BREGA (Libye) - Des soldats du colonel Kadhafi encerclés dans une université, des combats près de l'aéroport, des chars de l'armée face aux lance-roquettes de la rébellion: Brega, le verrou contrôlant l'accès à Benghazi, est le théâtre de combats violents entre pro et anti-Kadhafi. Après plus de deux semaines d'insurrection qui ont permis à l'opposition de prendre le contrôle de tout l'Est et de plusieurs villes de l'Ouest libyen, le colonel Mouammar Kadhafi a lancé une contre-attaque. Ses hommes sont apparus à l'aube dans un quartier de Brega, ville située à 200 km à l'ouest de Benghazi, équipés de chars et pièces d'artillerie. "J'ai été réveillé ce matin à 6h00 à cause des tirs", raconte Ahmed Ali, comptable pour la compagnie pétrolière de Brega. "Des mercenaires tchadiens ont pris position aux portes de la compagnie" pétrolière, ajoute-t-il. Ahmed et son collègue fuient alors à Ajdabiya. "Ils nous ont arrêtés pour fouiller le véhicule à la recherche d'armes avant de nous laisser continuer", assure-t-il. En ville, les combats font déjà rage en trois points: l'aéroport, la compagnie pétrolière et l'université. "Les forces de Kadhafi ont attaqué l'aéroport de Brega, où elles ont affronté des rebelles", souligne Aymane al-Moghrabi, un médecin qui participe au soutien médical des combattants depuis Ajdabiya. En fin de matinée, après plusieurs heures de combat, les insurgés affirment que l'offensive de l'armée régulière a été repoussée. Sur la route d'Ajdabiya à Brega, des renforts affluent. Une quarantaine de pick-ups convoient des combattants armés de kalachnikovs ou de mitrailleuses lourdes. Certains viennent de Benghazi, le bastion de l'insurrection, d'autres d'Adjabiya, qui est pourtant bombardé également par des avions de l'armée régulière. A Ajdabiya, des dizaines de personnes prient pour leurs compagnons d'armes de Brega. Sayida Imam, une Libyenne de 45 ans, tient l'arme de son mari qui conduit. "J'ai laissé ma fille de cinq ans à Benghazi et j'accompagne mon mari. J'ai vécu pendant 20 ans à Brega et n'abandonnerai pas ma ville", dit-elle. "Cela sera la victoire ou la mort", dit Saleh Fadel, un autre combattant. A une station service proche de Brega, deux hommes, brandissant une machette et un pic à brochette, font le signe de la victoire. Des habitants assurent que Brega est de nouveau sous le contrôle des rebelles. Les forces pro-Kadhafi sont "encerclées à l'université de Brega", dit un habitant joint par téléphone. Mais dans l'après-midi, une forte explosion secoue Brega et plusieurs témoins disent avoir vu un avion de chasse. Un nuage de fumée s'élève au-dessus du quartier de l'université. L'armée régulière tire également des obus. Bourdonnement des armes lourdes. Le bruit des combats rythme la journée. "Maintenant, ils sont cantonnés à l'université et aux portes de la compagnie pétrolière. Leurs munitions s'épuisent. Ils tirent au hasard. Nous prendrons ces positions avant la nuit", affirme un combattant insurgé. Quelques heures plus tard, deux missiles s'abattent près d'une place de Brega où des habitants célèbrent l'échec de la contre-offensive de Kadhafi, sans toutefois faire de victimes. "Brega est libéré. Nous les avons fait reculer de 30 km vers l'ouest" de la ville, affirme Khalid al-Aqoly, un insurgé, alors que des rebelles tirent sur un portrait du colonel libyen en criant "C'est ton tour". Dans la morgue d'un des deux hôpitaux de la ville, les corps de quatre jeunes libyens ont été transportés. "Il y a quatre autres corps dans l'autre morgue et des corps qu'on a pas pu encore transporter", selon Mashallah Aqub, un insurgé. A Benghazi, un porte-parole du gouvernement de transition, Mustafa Gheriani, avance le chiffre de 10 à 15 morts dans les rangs de l'insurrection. "Nous les avons repoussés. La bataille est finie", dit M. Gheriani.