La Bataille d'Alger, le film culte sur la Révolution algérienne,du défunt Gillo Pontecorvo, a été sur les écrans,hier vendredi,au Royaume-Uni. C'est que ce film, qui est resté longtemps sur la liste rouge des films interdits par la France, a été réimaginé et présenté en 2006 par deux plasticiens Marc Lafia et Fang-Yu Lin, dans The Battle of Algiers 2006 ”. Dans cette version, l'on découvre une succession de séquences du film de Ponte Corvo qui concerne les formes de l'affrontement entre l'armée française et les indépendantistes algériens entre janvier et septembre 1957. Ces scènes sont rediffusées en boucle, en ce sens que les deux plasticiens ont utilisé le calcul pour, disent-ils, représenter cette confrontation sur un plan spatial à travers des photogrammes en séquences et des ambiances sonores du film, le tout selon des variables traduites en algorithmes. Le résultat est actuellement visible en ligne sur le site du Tate (on line) de Londres. Diffusé pour la première fois sur le réseau hertzien en France, La Bataille d'Alger était visible le 4 novembre 2004 sur la chaîne franco-allemande Arte. Le 9 janvier précédent, après une projection spéciale à Bethesda (Washington, DC) en présence de Yacef Saadi, le film était repris en salle à New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago et Washington et dans un grand nombre de villes des Etats-Unis. A la fin de l'été 2003, le journal Le Monde du 8 septembre faisait état d'une projection du film qui a eu lieu le 27 août dans un auditorium du Pentagone et à laquelle ont assisté des officiers d'état-major et des civils. Pour le quotidien, “ un responsable du ministère, dont les propos sont rapportés, anonymement, par le New York Times du 7 septembre, déclare que ce film “ donne une vision historique de la conduite des opérations françaises en Algérie ” et que sa projection était destinée à “ provoquer une discussion informée sur les défis auxquels les Français ont dû faire face”. Au même moment, la diffusion sur Canal Plus de Escadrons de la mort, l'école française de Marie-Monique Robin, qui recourt à de larges extraits de La Bataille d'Alger, déclenchait une vague de protestations d'organisations des droits de l'homme. La diffusion d'extraits du film de Marie-Monique Robin en Argentine a précipité l'ouverture d'une nouvelle enquête sur les exactions commises par d'anciens militaires impliqués dans le “ Plan Condor ” et précédemment amnistiés. Le 20 octobre enfin, c'était au tour de la chaîne française Public Sénat de diffuser le film de Pontecorvo. La projection a été suivie, le lendemain, d'un débat en compagnie de Yacef Saadi. Tourné avec des non professionnels, excepté Jean Martin dans le rôle du colonel Mathieu à la tête des parachutistes français, La Bataille d'Alger traite de la lutte pour le contrôle de la Casbah durant la guerre. Le scénario inspiré du récit de Yacef Saadi, l'un des chefs de la résistance urbaine qui joue son propre rôle, est signé Franco Solinas. La présentation de La Bataille d'Alger à la Mostra de Venise suscita l'ire de la délégation française. Une mauvaise humeur à son comble lorsque Henri Cartier-Bresson et François Truffaut, tous deux présumés lauréats du Grand prix, boycottent la proclamation du palmarès qui récompense le film de Gillo Pontecorvo. Malgré le Lion d'Or à Venise, le prix de la Critique à Cannes et trois nominations aux Oscars à Hollywood, La Bataille d'Alger attendra 1971 pour obtenir son visa d'exploitation en France. À sa sortie, le Saint-Séverin qui affiche le film à Paris est dévasté par une charge explosive. À Lons-Le-Saulnier, un commando met en pièces l'écran et détruit la copie du film à l'acide sulfurique. Ce film qui a eu de par le monde une extraordinaire audience, et des réactions aussi bien politiques que culturelles, continue d'émouvoir par sa justesse, son authenticité, ainsi que par l'atrocité de son propos.