En débat depuis des décennies, l'objectif de création d'une monnaie commune en Afrique pour accroître le commerce intra-régional semble se décrire dans une étape significative avec la mise en place bientôt du Fonds monétaire africain (FMA) et de la Banque africaine d'investissement (BAI), laissent croire experts et responsables de l'Union africaine (UA). "La monnaie commune, ça s'impose à nous du moment que la convergence des politiques économiques est en train de se faire. La décision a déjà été prise par les chefs d'Etat. Maintenant, il appartient aux experts de proposer quelque chose de concret. C'est l'une des tâches du Fonds monétaire africain", a affirmé le président du comité de pilotage du FMA, Jean Marie Gankou. Avec une population totale estimée à plus d'un milliard d'habitants, l'Afrique est le continent dont les pays et les régions commercent peu entre eux. En l'occurrence, le commerce intra-africain représente environ 10 à 12% des échanges, d'après le quatrième rapport "Etat de l'intégration régionale en Afrique" publié récemment par la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA). De même, précise encore l'institution onusienne, les statistiques du commerce mondial indiquent que la part du continent de ce commerce a décliné et est passé de 6%, il y a 25 ans, à près de 2% aujourd'hui, voire à moins de 1% si l'Afrique du Sud n'est pas prise en considération. "La notion de monnaie commune est un objectif à moyen terme qui ne peut s'obtenir que si on les convergences monétaires, si la plupart des Etats ont plus ou moins la même façon d'organiser leurs monnaies. Ils doivent respecter un certain nombre de critères, par exemple pas trop d'endettement, pas trop d'inflation, etc.", a observé l'économiste Yves Ekoué Amaïzo, expert de l'Union africaine pour la création du Fonds monétaire africain. Il a insisté en outre sur l'harmonisation de la fiscalité. "On ne peut pas payer des taxes très chères dans un pays X et puis très peu chères dans un autre. Tout le monde va aller dans un pays où on paie moins de taxes", a-t-il expliqué. Ensuite, "il faut qu'on soit d'accord aussi sur le taux de change vis-à-vis de l'extérieur. Donc, on doit avoir une monnaie avec un taux de change fixe à l'intérieur de l'Afrique au départ et après, avec l'extérieur, nous le faisons moduler". "La monnaie commune, c'est l'aboutissement de trois institutions qui doivent se mettre en place : le Fonds monétaire africain, la Banque centrale africaine et surtout la Banque africaine d'investissement. C'est le Fonds monétaire qui va vraiment lancer le mouvement, parce qu'il va amener les Etats à stabiliser leurs déficits budgétaires et donc obligatoirement chacune des banques centrales dans les pays devra faire en sorte que les critères de convergence soient respectés", soutient l'expert. Alors que le volume des marchandises passant les frontières et la valeur des échanges internationaux ont augmenté dans le monde ces dernières années. L'un des facteurs liés à cette situation réside dans la multiplicité des monnaies qui, entraînant des problèmes de taux de change, encourage le commerce clandestin (contrebande) et d'expansion d'échanges non comptabilisés, de même qu'elle augmente le coût des échanges internationaux car elle expose les entreprises à des frais de change ainsi qu'aux incertitudes liées au marché de ces monnaies, selon les experts de la CEA. Pour eux, la coordination des politiques macroéconomiques est essentielle pour développer le commerce intra-africain et l'intégration régionale et ils ajoutent que la question de la monnaie présente un rapport étroit avec l'harmonisation des politiques macroéconomiques. L'Afrique tente d'atteindre cet objectif depuis l'époque de l'Organisation de l'unité africaine ( OUA), ancêtre de l'UA créé en 1963. Première étape du processus d'intégration régionale par le biais d'une monnaie commune, l'UA a encouragé la mise en place d'unions monétaires au sein de ses communautés économiques régionales (CER). A ce titre, la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) sont des unions monétaires ayant pour monnaie le franc CFA qui, bien que spécifique à chacune d'elles, s'échange à parité entre les deux CER et est convertible en euro à un taux fixe. Une zone monétaire commune regroupe également l'Afrique du Sud, la Namibie et le Swaziland et le rand sud-africain y circule librement en tant que monnaie commune dans le cadre d'un mécanisme de taux de change flottants. La même expérience caractérise le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie, trois pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), et la plupart des membres de la Communauté économique et douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) non membres de l'UEMOA. Le continent africain va se doter d'une institution financière internationale supplémentaire, devant accélérer le processus de création du marché commun africain. Les argentiers des différents pays ont adopté, vendredi 17 décembre à Yaoundé, capitale du Cameroun, le Protocole relatif au Fonds monétaire africain (FMA). Relativement au planning de sa constitution effective, les ministres de l'économie et des finances examineront les statuts du FMA en mars 2011 et détermineront les quotes-parts des pays membres. Mais auparavant, le protocole sera remis aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine (UA) pour son adoption définitive, au cours du Sommet ordinaire, prévu en janvier 2011 à Addis-Abeba. Enfin, il est ressorti de la réunion des ministres une recommandation aux pays membres, pour choisir des 8 sources innovantes de financement de l'UA, celles qui leur conviendraient le mieux. Elles seraient constituées, entre autres, d'un prélèvement de 0,5 % sur les biens importés, 0,2 % sur les polices d'assurance, 0,5 % sur les principaux produits d'importation et 0,5 % sur les exportations d'hydrocarbures.