Ils ne font plus partie de ce monde mais leurs œuvres sont un témoignage poignant sur les exactions commises en Algérie à la veille de l'insurrection. Poète, peintre, deux compagnons d'infortune Mireille Miailhe et Boris Taslitzky mettront leur art au service de l'humain. C'est ce que l'on appelait pendant la guerre et même après- guerre, l'engagement. Signé par un autre homme de gauche, un résistant Henri Alleg un beau catalogue de 48 pages leur a été consacré sous le titre "Un voyage singulier, deux peintres en Algérie à la veille de l'insurrection (1951-1952) : Mireille Miailhe et Boris Taslitzky". Leurs travaux ont été d'ailleurs visibles l'an dernier sous le même titre à Vitry Sur Seine, un rendez-vous pictural monté par l'association "Art et Mémoire". Trépassée ce mois de décembre, Mireille Miailhe qui a très tôt rejoint la résistance avait signé dès le début des années 40 la série de tableaux intitulés " Les Veuves " faisant référence à des évènements survenus à la Libération. De retour à Paris, en 1945, elle collabore pendant plusieurs années aux Lettres Françaises et à Action dans lesquelles elle fait de nombreux dessins et illustrations. En 1946, elle expose au Salon des moins de 30 ans, devenu par la suite le Salon de la jeune peinture. En 1949, Mireille expose à la Galerie du Bac. Aragon, Francis Jourdain, Georges Besson, viennent l'encourager. L'année suivante, elle obtient le Prix Fénéon. En 1952, après un séjour de travail en Algérie avec le peintre Boris Taslitzky, elle présente avec celui-ci, à la Galerie André Weil, une exposition-reportage dont le côté dénonciateur fait scandale. A partir de 1957, elle reprend une suite d'expositions dont chacune rencontre un écho grandissant : Galerie Saint-Placide (1959-1962) ; Galerie Katia Granoff (1965).Parallèlement, dans le cadre de la loi du 1%, Mireille Miailhe fait de nombreuses décorations, mosaïques, fresques, céramiques, sculptures. En 1981, elle a enseigné à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, l'ENSAD, rue d'Ulm. D'elle d'ailleurs Henri Alleg se demandait, "qui pouvait mieux dire que les dessins de Mireille Miailhe, l'épouvantable existence des enfants algériens à l'époque de la colonisation, celle des "petits cireurs de chaussures" des rues d'Alger ou celle des "enfants sans école"..." C'était dans le Catalogue de l'expo dont on a pu admirer les travaux puisqu'ils étaient visibles au printemps 2008 à Alger, à la faveur de l'exposition "Les artistes internationaux et la révolution algérienne". Pour l'historienne Anissa Bouayed, Mireille sut aussi saisir le sentiment de révolte qui animait les hommes et femmes de ce pays. “Ses dessins sur le procès des militants nationalistes, à Blida, en sont le symbole". Peintre et poétesse, née en 1921, Mireille Miailhe a quitté les Beaux-Arts de Paris pour la résistance. Un compère nommé Boris Taslitzky Résistant, ancien déporté et militant du Parti communiste français, le peintre Boris Taslitzky (1911-2005) se définissait comme "peintre réaliste à contenu social". Prisonnier en 1940, il s'évade et rejoint la Résistance. Arrêté l'année suivante, il est interné dans un camp du Tarn, puis déporté à Buchenwald, où il réalise plus de deux cents dessins, dont cent onze seront publiés en 1946 par Aragon. Au cours des années 1950, il dénonce la colonisation ; son opposition à la guerre le conduit en Algérie, puis il s'intéresse au Chili, au Liban, au Zaïre. L'engagement politique est indissociable de l'œuvre de ce " peintre réaliste à contenu social ", comme en témoignent les grands tableaux conservés au Musée national d'art moderne à Paris, au musée Pouchkine à Moscou et à la Tate Gallery de Londres. Toute sa vie, il a dessiné et peint sans jamais dissocier son art de son engagement politique. On retiendra ses dessins nés de son internement en France occupée et surtout de sa déportation à Buchenwald, dans lesquels il témoigne de l'enfer des camps en rendant à ses compagnons d'infortune leur dignité d'hommes. Ses cent onze dessins faits à Buchenwald seront réunis en album par Louis Aragon et publiés en 1946. En janvier 1952, Boris Taslitzky est envoyé par le parti en Algérie, pour y réaliser un reportage en peinture. Là, il découvre le colonialisme "de l'intérieur" et en ramène plusieurs carnets de dessins. Une jeune femme peintre l'accompagnait, Mireille Miailhe. De leur séjour algérien, note l'historienne et commissaire de l'exposition Anissa Bouayed, Boris Taslitzky et Mireille Miailhe ramèneront "des dessins saisissants qui restent la plus éloquente dénonciation de ce que fut la société coloniale et la détresse matérielle de larges couches de la population". Dans le même temps, ajoute l'historienne, le reportage valorise la combativité de certains groupes sociaux comme celui des dockers ou des travailleurs agricoles. Mireille Miailhe a assisté au procès de Blida qui faisait comparaître les militants nationalistes de l'OS (l'Organisation Spéciale du MTLD) et elle en a ramené de précieux carnets de croquis. Parmi la soixantaine d'inculpés, signale Anissa Bouayed, figuraient notamment Aït Ahmed, Ben Bella et Khider. En janvier-février 1953, ce reportage a donné lieu à l'exposition "Algérie 1952" qui présentait plus de 60 dessins et quelques 40 peintures à la Galerie Weil à Paris. Quelque 40 dessins, qui proviennent du Centre Pompidou ou de collections privées, étaient ainsi exposés à Vitry sur Seine qui "témoignent des conditions de vie des populations dans l'Algérie coloniale et des tensions politiques et sociales à la veille de l'insurrection".