Bouclée quelques jours avant sa mort survenue le 2 mai 2003, "Laezza", une fiction contenant des notes éparses sur tout ce qui tient à cœur à l'écrivain Mohamed Dib est publiée trois ans après son trépas soit en 2006. C'est sa veuve Colette Dib qui a décidé de la publier en France à titre posthume chez son ami éditeur Albin Michel. D'autres écrits comme " Autoportrait ", " El condor pasa" et " Rencontres " sont contenus dans cette nouvelle où il ya des notes éparses et surtout des réflexions sur ce qu'est la littérature. Ce n'est qu'en 2009 à la faveur de PANAF, que cet écrit sera réédité chez Dhaleb avec le soutien du ministère de la Culture dans le cadre du Fonds National pour la Promotion et le Développement des Arts et des Lettres. Très ancré dans la réalité de son pays, même s'il a vécu des années en exil en France, Mohamed Dib a restitué à travers ce livre dont le titre résonne comme une approche entre l'occident et l'orient, des personnages vivants puisés dans la réalité de son époque. N'est-ce pas que tous les écrivains de génie ne peuvent se passer de raconter leur époque avec une vérité sans masque ni fioriture. " Laezza " est une héroïne occidentale. Jeune top-modèle tatouée de piercings sur le corps, elle s'éprend d'un écrivain en herbe qu'elle appelle Bob même s'il a une face complètement ambrée. Cette fiction est certainement une autobiographie car, Dib lui même a des racines africaines tandis que son épouse est occidentale. Mais le propre de la littérature est de faire une réalité avec l'imaginaire. On ne peut pas écrite à partir de rien, l'écrivain étant toujours confronté à son vécu personnel qu'il doit rendre sous forme d'écrits. Dans ce dernier ouvrage, l'écrivain expose ses idées politiques, sociales, des réflexions sur le conflit israélo-palestinien, bref tout ce qui peut constituer un engagement pour un artiste de cette envergure. Dans " Laezza" on retrouve également des références vivantes en rapport avec sa ville natale, Tlemcen. Dib le poète L'on connaissait son œuvre romanesque, surtout sa trilogie, La Grande maison, 1952, L'incendie, 1954 et Le métier à Tisser, 1957, mais l'on ignorait tout de sa poésie quoique comme c'est le cas pour Kateb Yacine, les textes dibiens sont hautement poétiques. Un recueil posthume du défunt écrivain (1920-2003) a été publié en 2007 à la faveur de 'Alger capitale de la culture arabe" aux éditions Différence. Le recueil fut alors publié en deux tomes. La sortie de cet ouvrage a été réalisée grâce à Habib Tengour, poète, écrivain et anthropologue algérien, maître de conférences à l'université d'Evry (région parisienne). Tous les chercheurs qui avaient découvert le texte poétique appréhendaient alors la "singularité d'une parole inédite " de celui qui écrivait de " l'invisible vers le visible ", selon l'expression de Noureddine Saadi, romancier algérien et enseignant à la faculté. Pour l'auteur de La Nuit des origines (2005), " la poésie de Mohamed Dib n'est-elle pas un roman inexprimé". Pour illustrer cette expression imagée, le poème Les mémoires du corps. "Mohamed Dib dialoguait entre sa prosodie et sa poésie " a soutenu Noureddine Saadi, ajoutant que Dib, était "un écrivain de langue, un écrivain singulier dont l'œuvre est envoûtante ", " Son écriture ressemblait à sa voix", avait-t-il relevé. " La singularité de la parole inédite", serait une façon, selon lui, d'explorer une facette méconnue d'un romancier que l'on découvre sur le tard comme poète. Habib Tengour, cet amoureux de l'œuvre dibienne, auteur, notamment de L'Arc et la cicatrice (La Différence, 2006), a précisé que cette première édition des œuvres poétiques complètes de Mohammed Dib, regroupe tous les ouvrages publiés du vivant de l'auteur ainsi que deux recueils inédits. " Bien que le recours à la biographie ne soit pas essentiel pour la compréhension de sa poésie, on ne peut pas l'aborder sans tenir compte de la dimension algérienne ", écrit dans la préface de l'ouvrage H. Tengour. L'anthropologue ajoute que tous les événements que l'Algérie " a vécus/subis ont douloureusement marqué Mohammed Dib ". "La poésie de Dib doit, sans doute, son épure à l'activité romanesque de l'auteur qui connaît parfaitement l'exigence de chacun des registres ",avait-il souligné. Le poème de Dib " en sort nettoyé, les mots n'ont rien à prouver. Ils sont tout bonnement là, à leur place, débarrassées du pittoresque faussement réaliste, soigneusement choisis, disposés dans une métrique simple parce que savante et rigoureuse ", écrit encore Habib Tengour. Il indique que "dès les premiers écrits, en 1946-47, une voix originale, clame/réclame le pouvoir d'un éros qui ne cessera de dévaster le jeune homme tout au long de sa carrière d'homme et d'entretenir la sédition telle que l'entendaient les grands maîtres soufis ". La lecture de quelques poèmes de Dib, bien répertoriés dans cet ouvrage, a permis, en effet, de mesurer l'intensité du mot et la signification du verbe. L'exploit du corps, L'Empire de la chaleur et Terre errante, poème qui avait marqué le poète français Aragon, sont entre autres textes poétiques dont la lecture cadencée a agrémenté le débat de cette rencontre enrichissante à plus d'un titre.