La surpêche a déjà fait disparaître les deux tiers des thons, morues et mérous dans les océans depuis un siècle, bouleversant l'écosystème et menaçant de réduire dangereusement cette source clé de l'alimentation humaine, ont mis en garde vendredi des experts. "La surpêche a eu pour effet de modifier l'équilibre de la faune dans les océans alors que la forte diminution des gros prédateurs a fait exploser les populations de petits poissons", a expliqué Villy Christensen, professeur à l'Université de Colombie Britannique au Canada. Quelque 54% de cette diminution des gros poissons s'est produite au cours des 40 dernières années, période correspondant à un accroissement continu de la pêche industrielle, selon une étude publiée vendredi aux Etats-Unis. "Actuellement, nombre de poissons sont transformés en farine et huile pour être utilisés comme aliments pour l'industrie de l'aquaculture qui dépend de plus en plus de cette source d'alimentation", a aussi noté M. Christensen. Il a présenté les résultats de cette étude lors de la conférence 2011 de l'Association américaine pour la promotion de la science (AAAS) réunie à Washington cette semaine. Il s'agit du plus grand colloque mondial de science généraliste avec cette année environ 5.000 participants. "Si cette situation persiste, nos océans risquent de devenir un jour une ferme à produire des aliments pour l'aquaculture", a-t-il mis en garde. Pour Reg Watson, un scientifique travaillant également à l'Université de Colombie Britannique, il semblerait que l'humanité pourrait avoir déjà atteint un seuil dans l'exploitation de ressources de pêche de la planète. "Il semble que nous consacrons de plus en plus d'énergie et de ressources pour saisir le même tonnage de poissons voire moins ce qui doit être un signe de l'état de santé de l'océan", a-t-il dit lors de cette même présentation. "Nous pourrions en fait avoir atteint un pic pour les poissons au même moment où nous pourrions connaître la même situation avec les réserves de pétrole...", a-t-il noté. Pour donner une idée de la frénésie et de l'ampleur de l'activité de la pêche industrielle dans le monde, ces chercheurs ont calculé l'énergie totale nécessaires pour faire fonctionner les chalutiers et autres bateaux de pêche en 2006. "Nous avons calculé qu'il a fallu utiliser 1,7 milliard de watts d'énergie ou environ 22,6 millions de chevaux pour l'ensemble de l'industrie de la pêche mondiale cette année-là ", a indiqué Reg Watson. Cette surpêche répond à une demande "très dynamique et croissante", a relevé Siwa Msangi, chercheur à l'International Food Policy Research Institute à Washington. Le poisson compte aujourd'hui pour 12% des calories consommées per capita dans le monde comparé à environ 20% pour la viande, a-t-il dit. Près de 50% de "l'accroissement de la consommation de poissons provient de la région Asie-Pacifique, dont 42% est le fait de la Chine seule", a-t-il précisé. "La Chine détermine l'offre et la demande de poissons". Pour rappel, et dans son rapport 2011, le PNUE identifie la pollution des océans aux matières plastique et au phosphore comme des enjeux majeurs pour les décennies à venir, sans toutefois dessiner de véritables solutions pour juguler ces problèmes. Les réserves de phosphates surexploitées ? Certains chercheurs affirment que la consommation mondiale de phosphore n'est pas viable, et que le pic de production pourrait avoir lieu au cours du XXIe siècle, entraînant une baisse progressive mais constante de la production. Si tous les scientifiques ne s'accordent pas sur cette échéance (certains estiment que les réserves pourraient durer encore 300 à 400 ans), le PNUE craint qu'à l'avenir, ''ceux qui n'ont pas de réserves nationales pourraient être particulièrement vulnérables en cas de pénurie générale''. 35 pays produisent du phosphate aujourd'hui. Les dix plus grands pays producteurs sont l'Algérie, la Chine, Israël, la Jordanie, la Russie, l'Afrique du Sud, la Syrie et les Etats-Unis. ''Des quantités énormes de phosphore sont rejetées dans les océans à cause de pratiques agricoles inadéquates et de l'incapacité des Etats à recycler correctement les eaux usées'', soulève le PNUE. L'agriculture, les eaux usées et l'industrie sont les principaux contributeurs de phosphore aujourd'hui. Avec pour conséquence, une eutrophisation des océans et une prolifération d'algues qui, à leur tour, dégradent la qualité de l'eau. Cette pollution a été amplifiée au cours du XXe siècle, avec un explosion de la demande mondiale en phosphore, portée principalement par l'agriculture. Selon les estimations du PNUE, l'utilisation mondiale d'engrais contenant du phosphore, de l'azote et du potassium, pour accroître les rendements, a augmenté de 600 % entre 1950 et 2000. Or, seulement un cinquième du phosphore utilisé dans l'agriculture est absorbé par les plantes. Les quatre cinquièmes restants sont stockés dans les sols et/ou rejetés dans l'environnement, notamment aquatique. Ainsi, au cours des cinquante dernières années, les concentrations de phosphore en eau douce et dans les sols ont augmenté d'au moins 75 %. Le débit estimé de phosphore dans le milieu marin se situe actuellement à environ 22 millions de tonnes par an. Selon le PNUE, la croissance démographique dans les pays en voie de développement et la consommation accrue de produits laitiers et de viande dans l'alimentation mondiale pourraient encore accroître cette tendance. Afin d'enrayer cette pollution, le PNUE préconise d'abord un meilleur recyclage des eaux usées. Selon lui, dans les mégalopoles des pays en voie de développement, jusqu'à 70 % de l'eau contenant des nutriments et des engrais sont déversés dans les rivières et les zones côtières sans être traités. Il préconise également d'agir sur l'érosion et la perte des sols arables (le phosphore est stocké dans la partie superficielle des sols). Mais ne remet pas en question le modèle agricole actuel. Le PNUE estime même que les engrais phosphatés sont essentiels pour l'agriculture de demain.