Il y a des partisans du dialogue pour régler la crise, comme il y a des partisans de la crise pour régler la question du dialogue, car le dialogue, lui-même, est en crise. Ce n'est pas rien que de diriger le pays, et il faudrait que toute décision prise au niveau de l'Exécutif soit expliquée avec la place qu'elle occupe dans le programme. Cela devrait être une préoccupation constante à la fois dans le champ économique que dans le champ politique, d'où l'intérêt d'institutionnaliser le dialogue, de le rendre permanent, d'en faire une valeur cardinale, une tradition civilisationnelle, et d'en faire la base de l'action stratégique quotidienne..C'est en temps de sérénité qu'il faudrait débattre et placer le débat sur le front de la prévention. Depuis le retour des processus électoraux, jamais un débat de haute importance sur des thèmes particuliers n'a réussi à élire domicile aussi bien dans l'enceinte parlementaire que dans le tube cathodique et celui-ci a trouvé naturellement résidence dans la rue, hors de tout cadre organisé, et adopte l'usage de manifestations non-autorisées qui se terminent inéluctablement par des émeutes. C'est bien quand il se réfugie dans la rue et que peuvent s'en saisir ceux qui le transforment en crises et construisent ensuite leur stratégie sur le meilleur usage à faire de celle-ci et ceux qui se donnent pour mission d'assombrir les perspectives d'avenir par la fourniture de lectures orientées vers la réunion des conditions devant permettre la permanence des émeutes. En absence de débat, il est inévitable qu'il faudrait prévenir une montée en puissance de la contestation sociale et à la transformation de celle-ci en mouvements sociaux. Pour le moment, les revendications exprimées dans la rue sont d'abord sociales et pas du tout politiques. Les partis d'opposition ne peuvent nullement les récupérer pour leur accorder une couverture politique. Ce ne sont pas les intentions qui manquent mais ce sont les capacités à le faire qui font défaut. Elles ne sont pas coordonnées mais, dans les conditions où c'est en permanence que les offres de dialogue ne sont pas faites par les pouvoirs publics et les entreprises, le risque existe qu' il y aurait jonction entre les manifestations et ces dernières pourront trouver le chemin de leur coordination. Comment anticiper et faire disparaître les foyers de crise ? Pour le moment, et selon l'observation du passé, seuls les pouvoirs publics ont en charge d'y faire face alors que les élus apparaissent comme en étant dispensés. Pour le moment également, les émeutes même localisées, mais réparties sur le territoire national, ne rencontrent pas en chemin, les conditions de leur coordination. Elles ne sont donc pas canalisées vers l'expression politique, ne revêtent pas en conséquence le caractère politique pour se transformer en revendications politiques. Pour le moment seulement. Tout se passe comme si deux camps doivent s'ignorer dans un contexte où il faudrait reconnaître ou déplorer que le terrain politique est asséché en matière d' initiatives de dialogue économique. Y aurait-il la crainte que cela mène vers un échec du fait qu'il serait attendu des différents interlocuteurs que chacun récite sa partition sans écouter l'autre, sans se montrer disponible à faire des concessions et parvenir à un compromis ? Tant que tous s'ignorent, de part et d'autre de la ligne de fracture, il n'y aura pas de paix dans le champ économique et cette absence de paix alimentera certainement le désarroi des jeunes au moment où il faudrait récupérer ces derniers.