Le côté conciliant connu chez le patron de Cevital semble avoir cédé le pas au ton plus critique vis-à-vis des politiques économiques tendant à "protéger" le marché national par une totale ouverture consacrée à l'importation de sucre blanc raffiné. Il a ainsi saisi l'occasion, lors de sa participation au séminaire organisé par le cabinet conseil international Ernst & Young, jeudi à Alger, à propos de la logistique et de la distribution, pour exprimer son désarroi. M. Issad Rebrab, qui a expliqué de quelle manière le gouvernement a favorisé les importateurs au détriment des producteurs nationaux de sucre, n'y est pas allé par quatre chemins pour accuser le " lobby des importateurs " qui seraient " derrière les récentes mesures ", un lobby qu'il qualifie d'ailleurs de " puissant, vu qu'il est capable d'influencer les décideurs ". Qualifiant de " non sens " les dernières mesures prises par le gouvernement, Issad Rebrab a indiqué ne pas comprendre les motivations qui ont conduit les pouvoirs publics à consentir une exonération de taxes de plus de 52 % au profit du sucre blanc raffiné alors que les producteurs locaux ne bénéficient que de 22 % d'exonération. Et d'ajouter qu'il n'a jamais été question de 41 % d'exonération de taxes au profit des producteurs locaux vu que l'IBS ne se prélève pas sur les charges mais sur le bénéfice final des sociétés. Aussi, a-t-il expliqué, "lorsque nous nous sommes rapprochés de la DGI pour calculer la proportionnalité, on nous a expliqué qu'il n'a jamais été question d'exonération, mais de report des acomptes provisionnels ". Ce qu'il considère comme étant une mesure susceptible de porter un sérieux coup à la production nationale de sucre. M. Rebrab estime que son groupe disposait de capacités nécessaires pour tenir la dragée haute aux importateurs, indiquant que ce sont ses concurrents sur le marché local qui risquent de connaître des difficultés, vu que " les importateurs sont clairement favorisés au détriment des producteurs locaux ". Dans ce sens, M. Rebrab se défend de détenir un quelconque monopole, et assure qu'on lui " reproche d'être efficace ". Dans ce contexte, il a clairement défini le monopole comme étant une situation où on accorde l'exclusivité de la production ou la distribution d'un produit ou service de par la loi. Il a reconnu bénéficier d'une position dominante, mais considère que ce cas n'est pas spécifique au groupe Cevital évoquant l'exemple de l'ONA qui détient 65 % du marché marocain, ou encore l'exemple du marché européen dominé par 2 ou 3 grands producteurs de sucre. Le patron de Cevital en est d'ailleurs fier puisque, c'est une entreprise exportatrice qui a placé ses produits dans 28 pays, notamment " dans des pays riches comme la Suisse, l'Espagne ou l'Italie ". Il a donc considéré qu'au lieu de reprocher aux entreprises algériennes, seules garantes de la protection du marché, leur efficacité, il faudrait, au contraire, les encourager à rechercher la performance, à grandir, à atteindre une certaine taille critique, afin d'être compétitive sur le marché international. Car, selon lui, "si on n'est pas capable d'aller se bagarrer sur le marché international, on vous prendra votre propre marché". D'où la nécessité pour lui d'ouvrir le débat entre les décideurs et les hommes qui sont sur le terrain et qui sont à même de poser les problèmes, et de faire des propositions, car "ceux qui prennent des décisions ne connaissent pas le terrain ". Rebrab ajoutera dans le même contexte que ce déficit en dialogue a amené les pouvoirs publics à " plafonner les marges des producteurs à 7 % alors qu'au contraire, il fallait imposer un seuil minimum pour leur permettre de travailler, de payer leurs impôts et de vivre ". Et d'ajouter que " si le groupe Cevital devait plafonner ses marges et de les répercuter sur ses prix, il serait accusé de casser les prix ". Il en de même pour les commerçants de gros, demi-gros et détaillants, pour lesquels on offre, selon lui, " des marges insuffisantes, et qui ne dépassent pas les 1,5 %, ce qui est en deçà de la TAP". Rebrab a indiqué dans ce sens que ces derniers aimeraient travailler dans le formel et la transparence au vu des risques que présente l'informel, pour peu qu'on leur offre des marges qui leur permette de vivre.