Aidées par les frappes aériennes de la coalition internationale, les forces de l'insurrection libyenne progressent vers l'ouest: après Ajdabiya la veille, les troupes anti-Kadhafi se sont emparées de la ville pétrolière de Brega pour se rapprocher dimanche du grand complexe pétrolier de Ras Lanouf. Les insurgés ont annoncé avoir repris Brega, l'un des principaux terminaux pétroliers dans l'est de la Libye, après de faibles combats samedi soir, et disaient avancer rapidement vers l'ouest, le long de la côte du golfe de la Grande Syrte. Sur la route de Ras Lanouf et son importante raffinerie, les forces anti-Kadhafi ont pris le contrôle de la petite localité d'El-Egila, quelques maisons et une station-service dans le désert. "Il n'y a pas eu de résistance. Les forces de Kadhafi se sont tout simplement évaporées", affirmait Suleïman Ibrahim, un volontaire de 31 ans, assis à l'arrière d'une camionnette. "ça n'aurait pas pu se passer sans l'Otan. Ils nous ont apporté un grand soutien"."Cela va produire un équilibre très dynamique et très différent à l'intérieur de la Libye. Reste à voir comment cela va se traduire en terme d'opinion publique et par rapport au régime de Kadhafi". Ce dernier a reconnu samedi que ses troupes avaient été forcées de reculer par les frappes aériennes de la coalition internationale, emmenée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne notamment, qui met en place la zone d'exclusion internationale autorisée par l'ONU. "Ils poussent le pays au bord de la guerre civile". Liam Fox a démenti que la coalition internationale espère renverser Kadhafi. "Se débarrasser de Kadhafi, c'est une aspiration, mais ça ne fait pas partie de la résolution de l'ONU", a-t-il dit. Les pays de l'Otan ont conclu un compromis laborieux jeudi soir sur la Libye qui va les voir prendre le relais de la coalition pour y imposer une zone d'exclusion aérienne, mais pas encore pour les frappes au sol, toujours objet de controverse. La place exacte appelée à être jouée par l'Alliance atlantique dans l'intervention militaire déclenchée le 19 mars contre le régime de Mouammar Kadhafi, est l'objet d'âpres négociations depuis plusieurs jours, notamment avec la Turquie, opposée aux bombardements. L'offensive a été lancée à l'initiative de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, rejoints par une coalition de pays volontaires, y compris arabes. Mais les Etats-Unis et plusieurs autres pays, Turquie en tête, insistent pour que la responsabilité militaire totale de l'opération passe le plus rapidement possible sous pavillon de l'Otan, ce que la France voit d'un mauvais oeil de crainte de s'aliéner l'opinion arabe. Et parce qu'elle veut garder une marge de manoeuvre sur le terrain. Une solution provisoire a été trouvée jeudi soir au siège bruxellois de l'Alliance atlantique entre représentants des 28 pays membres: la poire sera coupée en deux. "Nous avons décidé de mettre en oeuvre la zone d'interdiction de survol au-dessus de la Libye", a déclaré le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen. L'Alliance, qui s'occupe aussi de l'embargo maritime, devrait se charger de cette mission supplémentaire dans un délai de deux à trois jours. Un accord n'a pu être trouvé à ce stade pour que l'Alliance atlantique prenne sous sa responsabilité l'intégralité de la mission actuelle des forces de la coalition internationale, qui continue donc à s'occuper des frappes au sol contre des cibles libyennes menaçant les populations civiles, telles que des blindés ou des équipements militaires. "En l'état actuel, vont subsister une opération de la coalition et une opération de l'Otan", a reconnu M. Rasmussen. Le Danois a néanmoins indiqué que les discussions entre pays de l'Otan se poursuivaient pour "élargir" le mandat de l'alliance aux missions encore dévolues à la coalition, telles que les frappes au sol. Pour Washington, pressée de passer le relais car le président Barack Obama est critiqué dans son pays pour s'être lancée dans une guerre en Libye alors qu'il a déjà fort à faire en Afghanistan en Irak, l'issue de ces travaux ne fait pas de doute. "Nous allons devoir approuver le plan opérationnel final, ce qui va se passer pendant le week-end, et puis nous l'exécuterons", a assuré une source très haut placée dans l'administration américaine, sous couvert de l'anonymat. Sur le fond, dit-elle, "l'Otan est parvenue à un accord politique pour inclure dans sa mission et son commandement tous les autres aspects" de la résolution 1973 de l'ONU. Côté français en revanche, on continue à minimiser l'importance de l'Alliance atlantique. "Chacun doit comprendre que la coordination doit rester éminemment politique, même si elle reposera sur la machinerie de l'Otan", car des pays arabes non membres de l'alliance participent à l'intervention en Libye, a indiqué jeudi soir le président français Nicolas Sarkozy lors d'un sommet européen à Bruxelles. Paris insiste sur le fait que le pilotage "politique" de l'intervention est confié, comme déjà annoncé, à un forum des pays membres de la coalition, distinct de l'Alliance atlantique. Une première réunion est prévue dès mardi à Londres. En parallèle, les dirigeants des pays européens se sont dit prêts à renforcer leurs sanctions contre le régime du colonel Kadhafi en le privant de tous revenus pétroliers et gaziers, pour qu'il ne puisse plus recruter de mercenaires. Et ils ont appelé l'ONU à endosser cette mesure.