Par : Mourad HAMDAN (Consultant en management) On voit bien que l'on se situe loin de la définition fréquente du cash - flow puisqu'il s'agit ici de mesurer la totalité des flux produits par l'entreprise. Que ceux - ci aient été conservés par l'entreprise ou bien versés aux préteurs de fonds sous forme de frais financiers ou bien encore versés en dividendes aux actionnaires n'est pas un élément significatif. Ce qui importe ici est de mesurer la richesse créée par l'entreprise. Pour résumer ce qui précède, le processus de calcul du Profit Economique qui consiste à calculer le rendement du capital investi comporte deux écueils : l'évaluation économique des actifs employés par l'entreprise et la mesure des flux de liquidités. La mesure d'une performance n'a d'intérêt que si elle prépare à l'action. Améliorer le rendement du capital investi suppose tout d'abord de rappeler l'autre équation fondamentale: Marge / C.I. = (Marge / C.A.) x (C.A. / C.I.) Marge = Cash flow libre C.I. = Capital Investi (en valeur économique) C.A. = Chiffre d'affaires Ce qui revient à dire que le taux de rotation du capital est aussi important que la marge sur chiffre d'affaires. Cette évidence a longtemps été oubliée dans le système de pilotage des entreprises. C'est certainement ici que se situe l'impact pratique le plus significatif de la création de valeur sur la gestion des entreprises. La gestion par la valeur (Value Based Management pour les anglo -saxons) revient à introduire à tous les niveaux de l'entreprise l'idée que la performance se mesure non par la marge sur chiffre d'affaires mais par la marge sur capital employé. Réduire celui - ci peut s'obtenir par de nombreux moyens : externaliser les activités les plus capitalistiques, allonger la durée d'emploi des actifs ou réduire le cycle d'exploitation. MESURE DU COÛT DES CAPITAUX INVESTIS La deuxième grande difficulté liée à la mesure du Profit Economique provient du calcul du coût des capitaux. Le modèle comptable traditionnel évacue ce problème en considérant que les fonds propres ont un coût nul. Cette convention n'est pas soutenable économiquement. Il faut donc à ce stade estimer le coût des fonds propres, puis calculer le coût moyen des ressources employées par l'entreprise (à la fois dettes financières et fonds propres). Le coût des fonds propres dépend notamment du niveau d'endettement. Or, la dette n'est pas en elle - même créatrice de valeur si son objet est de financer des actifs à faible rendement. Le calcul du Coût Moyen Pondéré du Capital (le WACC des anglo - saxons) est en apparence tout à fait élémentaire. Exemple : soit une entreprise dont la structure de bilan est la suivante : Fonds propres = 100 et Dettes financières = 40. Supposons que les fonds propres ont un coût de 15 % et la dette un coût net de 4%. Le calcul sur les valeurs comptables donne un résultat simple: Coût Moyen Pondéré du Capital = 100 / 140 x 15% + 40 / 140 x 4% = 11.8%. Ce résultat en apparence indiscutable est malheureusement inexact. En effet, la pondération devrait être effectuée en utilisant non pas les valeurs comptables mais les valeurs de marché. Si les actions de l'entreprise évoquée valent par exemple 150, nous aurons un CMPC de : 150 / 190 x 15% + 40 / 190 x 4% = 12.7%. Ceci n'est pas gênant pour une entreprise cotée où la valeur des actions est fixée quotidiennement par le marché. Il en va autrement dans les sociétés non cotées où l'analyste doit d'abord procéder à une évaluation des titres avant de calculer le CMPC. La question que pose souvent le dirigeant d'entreprise lorsqu'on lui indique le coût effectif des capitaux engagés est de savoir quels sont les leviers d'action. Le paradoxe est que l'abaissement du CMPC d'une entreprise n'est pas le résultat de décisions financières mais de choix stratégiques. En effet, réduire le coût du capital revient à réduire le niveau de risque. Pour une entreprise, celui - ci se mesure par la variabilité de ses résultats. L'écart type du rendement est donc un bon indicateur du risque d'entreprise. Or les facteurs qui influent sur la variabilité du résultat sont principalement au nombre de quatre à savoir : 1) la part des coûts fixes dans la structure de coûts (plus celle - ci est élevée, plus une variation de C.A. se verra amplifiée dans la variation des résultats) ; 2) le côté cyclique ou régulier de la demande ; 3) la répartition du portefeuille " produits - marchés " (répartition du risque) et 4) le niveau de différenciation de l'offre. Ainsi plus la firme propose au marché un produit différent de ses concurrents avec une réelle valeur, plus elle accroit son pouvoir de marché. Dans ce cas, elle est moins dépendante de l'action de ses concurrents. On retrouve ici le concept de l'entrepreneur schumpeterien et le rôle de l'innovation. On voit bien que tous les facteurs évoqués ci - dessus n'ont rien de strictement financier et portent sur des choix stratégiques. Réduire le niveau d'intégration d'une entreprise abaisse plus certainement le coût du capital que toute technique sophistiquée d'endettement. De même, localiser les actifs et les dettes dans des entités non consolides n'est qu'un artifice que la réalité économique dévoile tôt ou tard. Créer de la valeur ne s'obtient que par des choix stratégiques et non par des techniques financières ! AMELIORATION DES PERFORMANCES Pour améliorer les performances d'une entreprise, un modèle standard est généralement utilisé. Ce modèle simple distingue les trois composantes partiellement liées qui expliquent l'efficacité d'une firme (définie comme l'atteinte du but fixé, la création de valeur) : la position stratégique, les ressources et la mise en œuvre des ressources. Il permet de tracer assez rapidement le profil général de l'entreprise pour mettre en évidence tour à tour, les causes principales du problème central de l'entreprise, les causes des causes, les conséquences des causes et les conséquences des conséquences (réelles ou potentielles) pour évaluer l'importance et l'urgence des priorités de redressement et surtout favoriser l'émergence d'idées de solutions. L'amélioration des performances se fait par approches progressives et successives et selon des angles différents. On notera parmi lesquels : 1) AMELIORATION DES PERFORMANCES PAR LA GESTION DE LA VALEUR La stratégie de l'entreprise consiste à faire évoluer la dynamique des "preneurs d'enjeux" (concurrents, fournisseurs, employés, régulateur, clients et actionnaires) à son avantage. La réflexion stratégique gagne à être approfondie quand elle permet de renforcer la conscience des buts et la cohérence des actes pour créer de la valeur. La création de la valeur est destinée à trois types d'acteurs, les acheteurs (clients), le personnel (qui apporte son travail), les actionnaires (qui apportent leur capital). Par-delà ces acteurs (directement engagés) la collectivité tout entière est concernée, au moins par le biais de la pression fiscale, des activités induites et de l'équilibre écologique. La réflexion stratégique a pour but l'amélioration du pilotage de la création de valeur à travers des "value drivers" (paramètres de création de valeur) pour investir plutôt dans des stratégies dont la cohérence et la durée sont les moteurs réels d'acquisition d'avantages compétitifs et de création de valeur. La mise en place des "value drivers" facilite une vision analytique et prospective des trois facteurs fondamentaux que l'on retrouve dans toute mesure de performance fondée sur la valeur : la séquence des "cash-flows", le taux d'actualisation réel (coût du capital) et la politique d 'endettement (directement reliée au coût moyen pondéré du capital). Dés lors, il est important de bien repérer dans l'entreprise où se crée en priorité la valeur et, partant, de comprendre comment et par où elle se détruit. La démarche suivante montre le processus suivi pour la gestion de la valeur. "Elle identifie d'abord les sources de création de valeur dans l'entreprise au moyen de "l'arbre de la valeur". Cette arborescence permet de décomposer le profit économique en déterminants opérationnels de création de valeur. "Elle propose ensuite de mesurer cette création de valeur par domaines d'activités stratégiques ou filiales en comparant le profit économique généré au chiffre d'affaires et à l'investissement relatif à ces activités. Cette "cartographie du profit économique" permet une lecture de la performance réelle de l'entreprise puisque intégrant le coût du capital. "Une fois la création de valeur connue, elle propose de la maintenir par l'emploi systématique d'un reporting de la performance économique. Celui-ci s'appuie sur l'usage d'indicateurs de performance distribués aux managers à travers la chaîne de valeur de l'entreprise en fonction des activités dont ils sont responsables. Un tel reporting doit se faire en fonction d'indicateurs financiers et surtout non financiers car reflétant l'activité réelle de l'entreprise et donc son potentiel de création de valeur futur. "Enfin, elle propose d'institutionnaliser cette bonne gestion en la faisant pénétrer dans la culture de l'entreprise (de manière à favoriser la cohésion) par l'alignement de la rémunération sur la performance économique mesurée. Nos managers doivent avoir à l'idée que la participation est un tout qui se compose de deux parties indissociables : -la participation volontaire des hommes aux performances économiques de l'entreprise, -la participation financière de l'entreprise aux performances des hommes. Toute recherche de motivation des hommes, sans une participation financière sur le profit économique supplémentaire généré, n'est que pure manipulation ! 2) AMELIORATION DES PERFORMANCES PAR LA CROISSANCE RENTABLE La finalité de la création de valeur est commune à toutes les entreprises. Plus sûre que les indicateurs comptables, plus pertinente que la valeur boursière, la création de valeur résulte de la différence entre le résultat d'exploitation après impôt et le coût de l'actif, le coût du capital étant calculé d'après le niveau des taux d'intérêts et la prime de risque du secteur de référence.