Une journée très riche en savoirs et en émotions a été animée, jeudi dernier, pour nous renseigner sur le talent et la grandeur de cet écrivain et poète tlemcénien... En marge du 8e Salon international du livre, dédié cette année à Mohammed Dib, une journée lui a été consacrée jeudi dernier, à l'hôtel Hilton pour rendre hommage à ce grand écrivain et poète qui s'est éteint, hélas, le 2 mai dernier, en son domicile de la Celle Saint-Cloud, en France. Plusieurs universitaires et chercheurs ont animé cette journée et tenté de restituer à sa juste valeur la vie et l'oeuvre dibedienne et par là même nous donner le goût de la lecture ou la (re) découverte de cette belle plume. C'est Abdelkader Khomri, P-DG de l'Anep et président du comité d'organisation de ce Salon qui présidera la séance d'ouverture, soulignant toute la volonté des organisateurs d'exprimer leur reconnaissance à un écrivain qui a marqué le monde littéraire sur le plan international mais aussi, leur volonté de réhabiliter, de reconstruire un espace qui a beaucoup souffert, celui de la culture, celui d'un pays dont les «écrivains, dit-il, sont oubliés». Présidente de la fondation Mohamed Dib, baptisée symboliquement «La Grande Maison» et située à Tlemcen, «lieu premier» des écritures de cet écrivain universel, Saliha Benmensour, mettra tout d'abord l'accent sur l'une des importantes activités de cette association qui tend à promouvoir la jeune littérature algérienne en vue d'assurer la relève de demain. Il s'agit du prix littéraire Mohamed-Dib qui sera décerné au meilleur recueil de nouvelles, le 17 décembre prochain. Très émouvante dans son témoignage plein d'anecdotes à propos de son père, la fille de Mohamed Dib, Assia, nous plongera dans l'intimité de son univers dont elle avoue ne pas avoir lu entièrement les oeuvres. Assia confiera toute la complexité du rapport qu'elle entretenait avec ce père écrivain qui était, à la fois «strict, autoritaire et très secret». «J'ai rencontré comme un conflit intérieur, un blocage. Je n'arrivais pas à rentrer dans l'intimité de son écriture. Je n'osais pas transgresser cette pudeur. Quand j'ai découvert cette sensibilité, j'ai commencé par la poésie que j'ai beaucoup admirée puis j'ai découvert une certaine violence dans ses romans...Mais je n'ai jamais réussi à lui dire : je t'ai découvert!». A cela, Mohamed Dib avait comme réponse cette phrase éloquente qu'il lui a avoué un jour : «Si tu veux apprécier le livre d'un auteur, il vaudrait mieux ne pas faire sa connaissance». Et pour nous donner justement un aperçu de l'oeuvre dibienne, deux passionnées de son écriture, Afifa Brarhi et Amina Bekat, ont retenu certains extraits de ses oeuvres et les ont regroupés en thème qu'elles ont publiés sous forme d'un petit livre aux éditions Du Tell. Une manière ainsi d'inciter les gens à la lecture de son génie. «Ce qui m'a motivée après la mort de Mohamed Dib, dira Afifa Brarhi, c'est de montrer aux lecteurs qu'il existait autre chose que la trilogie, de susciter aussi l'envie de découvrir l'autre Dib à travers cet ouvrage qui propose un large éventail de la connaissance sur Dib.» Revenant à la présidente de la fondation Mohamed Dib, celle-ci nous fera voyager sur les traces de l'homme et l'écrivain qu'il était grâce à un travail original appuyé d'images. Nous découvrons tout le parcours de l'écrivain à Tlemcen et ses lieux de mémoire, notamment à Béni Boublan...«Tous les lieux de l'intériorité comme de l'extériorité», affirme Mourad Yelles, professeur de lettres à l'université de Tlemcen. Dans cette intempestive voix recluse, Naget Khedda, grande spécialiste de l'oeuvre dibienne, analysera celle-ci sous l'angle thématique et chronologique et déterminera les trois éléments sur lesquels vont s'appuyer l'affectivité et l'imaginaire de l'écrivain: le désert, la neige et la mer puis viendra l'espace de la féminité. «Mohamed Dib, dira Naget, était un écrivain immensément sensible à l'opacité du monde, d'où cette réversibilité du sens dans son écriture». Christiane Achour et Smaïl Abdoun, deux universitaires, s'attèleront quant à eux, à cerner le champ littéraire de ce fils de Tlemcen, à travers deux démarches différentes, l'une en appliquant la sociologie et l'autre à partir d'un point de vue poétique et ce, pour comprendre à titre d'exemple L'Aube, Ismaël (recueil de poésies). Suite à cette série de conférences très enrichissantes, les spectateurs ont eu le plaisir d'apprécier un formidable spectacle théâtral, organisé à partir de l'oeuvre de Mohamed Dib. Mis en scène par M. Ali Abdoun, et joué par des jeunes de l'atelier de théâtre et d'écriture de la fondation, Le Patio est un montage théâtral qui a le mérite de revisiter de façon ludique l'oeuvre de Mohamed Dib en associant des textes extraits de ses romans, nouvelles et poésies. Une façon de signifier, comme dirait sa fille Assia, «qu'il est toujours vivant par son oeuvre».