L'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) a mis en garde, mercredi, les pays producteurs contre un plafonnement des exportations afin de protéger les marchés locaux sur fond de hausse des cours mondiaux. En décembre, les cours mondiaux des produits alimentaires ont dépassé les records de 2008 qui avaient entraîné des émeutes de la faim. "La FAO déconseille fermement de telles mesures", dit dans un communiqué Richard China, directeur de la Division politique et soutien du programme de développement de la FAO. Il fait valoir qu'elles "provoquent souvent davantage d'incertitudes et de perturbations sur les marchés mondiaux et engendrent des hausses supplémentaires au niveau mondial tout en faisant baisser les prix sur le marché intérieur, ce qui réduit l'incitation à produire davantage de nourriture". La FAO invite les pays à ne pas prendre d'initiatives qui pourraient paraître utiles à court terme mais risqueraient d'ébranler les marchés et d'avoir, à long terme, des effets négatifs ou même d'aggraver la situation. "L'expérience de la crise alimentaire de 2007-2008 montre que, dans certains cas, les décisions prises hâtivement par les gouvernements pour atténuer son impact ont en réalité attisé ou contribué à attiser la crise", souligne Richard China, directeur au sein de la FAO, selon un rapport de l'agence. La FAO rappelle que "la quasi-totalité des pays africains sont des importateurs nets de céréales". "Les restrictions à l'exportation (...) appliquées par certains pays producteurs d'excédents vivriers ont exacerbé la situation du marché alimentaire mondial durant la crise. La FAO déconseille vivement l'adoption de ces mesures qui exacerbent souvent le climat d'incertitude et les perturbations sur les marchés mondiaux et font grimper les prix davantage", ajoute la FAO dans un communiqué. L'Indice FAO des prix des produits alimentaires, qui suit l'évolution des produits de base au niveau international, a atteint un sommet en décembre 2010. "Avec ce nouveau choc des prix deux ans seulement après la crise, nous nourrissons de sérieuses inquiétudes sur les conséquences pour les marchés vivriers dans les pays vulnérables", a ajouté M. China. Selon le guide que la FAO vient d'actualiser, il n'existe pas de solution universelle pouvant être appliquée dans tous les pays avec les mêmes chances de succès. Les mesures doivent être adaptées aux conditions locales et prises en concertation avec les parties concernées. "Il faut veiller à ne pas adopter de mesures susceptibles de porter préjudice au marché existant. Il faut s'efforcer d'obtenir la pleine coopération des opérateurs du marché", suggère l'agence spécialisée. Les directives soulignent que les pays à faible revenu et à déficit vivrier ont été durement frappés par la flambée des prix alimentaires ces dernières années. Lorsque les prix augmentent, nombre de ces pays doivent honorer des factures d'importations vivrières plus élevées. La quasi-totalité des pays africains sont des importateurs nets de céréales. Les populations les plus touchées par l'envolée des prix sont des acheteurs nets de nourriture tels que les citadins et les petits agriculteurs, pêcheurs, forestiers, éleveurs et ouvriers agricoles qui ne produisent pas suffisamment pour couvrir leurs besoins. Les plus pauvres d'entre eux consacrent plus de 70-75 pour cent de leurs revenus aux achats de nourriture. Les exportateurs vivriers nets devraient tirer profit de la hausse des prix alimentaires et pourraient enregistrer une amélioration de leurs termes de l'échange et de leurs recettes. Toutefois, l'expérience de la crise alimentaire de 2007/2008 a montré que toute une série de contraintes liées à l'offre ont limité la réponse aux prix élevés dans la plupart des pays en développement. Le guide de la FAO souligne qu'il n'existe pas de solution universelle pouvant être appliquée dans tous les pays avec la même probabilité de succès. L'association de mesures gouvernementales et programmatiques doit être adaptée spécifiquement aux conditions locales et convenue par les principales parties prenantes de chaque pays. Quoi qu'il en soit, "il faut veiller à ne pas adopter de mesures susceptibles de porter préjudice au marché existant, souligne le rapport. Il faut s'efforcer d'obtenir la pleine coopération des opérateurs du marché pour affronter la situation. Dans le cas de marchés défaillants ou absents, il pourrait s'avérer nécessaire de prendre des mesures extrêmes qui court-circuitent les mécanismes du marché. Les interventions pourraient également servir à aider les opérateurs du secteur privé à émerger". A moyen et plus long termes, seul l'investissement dans le secteur agricole des pays en développement se traduira par des augmentations durables de la productivité, des marchés sains, une résilience accrue face aux pics des cours internationaux et une meilleure sécurité alimentaire, a précisé Richard China. Le rapport encourage la production de semences par les Ecoles pratiques d'agriculture, les groupes ou coopératives d'agriculteurs dans le but de renforcer l'accès aux variétés de semences - tant traditionnelles qu'améliorées - au niveau communautaire. Le rapport exhorte les pays à appliquer la lutte intégrée contre les ravageurs, qui repose sur une connaissance approfondie des agro-écosystèmes, laquelle permettra aux agriculteurs de réduire le recours aux pesticides. Il préconise en outre des mesures de réduction des pertes après récolte et l'adoption de pratiques mécaniques d'agriculture de conservation à faible coût. Le rapport examine également les instruments pouvant servir à cibler l'insécurité alimentaire des pauvres, tels les programmes de filets de sécurité reposant sur les transferts de vivres ou d'espèces. Il souligne qu'il est fondamental de considérer les interactions entre les filets de sécurité et les interventions de "développement" afin de mettre à profit les synergies potentielles et éviter tout risque de contraposition entre les interventions.