Les compagnies pétrolières commencent à s'intéresser sérieusement aux ressources en gaz de schistes en Europe. Dans ce sens, le Conseil s'est prononcé en faveur d'une évaluation des réserves de gaz et pétrole non conventionnels et n'a pas appelé à un objectif d'efficacité contraignant énergétique. "Afin de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de l'UE, il conviendrait d'évaluer le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non conventionnels (gaz de schiste et schiste bitumineux)", indique le texte final. Pour les Amis de la Terre Europe, comme pour de nombreuses ONG environnementales, "l'évaluation des sources d'énergie fossile européenne, en particulier les gaz de schiste, est une mauvaise façon de contrer la dépendance aux importations énergétiques." L'association explique qu'une telle stratégie "enferme l'Europe dans un usage continu des énergies fossiles. Le gaz de schistes représente des ressources considérables au niveau mondial, et permettrait à plusieurs pays de réduire fortement leur dépendance énergétique, et peut-être même de devenir exportateur net. C'est donc un enjeu géostratégique extrêmement important. Depuis peu, des permis d'exploration sont délivrés un peu partout en Europe pour identifier les gisements susceptibles d'être exploités. Outre-Atlantique, l'exploration de la ressource a commencé il y a quelques années déjà, et aujourd'hui le gaz de schistes joue un rôle important dans l'approvisionnement en gaz naturel des Etats-Unis, comme au Canada. En France, le ministère de l'Ecologie a délivré en mai dernier des permis d'exploration dans le sud de la France sur une zone s'étalant de Montélimar à Montpellier. Le gaz est de plus en plus perçu comme une solution d'avenir par les grandes compagnies pétrolières notamment américaines pour des raisons de rentabilité et écologiques. Selon l'Administration américaine de l'information sur l'énergie (EIA), la production mondiale de gaz devrait augmenter de 46% entre 2007 et 2035. Cet intérêt croissant des compagnies pétrolières pour le gaz naturel s'explique notamment par le fait que "les vieux champs pétrolifères deviennent de moins en moins productifs et que les nouveaux gisements sont plus difficiles d'accès pour des raisons politiques ou géologiques, tandis que le gaz est une ressource plus écologique que le pétrole, et apparaît comme un possible carburant d'avenir. Selon les analystes, ''la plupart des grands développements concernent actuellement plus le gaz que le pétrole, même si le pétrole restera incontournable au cours des années à venir. Mais même avec la découverte de nouveaux gisements, la production de brut devrait stagner dans les prochaines décennies'', indiquent les mêmes sources, citant les dernières estimations de l'Agence internationale de l'énergie. A cet effet, ajoutent-ils, à terme, ''des firmes comme Exxon et Shell ouvriront une nouvelle ère dans laquelle les compagnies pétrolières consacreront l'essentiel de leurs efforts à produire du gaz''. Les techniques d'exploitation des gisements gaziers se sont améliorées et les coûts de production ont baissé. La production aux Etats-Unis a atteint 55 milliards de mètres cubes en août, son plus haut niveau sur un mois depuis janvier 1973, selon les statistiques officielles. L'exploitation gazière fait toutefois face à certains défis aux Etats-Unis. Les prix bas du gaz ont conduit la compagnie ConocoPhillips à freiner la production alors que les habitants vivant près des forages se plaignent d'une pollution des nappes phréatiques par des produits chimiques utilisés pour l'exploitation des gisements. Notons que Fatih Birol, économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la croissance de la production de gaz d'origine non conventionnelle devrait permettre un "âge d'or" pour cette énergie, en la rendant bon marché et abondante. Dans ce sens, Fatih Birol estime que parallèlement à la stagnation de l'offre de brut, l'AIE prévoit un fort développement du gaz naturel liquéfié et du pétrole non conventionnel, (tiré) principalement (des) sables bitumineux canadiens, qui porteront la production mondiale à l'équivalent de 96 mbj en 2035. "Le gaz naturel pourrait connaître un âge d'or très bientôt. Cette énergie fossile sera meilleur marché et abondante, les gazoducs sont aisés à construire, et le gaz est comparativement plus favorable à l'environnement que le charbon" a-t-il indiqué. Et d'ajouter que d'ici 2035, environ un tiers de la production de gaz devrait venir de sources non conventionnelles. Ainsi, la surabondance actuelle de gaz naturel au niveau mondial devrait donc perdurer encore 10 ans. Cela signifie qu'il y aura beaucoup de pression à la baisse sur les prix du gaz, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour les consommateurs. Depuis deux ou trois ans, les perspectives du gaz naturel aux Etats-Unis ont complètement changé. Pour pallier la baisse de leurs ressources "classiques" de gaz, les Etats-Unis se sont lancés dans un programme massif d'équipement en terminaux méthaniers pour y recevoir du gaz naturel liquéfié. En conséquence, le prix du gaz avait dépassé les 12 $ par million de British Thermal Units (MBTU), unité anglo-saxonne utilisée dans ce secteur (*), pour atteindre un pic de 14 $/MBTU. Ce prix est désormais redescendu en dessous de 4 $/MBTU, complètement découplé du prix du pétrole qui reste voisin de 75 $ par baril. Il y a deux causes à cet effondrement des prix du gaz, l'une conjoncturelle et l'autre durable. D'une part, la récession mondiale de 2008-2009 provoquée par la crise financière a réduit la demande de gaz naturel à la fois pour les usages industriels et pour la production d'électricité. Mais surtout, on a assisté à un développement spectaculaire de la production américaine de gaz de schiste, un gaz naturel encore classé comme "non conventionnel", comme le grisou des gisements de charbon. Ce gaz s'est formé dans certaines couches de schiste par décomposition de matières organiques fossiles sous l'action de la chaleur et de bactéries, et y reste piégé en grande quantité mais à faible concentration. Ces ressources, considérables sont connues depuis longtemps, mais ce n'est que tout récemment que les progrès techniques (forages horizontaux, fracturation hydraulique des roches) les ont rendues exploitables à grande échelle. Il y a désormais 35 000 puits produisant du gaz de schiste aux Etats-Unis - il n'y en avait qu'une cinquantaine en 1990. On prévoit que le gaz non conventionnel, qui assurait 42% de la production américaine en 2007, atteindrait 64% en 2020, ce qui, ajouté au gaz classique, rendrait les Etats-Unis pratiquement auto suffisants pour au moins deux siècles.