Souvent mis à l'index et accusé de se laisser influencer par le politique, l'Office national des statistiques a vu sa crédibilité remise en cause par les économistes et les institutions internationales et ce, à plusieurs reprises. La polémique a repris de plus belle la semaine dernière, lorsque l'ONS a publié une enquête révélant un taux d'inflation en glissement annuel en baisse et ce, quelques jours à peine après les contestations populaires induites par la hausse des prix des produits de large consommation. Chose qui explique la sortie, hier, du secrétaire d'Etat chargé de la statistique, M. Ali Boukrami, qui n'a pas raté l'occasion de l'interview qu'il a accordée à l'agence Algérie Presse Services pour défendre l'institution publique, affirmant que l'ONS "est par définition une institution indépendante de service public, ses cadres ont une très haute dignité et n'acceptent pas d'être manipulés ou influencés". "L'ONS s'arrête à son travail de mesure de l'inflation, le reste ne dépend pas de cet office. Le gouvernement milite fortement pour l'indépendance de l'ONS", affirme M. Boukrami avant d'ajouter que "l'IPC (Indice des prix à la production) utilisé par l'office est un indicateur universellement utilisé et dont la méthodologie d'estimation est définie et validée par les organismes internationaux des statistiques". Il a précisé que la polémique que suscite la publication des chiffres de l'inflation, par exemple, trouve sa source dans "la différence qu'il y a lieu de faire entre la mesure et la perception des phénomènes". Et d'expliquer les raisons pour lesquelles l'inflation perçue s'écarte de l'inflation mesurée par le fait que "le consommateur juge les prix des produits selon leurs niveaux et non pas selon leurs variations d'une période à une autre". Le problème qui se pose en Algérie, c'est le cumul de cette hausse ressentie par les consommateurs, notamment les couches les plus vulnérables, poursuit M. Boukrami, qui s'est dit ''en accord'' avec le constat selon lequel les prix de certains produits sont élevés. Le secrétaire d'Etat affirme par ailleurs que les contestataires ne doivent pas perdre de vue que le panier de produits servant de référence pour mesurer l'inflation n'est pas constitué uniquement des biens à forte variation de prix tels que les biens agroalimentaires achetés quotidiennement par les consommateurs comme le pain ou les légumes. Ce panier comprend, également, rappelle M. Boukrami, les achats de biens durables (voitures, ordinateurs, machines à laver, etc.), les transactions fréquentes immobilières (loyers, etc.) et les biens subventionnés, qui représentent à eux seuls près de 23% de la composante globale du panier. Il reconnaîtra, néanmoins, que l'indice de l'inflation en Algérie est calculé sur la base des variations des prix de 800 produits composant le panier de la ménagère. La structure et les prix de ces produits sont définis selon une enquête sur les dépenses de consommation de 12 000 ménages, réalisée tous les dix ans. Actuellement, l'inflation est calculée sur l'IPC issu de l'enquête de 2000, une année de référence contestée par certains observateurs qui estiment qu'il ne reflète ni l'état actuel des prix des produits ni les changements dans le mode de consommation des ménages. Dans ce sens, cet indice sera revu en 2012 à la faveur d'une autre enquête sur les dépenses des ménages, en cours d'élaboration, qui va servir de base du calcul de l'inflation. En effet, l'Algérie lancera une série d'enquêtes à partir de cette année afin de fiabiliser et actualiser les données socioéconomiques du pays. Le coût total pour la réalisation de ces enquêtes, dont la plupart seront réalisées par l'Office national des statistiques (ONS), s'élèvera à 2,4 milliards de dinars, dont plus de 1,13 milliard de dinars consacré au recensement économique, a indiqué M. Boukrami. Outre le recensement économique, ces opérations concernent les dépenses et la consommation des ménages, le recensement général agricole (RGA), l'enquête annuelle chômage et emploi, et le calcul de l'indice du développement humain. Le recensement économique, déjà entamé en 2010, "aidera à actualiser les données sur l'économie algérienne à travers la mise en place de fichiers et de répertoires devant faciliter l'interconnexion des bases de données et, partant, permettre aux décideurs d'y adopter les politiques économiques adéquates", selon M. Boukrami. Par ailleurs, le département des statistiques pourrait revoir aussi la fréquence de l'enquête dépenses des ménages pour la ramener à cinq ans au lieu de dix ans. Selon M. Boukrami, le comportement des consommateurs sera suivi, entre-temps, à travers une enquête annuelle sur les attitudes et les comportements des ménages et si cette enquête réussit, il n'y a pas lieu de revoir la fréquence de l'enquête ''dépense-consommation'' des ménages, qui demeure une enquête lourde, précise toutefois M. Boukrami.