Hommage posthume à Oran au dramaturge Abdelkader Alloula, disparu il y a tout juste 17 ans. Initié par l'Institut de développement des ressources humaines de "haï El-Menzah" (IDRH, Canastel) de concert avec la Fondation Abdelkader éponyme que gère la veuve du défunt, ce rendez-vous commémoratif était une nième occasion d'évoquer non pas l'artiste mais l'homme dans sa dimension humaniste. Universitaires , hommes de culture, anciens compagnons et amis du regretté ont témoigné du parcours artistique de Alloula, de son génie créatif et de son attachement à la société. "C'était un homme de grande carrure, aux sens physique, intellectuel et humain", a souligné Mohamed Bahloul, le directeur de l'IDRH, pour décrire Alloula dont il garde également l'image d'un être "enraciné dans sa société". L'enseignant chercheur Mohamed Bensalah a considéré que "l'œuvre d'Alloula est toujours d'actualité". Constamment mobilisé aux côtés des personnes démunies ou affectées par de graves pathologies, l'assistance a longuement évoqué le côté humaniste de l'artiste. Une table ronde assez riche où les intervenants ont tous été pour la valorisation de l'œuvre de Alloula auprès des jeunes artistes. Pour sa part, Radja, sa veuve a rappelé que sa Fondation a pris plusieurs initiatives dans ce sens qui ont donné lieu à la création d'un Centre de documentation et d'archives théâtrales. Ce centre, domicilié au centre culturel "Segheir Benali" de haï Ibn Sina (ex-Petit Lac) a pour objectif de valoriser le 4e Art algérien, dont le fonds Alloula, tout en encourageant les jeunes troupes théâtrales. Alloula, proche du peuple Dieu seul sait que Alloula a buté sur des " luttes culturelles " féroces qui l'ont poussé à modeler son approche du théâtre, avec comme pièce-maitresse " Homk Salim ". les spécialistes assimilent d'ailleurs cette pièce à un manifeste de " messages artistiques et sociaux ", ou encore "Lejouad" et "Arlequin" par lesquelles il avait affiné " la gageure de parler vrai ", considérant l'art comme un " déclencheur de prise de conscience ". C'est donc un théâtre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Rappelez -vous qu'avant l'existence des portables, c'était dans les souks, qu'on s'informait. Les " diseurs " annonçaient une nouvelle, un événement…etc. Ceux qui entendaient sa voix se dirigeaient vers lui pour mieux écouter. D'emblée ils formaient un cercle qui s'appelle halqa en arabe. Ce cercle permet ainsi de situer le diseur, qui est appelé officiellement le goual, au centre. Il devient le centripète de la narration. Puisant dans cette tradition, Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula " l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que " des petites gens ", avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire, et comme unité de but " théâtraliser les faits " de société. Abdelkader Alloula (1939 - 1994) a animé durant plus de trente ans un théâtre en arabe populaire résolument inscrit dans la vie de la cité. Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fut également administrateur de théâtre et directeur de troupe. Né à Ghazaouet, le jeune Alloula s'initie au théâtre amateur au lycée, suit un stage d'art dramatique en France et rejoint le Théâtre National Algérien à sa création en 1963. Comédien, il joue sous la direction de Mustapha Kateb (" Les Enfants de la Casbah "et " Le Serment de Abdelhalim Raïs ", Hassen Terro de Rouiched, " La Vie est un songe " de Calderon, " Dom Juan " de Molière), de Allel el-Mouhib (Roses rouges pour moi de Sean O'Casey et La Mégère apprivoisée de Shakespeare), de Hadj Omar (Les Chiens " de Tom Brulin). Après avoir mis en scène " El-Ghoula" de Rouiched (1964), " Le Sultan embarrassé " de Tewfik El-Hakim (1965) et "Numance " de Cervantès (1968), dans une adaptation de Himoud Brahimi et Mahboub Stambouli, il fait également des débuts remarqués d'auteur avec " El-Aaleg " (Les Sangsues, 1969), une fresque humoristique sur l'univers bureaucratique et " El-Khobza " (Le Pain, 1970) où défilait déjà sur scène le petit peuple d'Oran, " héros ordinaires " ballotés entre inquiétude et espoir. Alloula sera dans le même temps l'interprète à succès de " Homq Salim " (Folie salutaire, 1972), sa propre adaptation du " Journal d'un fou " de Nicolas Gogol. La pièce déplacera à nouveau des foules lors de sa reprise en 1982. Suivront " Hammam Rabi " (Les Thermes du Bon Dieu, 1975), " Hout yakoul hout " (1975) et " Les Bas-Fonds " de Maxime Gorki (1982).