Le coût des réévaluations des programmes publics qui fait toujours polémique. Aussi, le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, qui était lundi soir l'invité de la chaîne de télévision Canal Algérie, a été interpellé sur la question. Il a saisi l'occasion pour préciser que "60% de ces réévaluations sont dues aux procédures des appels d'offres, 30% aux redimensionnements des projets et 10% seulement sont dus aux problèmes d'évaluation des projets". Le ministre n'a, cependant, pas évoqué les solutions à entreprendre afin d'éviter ces réévaluations. Or, cette déclaration remet en avant tout le flou qui entoure les procédures d'appels d'offres. De la rédaction des cahiers des charges, qui a été à plusieurs reprises critiquée du fait qu'elle laisse un nombre incalculable de lacunes ce qui laisse le champ libre à bon nombre de dérives, à la lourdeur de la procédure, en passant par l'étude du projet lui-même. Or, si la procédure de l'appel d'offres cause 60% des réévaluations, les 40% restants sont à l'actif des études mal ficelées. Il faut rappeler, dans ce sens, qu'un bon nombre de donneurs d'ordres avaient à plusieurs reprises mis en avant tous les problèmes induits par le lancement des projets avant la finalisation des études préalables ainsi que le fait que bien souvent les autorisations de programmes sont délivrées sur la base de données théoriques, qui ne prennent pas en compte les aléas du terrain. Une série de facteurs qui fait de la gestion des programmes d'investissement publics une tâche bien ardue. On se souvient bien que le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, avait déjà livré une réponse sur le sujet, puisqu'il avait déclaré, en s'adressant au gouvernement lors du Conseil des ministres du 24 mai dernier, que chaque secteur doit veiller à une bonne maturation des projets afin d'écarter les réévaluations des coûts, soulignant que le Trésor public enregistre à travers le programme quinquennal 2010-2014, la mobilisation de toutes ses capacités. C'est ainsi que le président de la République avait annoncé que désormais "chaque secteur rendra compte annuellement de l'exécution diligente de son propre programme et nous procéderons annuellement à l'appréciation de la situation financière du pays pour, le cas échéant, tenir compte de nos moyens financiers, car nous excluons par avance tout recours à l'endettement extérieur. Nous accompagnerons aussi cette importante dépense publique de développement avec la rigueur nécessaire, pour bannir tout excès et surtout tout gaspillage dans le fonctionnement de l'Etat et des collectivités locales. Parallèlement, les mécanismes de contrôle devront jouer pleinement leur rôle comme je l'ai déjà ordonné dans ma récente directive", a souligné le chef de l'Etat… D'autre part, le directeur général de la prévision et des politiques au ministère des Finances, Abdelmalek Zoubeidi, avait lui aussi abordé ce sujet au début du mois de janvier dernier, en étant invité de la Chaîne III de la Radio nationale, et il avait alors bien indiqué que le sujet des réévaluations des coûts des projets soulève la polémique, notamment pour les grands projets tels que l'autoroute Est-Ouest. "Il faudrait veiller à ce que les projets inscrits à un certain montant ne soient pas alourdis avec des réévaluations additionnelles". Zoubeidi avait même fait remarquer que certaines réévaluations peuvent provenir réellement soit d'une maturation insuffisante du projet, soit d'une évolution imprévisible des prix des matériaux. Celles-ci doivent être, le cas échéant, prises en charge par les pouvoirs publics. L'emploi et l'investissement dans la ressource publique Sur un autre registre, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a assuré dans la soirée de lundi dernier, lors d'une émission à la Télévision nationale, que la mobilisation de la ressource publique dans la création d'une croissance hors hydrocarbures, permet bien de booster l'emploi et l'investissement. C'est ainsi qu'un financement public conséquent a été réservé à ces mesures d'appui, décidées le 22 février écoulé. Celui décidé pour les Entreprises publiques économiques (EPE), devrait les "inciter à accentuer la cadence des recrutements", a-t-il également déclaré. Il est tout à fait vrai aussi qu'avec des réserves de change qui culminent à 155 milliards de dollars et un Fonds de régulation des recettes de l'ordre de 4.800 milliards de dinars, les indicateurs fondamentaux de l'économie algérienne incitent bien à l'optimisme. C'est justement ça qui permet d'assurer que la situation financière actuelle permet de conduire le programme 2011 dans des conditions soutenables d'autant que le contexte macro-économique dans lequel évolue notre pays actuellement est plus qu'aisé. Evoquant le cas de l'emploi, le ministre des Finances a déclaré que le budget consacré aux autres dispositifs d'aide tourne autour de 85 milliards de dinars pour le soutien à l'emploi et d'une centaine de milliards de dinars pour la solidarité nationale. Ces enveloppes financières, qui seront inscrites dans la prochaine loi de finances, s'ajouteront aux 80 milliards de dinars déjà inscrits pour le soutien de ces dispositifs, a-t-il souligné. Pour une meilleure efficacité des financements bancaires, M. Djoudi a appelé à réduire les "créances improductives" qui ont atteint, selon lui, 35% de l'ensemble des créances bancaires. Il a rappelé au passage que les banques publiques avaient tout de même généré, en 2010, au profit de l'Etat une quarantaine milliards de dinars de revenus, entre dividendes distribuées et impôts payés. Quant à la possibilité de recourir au Fonds de régulation des recettes (FRR) pour financer ce budget additionnel, le ministre a rappelé que ce Fonds avait été spécialement conçu pour le remboursement de la dette extérieure, actuellement de l'ordre de 470 millions de dollars seulement et que ce recours n'était donc pas envisagé. "Le financement des dispositifs de soutien à l'emploi est désormais décidé au niveau d'une délégation au niveau de chaque wilaya, qui sera chargée de l'approbation des projets et de leur financement", a-t-il soutenu. D'autre part, les dernières mesures gouvernementales mettent en avant les projets public-privé grâce au Fonds national de l'investissement (FNI) qui procédera à des prises de participation à hauteur de 34%, dans les capitaux des entreprises privées qui le souhaitent, a également indiqué le ministre. Il avait même annoncé que le code des douanes, qui sera présenté cette année, apportera, à son tour, de nouvelles facilitations au profit des opérateurs économiques. Partenariat : à défaut d'assouplissement, un retour à l'application de la loi En réponse à un investisseur algérien qui s'interrogeait sur "les gages" que pourrait donner le gouvernement pour soutenir les opérateurs nationaux, M. Djoudi a cité "la dépénalisation de l'acte de gestion et la modification des types de garanties bancaires exigées". "On ne va demander à l'investisseur que les garanties relatives au projet lui même" a-t-il dit, soulignant que cette mesure allait donc se substituer à l'exigence des hypothèques comme garanties. A une question relative à la règle des 49/51% concernant l'investissement étranger en Algérie, M. Djoudi a souligné que cette mesure venait d'être allégée en autorisant ces entreprises à choisir plusieurs partenaires algériens au lieu d'un seul. Ce qui revient à dire que les dispositions de l'article 58 de la loi de finances complémentaire pour 2009 n'ont pas été appliquées à la lettre jusqu'à présent. Le texte de la LFC précisait de manière claire et précise que la majorité algérienne pouvait inclure l'addiction de plusieurs partenaires. Or, les autorités en charge du dossier de l'investissement et du partenariat ne l'entendaient apparemment pas de cette oreille, puisque les propos du ministre font ressortir le fait que l'addiction de plusieurs partenaires est considérée comme un assouplissement et non une application stricto sensu des dispositions de la loi. Quant au crédit-documentaire (Crédoc), M. Djoudi a écarté sa suppression, comme rapporté par certains organes de presse, en assurant que "c'est un moyen de protection pour l'Algérie en cas de litiges internationaux". Les facilités de caisses de 2 millions de dinars, introduites dès janvier dernier pour encourager les PME à importer, connaîtraient une "réévaluation" prochaine, selon lui. M. Djoudi a, par ailleurs, annoncé qu'un texte relatif à la balance algérienne des devises a été élaboré récemment par la Banque d'Algérie, qui devrait le communiquer prochainement aux opérateurs.