirigeant de la banque d'affaires Goldman Sachs, Edward Gerald Corrigan, qui s'est dit "quelque peu mal à l'aise" face au "coup de pouce" donné à l'inflation. M. Bernanke a aussi cru bon de répondre à une mise en garde de son prédécesseur, Alan Greenspan (1987-2006). Lors du même débat, celui-ci a fait valoir qu'il y avait toujours eu des parlementaires pour ressentir les achats de titres de dette du Trésor par la Fed comme une invitation à être moins rigoureux contre le déficit budgétaire. "A travers la crise, le comité de politique monétaire a suivi une politique monétaire complètement indépendante dans ses décisions. Il n'y aucun problème", a-t-il tranché, répondant à ceux qui voient la Fed comme une auxiliaire d'un gouvernement très dépensier.