La problématique des prix du gaz demeure entière. Ayant perdu deux tiers, les cours actuels du gaz menacent les investissements gaziers aussi bien en amont qu'en aval. D'où la nécessité de stabiliser les prix du gaz à des niveaux acceptables. L'idée émise lors de la réunion du Forum des pays exportateurs de gaz à Oran au mois d'avril dernier a une nouvelle fois été mise en avant, hier par le Qatar à l'occasion de la réunion ministérielle du FPEG à Doha. La Qatar a ainsi, réitéré les appels des pays exportateurs de gaz naturel en faveur de l'instauration d'un mécanisme pour relier les prix du gaz à ceux du pétrole, afin d'assurer la stabilité du marché. "C'est la meilleur façon d'apporter la stabilité au marché", a déclaré le ministre qatari de l'Energie Abdallah ben Hamad al-Attiyah. "L'offre serait garantie, plutôt que d'avoir des exportateurs qui changent les destinations de leurs exportations selon les prix (offerts)", a-t-il ajouté. Les prix sont déterminés soit dans des contrats à long terme entre vendeur et acheteur soit sur le marché au comptant. Le prix du gaz avait un certain temps dépassé les 12 $ par million de British Thermal Units (MBTU), unité anglo-saxonne utilisée dans ce secteur (*), pour atteindre un pic de 14 $/MBTU. Ce prix est désormais redescendu en dessous de 4 $/MBTU, complètement découplé du prix du pétrole qui reste voisin de 75 $ par baril. Il y a deux causes à cet effondrement des prix du gaz, l'une conjoncturelle et l'autre durable. D'une part, la récession mondiale de 2008-2009 provoquée par la crise financière a réduit la demande de gaz naturel à la fois pour les usages industriels et pour la production d'électricité. La demande mondiale a chuté de 2,1% en 2009 en raison de la récession, d'après un rapport du Forum international de l'énergie et l'Union internationale de l'industrie du gaz, les deux organisateurs du forum. Mais surtout, on a assisté à un développement spectaculaire de la production américaine de gaz de schiste, un gaz naturel encore classé comme "non conventionnel", comme le grisou des gisements charbonniers. Ce gaz s'est formé dans certaines couches de schiste par décomposition de matières organiques fossiles sous l'action de la chaleur et de bactéries, et y reste piégé en grande quantité mais à faible concentration. Ces ressources, considérables, sont connues depuis longtemps, mais ce n'est que tout récemment que les progrès techniques (forages horizontaux, fracturation hydraulique des roches) les ont rendues exploitables à grande échelle. Il y a désormais 35000 puits produisant du gaz de schiste aux Etats-Unis - il n'y en avait qu'une cinquantaine en 1990. On prévoit que le gaz non conventionnel, qui assurait 42% de la production américaine en 2007, atteindrait 64% en 2020, ce qui, ajouté au gaz classique, rendrait les Etats-Unis pratiquement auto-suffisants pour au moins deux siècles. Cette situation a donné naissance à de nouvelles pratiques commerciales sur le marché du GNL entraînant une concurrence entre pays producteurs qui ont augmenté leur production pour maintenir les niveaux de leurs recettes. Actuellement, les capacités mondiales de liquéfaction de gaz sont légèrement supérieures à 100.000 b/j. L'entrée en service de nouvelles unités, et notamment de la raffinerie Shell de Pearl au Qatar, les portera à un niveau compris entre 0,5 et 1 Mb/j à l'horizon 2020. Notons que Fatih Birol, économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la croissance de la production de gaz d'origine non conventionnelle devrait permettre un "âge d'or" pour cette énergie, en la rendant bon marché et abondante. Dans ce sens, Fatih Birol estime que parallèlement à la stagnation de l'offre de brut, l'AIE prévoit un fort développement du gaz naturel liquéfié et du pétrole non conventionnel, (tiré) principalement (des) sables bitumineux canadiens, qui porteront la production mondiale à l'équivalent de 96 mbj en 2035. Ainsi, la surabondance actuelle de gaz naturel au niveau mondial devrait donc perdurer encore 10 ans. Cela signifie qu'il y aura beaucoup de pression à la baisse sur les prix du gaz, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour les consommateurs.