Les organisateurs des manifestations égyptiennes se sont engagés à occuper la place Tahrir, épicentre de la révolution, jusqu'à ce que le Conseil suprême des forces armées accepte leur programme de réformes. Le Conseil, chargé d'organiser la transition, n'a donné aucun détails sur cette nouvelle phase qui vient de s'ouvrir, ni sur le calendrier électoral. Dans deux communiqués, les organisateurs des rassemblements demandent la levée de l'état d'urgence instauré par le président déchu, Hosni Moubarak, contraint à la démission vendredi après près de trente ans de pouvoir. Ils exigent également la libération de l'ensemble des prisonniers politiques et la dissolution de tribunaux militaires. Ils souhaitent enfin l'implication des citoyens dans le processus de transition. Le Conseil suprême des forces armées égyptiennes, composé de généraux importants de l'armée et dirigé par le ministre de la Défense Hussein Tantaoui, âgé de 75 ans, a déclaré vendredi soir que l'armée ne souhaitait pas se substituer à un "régime représentant légitimement le peuple ". Dans une déclaration télévisée prononcée quelques heures après la démission du président Hosni Moubarak, un porte-parole de l'armée a indiqué : "Nous sommes conscients de la gravité de la situation, nous étudions désormais toutes les procédures et les mesures nécessaires pour satisfaire les revendications de la population, ainsi que les propositions formulées, et rendront publiques nos conclusions". Selon la chaîne de télévision Al Arabiya, l'armée procédera à la dissolution du cabinet et à la suspension du Parlement. Pourtant, le conseil militaire a jusqu'ici donné peu de détails sur ce qu'il qualifie de "phase transitoire", ainsi que sur le calendrier des élections présidentielles et parlementaires. Depuis le début des manifestations, les prises de position de l'armée ont été cruciales et selon certains analystes, une césure entre les dirigeants civils et militaires était déjà apparente avant le départ de M. Moubarak. Nabil Abdel Fatah, un analyste politique au Centre des études stratégiques Al Ahram, a déclaré à Xinhua que la population "n'avait pas confiance en Omar Souleimane". "Quand Moubarak affirme qu'il déléguera le pouvoir à son vice-président en vertu de la constitution, cela signifie que Souleimane ne prendra aucune décision sans consulter le président", a-t-il indiqué. Le départ de M. Moubarak a été célébré par une foule en liesse sur la place Tahrir, épicentre des manifestations, et à travers l'ensemble du pays. Les gens chantaient et dansaient dans les rues, des feux d'artifices ont été tirés et des automobilistes klaxonnaient. Mais parralèlement à l'ambiance de fête, la population se pose bien des questions sur la transition. "Je suis satisfait du départ du président", a affirmé un manifestant, "mais je reste préoccupé par l'éventualité de la formation d'un gouvernement militaire". Certains s'interrogent par ailleurs sur la volonté et la capacité de l'armée à instaurer la démocratie, et d'autres sur les moyens que l'armée emploiera pour restaurer l'ordre et mener à terme la transition du pouvoir, dans un pays où plus de 50% de la population est illettrée et 40% vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le gouvernement futur devra faire face à de colossaux problèmes sociaux et économiques, et notamment combler le fossé entre les pauvres et les riches et infléchir l'augmentation des prix des aliments. "La Russie espère que les procédures démocratiques seront complètement rétablies en Egypte et que toutes les procédures électorales légitimes seront utilisées à cet effet", a-t-il dit dans un communiqué cité par Itar-Tass. La Russie avait appelé plus tôt les Egyptiens à renforcer les normes démocratiques, "sans ingérence extérieure" dans sa première réaction officielle à la démission de Moubarak. Vendredi, le président américain Barack Obama a soutenu que la démission de Hosni Moubarak marquait le début du processus de la transition vers la démocratie. La Turquie a également appelé à la tenue d'"élections libres et justes" qui "qui sera le produit de la volonté du peuple", selon un communiqué des services de presse du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. "Nous espérons que le conseil suprême des forces armées égyptiennes transfèrera dans les plus brefs délais ses pouvoirs à la nouvelle administration qui sera née d'élection libres et justes", affirme le texte. Ces derniers événements en Egypte ont été qualifiés par l'Irak de "pas dans la bonne direction car ils répondent au désir et à la volonté de changement de la population". Dans un communiqué, le cabinet du Premier ministre Nouri Al-Maliki, s'est dit persuadé que le peuple égyptien trouvera des dirigeants à la hauteur de ses "ambitions", pour mener le pays vers la stabilité. "Nous sommes convaincus que l'Egypte et son grand peuple, avec son expérience et sa grande histoire, mettra en place une direction capable de satisfaire ses ambitions et de maintenir la sécurité, la stabilité et sa position parmi les nations", souligne le texte. Le Bahreïn a également souligné son soutien au choix du peuple égyptien, en se disant "confiant en la capacité du conseil suprême des forces armées à maintenir la stabilité et la sécurité, et à diriger les affaires du pays". L'Algérie a, de son côté, réaffirmé son attachement aux liens historiques et de fraternité qui unissent les peuples algérien et égyptien. "En cette période cruciale que traverse l'Egypte soeur, l'Algérie réaffirme avec force son attachement aux liens historiques et de fraternité qui unissent les deux peuples algérien et égyptien", souligne un communiqué du ministère des Affaires étrangères. La Jordanie, qui affirme suivre de près les développements historiques dans ce pays, qui constitue "un élément essentiel pour la stabilité de la région", a fait part de "son total soutien à l'Egypte" et son "respect du choix du peuple égyptien". Amman s'est également dit "confiant dans la capacité du conseil suprême des forces armées égyptiennes de bien remplir ses responsabilités en cette période critique, pour mener le pays vers une nouvelle ère". La Chine, par la voix de son porte-parole de la diplomatie, Ma Zhaoxu, a, pour sa part, souhaité un retour de "la stabilité et de l'ordre public aussi vite que possible" La presse officielle chinoise a également insisté samedi sur la nécessité de "restaurer la stabilité" en Egypte, au lendemain de la démission du président Hosni Moubarak, chassé par la rue. Le Canada a exprimé, par la voix de son Premier ministre Stephen Harper, le souhait de voir "des élections libres et justes" ainsi qu'"une transition vers la démocratie en Egypte". "Il appartient aux égyptiens de décider de l'avenir de l'Egypte. Nous voulons y voir des élections libres et justes, l'instauration de la primauté du droit et de la stabilité, le respect des droits de la personne, y compris les droits des minorités, et notamment des minorités religieuses", a indiqué dans un communiqué le Chef du gouvernement canadien. A Rome, le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini a affirmé que l'Italie a pris note de l'évolution de la situation politique en Egypte et le transfert du pouvoir à un conseil supérieur des forces armées, en qualifiant cette annonce d'"évolution importante pour le peuple égyptien et de ses légitimes aspirations démocratiques". ''Je réitère la profonde amitié de l'Italie à l'Egypte et son peuple à qui nous sommes proches et j'espère que grâce à un dialogue constructif entre les institutions et la société civile, la transition se poursuive dans le calme, pour un nouvel ordre démocratique et une mise en £uvre des engagements internationaux de l'Egypte, dont le rôle dans la stabilité régionale est essentielle", a déclaré le ministre italien.