16 heures au Square Port Saïd à Alger. L'ambiance était morose, dans cette place considérée comme la plaque tournante du change informelle des devises. Les faux billets angoissent les rares cambistes rencontrés sur place. " Il faut examiner les billets ", nous déclare d'emblée, Rachid. Ce jeune Jijelien de 35 ans s'est montré toutefois confiant. " Je reconnais l'argent au toucher. ça fait bientôt 10 ans depuis que j'ai commencé à faire ce métier". Il pense que les faux monnayeurs ne vont pas choisir le Square port Saïd pour écouler leur produit . Les cambistes sont, selon lui, généralement, des gens qui reconnaissent les bons billets des mauvais ". " la vérification devient sérieusement compliquée quand il s'agit de sommes importantes ", avoue Rachid. Dans ce cas de figure, explique le jeune cambiste, on tire au hasard un billet de chaque pile d'argent et on l'examine. Geste à l'appui, il nous montrera qu'il faut " caresser " le billet, entre le pouce et l'index, pour s'assurer de la qualité du papier et examiner, ensuite, sa filigrane à la lumière. Pour être vraiment sûr, poursuit-t-il, on vérifie le numéro de série et la bande argentée du billet. Les saisies importantes en faux billets effectuées ces derniers mois, par les différents services de sécurités ont accentué les craintes des commerçants. Dans les épiceries, les magasins de prêt-à-porter tout comme chez les marchand de légumes, le constat est le même : On vérifie soigneusement les billets, notamment ceux de 1000 dinars avant de les encaisser. Les billets de 200 dinars subissent le même examen. C'est devenu un réflexe. " Il faut faire attention. Les faux billets circulent en quantité ", nous prévient un buraliste de la Place des martyres. Notre interlocuteur reconnaît cependant que les faux billets lancés ces derniers temps sont difficiles à détecter. " Ils sont tellement bien faits qu'ils faut vraiment être un connaisseur pour le découvrir ", dit-t-il en désignant la bande argenté d'un " vrai " billet de 1000 dinars, flambant neuf. Les clients, de leurs coté, ne se fient pas aux commerçants. " S'ils reçoivent de faux billets, crois-moi mon frère, ils ( les commerçant ndlr), n'hésiteront pas à s'en débarrasser, en rendant la monnaie à leurs clients ", estime un quinquagénaire rencontré dans l'une des épiceries de la rue Tanger. Le pire dans ces faux billets, dit-t-il, "est que les victimes risquent, par ignorance, de payer à la place des faux-monnayeurs ". Contacté hier, le directeur de communication de la Banque d'Algérie considère qu'il est "tout a fat normal que la population s'inquiète après les affaires de fausse monnaie révélées par les services de police et de la gendarmerie ". Il y a lieu de rappeler à ce sujet, que ces histoires de fausses monnaies qui ne cessent de défrayer la chronique, ne datent pas d'aujourd'hui. Le circuit informel échappe au contrôle Ce fléau a dévoilé toute sa gravité après le braquage, à Marseille, en novembre 2006, d'un camion transportant du papier appartenant à la Banque d'Algérie. Le papier volé, destiné, bien évidemment, à la fabrication de la monnaie, a été retrouvé plus tard, en janvier 2009, dans un atelier clandestin de la ville de Naples, en Italie. Les services de sécurités italiens ont récupéré 345 000 billets de 1000 faux dinars. D'autres rouleaux de la cargaison précieuse, volée à Marseille, seront retrouvés à Lyon. Selon des sources au fait de cet affaire, Interpol est toujours à la recherche d'autres rouleaux non retrouvés à ce jour. Les craintes relative à la circulation de la fausse monnaie se sont aggravées après l'annonce, il y a quelques semaines, de la saisie de quantités importantes de faux dinars fabriqués en Chine. La fausse monnaie en provenance de l'Empire du milieu, selon les mêmes sources, est de "haute qualité " et peut induire en erreur même un banquier. Cette hypothèse n'a rien d'invraisemblable puisque, rappelle-t-on, une agence de BNP Parisbas à Annaba a encaissé au cours de la semaine écoulée une somme de 100 000 faux dinars. Heureusement, cette fausse monnaie n'a pas tardé a être découverte au niveau de l'Agence de la banque d'Algérie de Annaba. Cette dernière, a-t-on indiqué, est dotée d'un scanner de détection de faux billets. Signalons, enfin, que des analystes ont tiré la sonnette d'alarme quant au danger qui pèse sur le dinar des suites de la prolifération de la fausse monnaie. Ce phénomène profite, ajoute-t-on, du fait que prés de 40 % de la monnaie fiduciaire en circulation dans le pays, sont contrôlés par la sphère informelle. Cette portion importante qui ne passe pas via les circuits bancaires échappe par voie de conséquence aux moyens de détections de la Banque centrale et des autres établissements financiers.