La Cité de Babylone croule sous les bombes américaines. Elle n'est devenue qu'un tas de cendres fumantes, et la maison-mère des Irakiens a presque disparu au milieu de ce champ de bataille. C'est le temps de la guerre, et les chefs ne respectent, comme au temps de Platon qui a chassé les poètes de la cité, pas la moindre loi protégeant civils et monuments historiques. L'Algérie fête comme chaque année le mois du patrimoine, un rendez-vous qui intervient entre le 18 avril et le 18 mai. C'est une parenthèse pendant laquelle les autorités discourent sur les richesses patrimoniales de notre pays, sur ses potentialités touristiques, sur les réalisations faites depuis quelque temps et sur les chantiers lancés depuis des lustres à l'endroit de tous ses monuments laissés en jachère et avalés par le temps. Un patrimoine selon la définition de l'UNESCO, ce n'est pas seulement les vestiges historiques que recèle une contrée, mais aussi tout ce qu'elle a comme culture orale, culinaire, art populaire… Le patrimoine, c'est en fait, ce qui est matériel, et là ce sont les vestiges historiques, et tout ce qu'il y a d'immatériel, choses qui concernent l'oralité et les arts populaires. Regardons un peu les vestiges connus de tous, plantés là depuis des lustres sans pour autant qu'ils ne soient explorés ne serait-ce que dans un but didactique pour une génération en manque de repères. La Casbah d'Alger et celle de Constantine sont en ruines. Les palais des janissaires et des Raïs d'Alger sont rongés par les oublis. Timgad est écrasée par les automobiles des chefs locaux et dignitaires de Batna. La plupart de nos sites sont dévorés par les herbes sauvages, défigurés par les intempéries et les absences. La décision de restaurer le palais des Raïs d'Alger remonte, tenez-vous bien, à 1977 ! Une équipe de restaurateurs bulgares était même venue sur place pour faire les premières études. Leur venue a duré le temps qu'a duré le ministre de la Culture de l'époque. Et ce n'est qu'en 1989 que la restauration de ces palais a commencé pour de bon. Même topo pour la restauration de la Casbah d'Alger, lancée déjà vers la fin des années 80, et qui est jusqu'au jour d'aujourd'hui dans le même état de délabrement total, mis à part quelques coups de peinture blanche sur les murs lézardés de ce vieil Alger. Il y a eu des Italiens , des Portugais, des Espagnols qui ont défilé chez nous pour les études de restauration mais enfin le ballet vient et repart sans que le citoyen prenne connaissance de “ ces études interminables ” qui se font avec son propre argent. La ministre de la Culture, Khalida Toumi, a, de tout temps, expliqué que ce problème ne relève pas que de ses compétences. La wilaya d'Alger, le ministère de l'Habitat et tant de secteurs ont un droit de regard sur cette restauration qui traîne dans des dossiers posés çà et là dans les administrations presque gelées par un manque de coordination. La plus ancienne de tous, la Casbah de Dellys, un legs architectural des Murabitine, est aussi dans le même état de désolation. Elle fut fondée en 1068 par Moaz Eddawla Ben Samada qui prit pied à Dellys venant d'Espagne. L'une de ses caractéristiques est le riyad ou jardin potager propre aux grandes demeures de maîtres de l'époque des Mourabitine. La Casbah de Dellys est ainsi le produit d'une mosaïque architecturale façonnée à travers l'histoire. Son look punico-romain par sa muraille, andalou par ses riyads, ottoman par ses moucharabieh, attend dignement qu'on vienne restaurer ce grand pan culturel menacé dans sa survie. Que le mois du patrimoine soit un mois des chantiers pour retrouver ce que l'Algérien a de plus cher, son héritage culturel !