Là où il passe, il laisse derrière lui un nuage de fumée ! Caustique, révolté, iconoclaste, battant…Amazigh Kateb est le fils de son père, Yacine. Il dit d'ailleurs que ses enfants, il les éduquera comme çà, contre tous les faiseurs de malheurs! Au Centre culturel algérien, à Paris où il a animé un concert mémorable ce dimanche, c'était la cohue, c'était l'apothéose. Comme toujours, l'ex-Gnaoua diffusion, qui a depuis 1999 décidé de poursuivre une carrière solo, a mis le feu aux planches de l'amphithéâtre du CCA. Longues et fortes ovations dans la salle pour celui qui dépiaute à travers un répertoire cru tous les pouvoirs fallacieux et injustes. Pour çà, il a puisé dans ses rythmes bariolés d'humanisme, son répertoire téméraire et impitoyable avec ceux qui sont responsables des malheurs des autres. Il a chanté, "Mociba", "Koma", "Douga Douga" "Dima n'touma", "Bonjour", "Africain", et bien d'autres encore, qui ont mis le public dans une formidable adhésion tant il est vraie ce que raconte Amazigh n'est pas faux. Son arme était le guembri séculaire, son discours un rythme hérité du gnawi des esclaves africains, du rapp révolté, du réggae transcendantale…et tout çà pour dire qu'il s'inscrit de part ce qu'il fait dans un monde humain qui refuse les exils et les frontières. Parolier, musicien, interprète, Amazigh Kateb dit ce qu'il pense sans faire la moindre allégeance, tout comme le fut son père, au diktat des pouvoirs et des conforts. Libre comme un poète maudit, il fustige les injustices, traque la haine là où elle se trouve. Toujours du côté des plus faibles, le cœur à gauche, Amazigh Kateb pense que "si les femmes n'existent pas socialement, si on ne leur reconnait pas un rôle dans la société, on ne peut rêver de révolution ou de changement". "Elle sont une charnière sociale et la culture de par son rôle d'absorption des émotions, des sensations, à la capacité de rassembler et de favoriser cette mixité indispensable à la survie de toute société en mutation", a dit le fils de son père. Pour lui le message de l'artiste est " plus écouté que les discours politiques par le seul fait qu'il ne soit pas électoraliste". "Un artiste ne demandera pas à son public de voter pour lui, ne lui fera pas de promesse. Par contre, il prend position et appelle à une mobilisation autour d'une cause, toujours humanitaire, jamais lucrative", a-t-il soutenu."Il est la résonnance de son époque, s'il parle un langage hermétique, il risque de s'éloigner de son rôle consistant à briser le silence sur une réalité que certains préfèrent taire", a ajouté Amazigh Kateb. Il a avoué également qu'il ne peut pas, en sa qualité d'artiste, "cautionner le silence et contribuer à alimenter les tabous" alors que sa mission culturelle est forcément de "piquer, de déranger, de destabiliser et de donner à réfléchir sur un avenir commun". D'où l'intérêt a-t-il dit, d'élargir l'espace vital de la culture, "puisqu'elle a la capacité de contribuer à cimenter la société, autour de valeurs nobles, orientées sur l'intérêt général et les priorités du peuple". Sur le rôle de la chanson engagée, cet artiste qui n'appartient pas seulement à sa terre natale l'Algérie, mais à l'Universalité, a confié que pour avoir seulement chanté la Palestine, il s'est fait "casser les jambes par les sionistes en France, attaqué de toute part et traité d'antisémite", affirmant être "antisioniste et compte le rester jusqu'à la fin de mes jours". Interrogé sur ses rêves, il affirme qu'ils "ne sont pas démesurés et qu'ils plaident tous pour l'être l'Humain, qu'il considère comme " la valeur la plus sûre dans un monde de guerre et d'ingérence calculée". Amazigh sur un nouveau chantier Après avoir signé en 2009, son "Marché noir " son premier album solo, Amazigh Kateb est actuellement en train de travailler sur un nouveau chantier dont la sortie est prévue pour janvier 2012. Fonceur, surnommé "Ras el-Kebch" - tête de bélier - par ses amis, ce musicien né 1972, porte l'Algérie à " dos d'âme " et s'affirmera comme le "Che Guetara", guitare en francarabe algérien. "Je poursuis le combat de mon père. Lui, c'était la littérature, moi, " le rock'" n' roll. Et j'élèverai mes enfants dans cette même révolte ", a-t-il dit. Pour Amazigh Kateb, Marché noir est "une insomnie en forme de manifeste : un manifeste pour l'amour, la révolution, le rire, la danse, la sueur et la résistance. Il correspond à un besoin de faire le bilan humain et artistique de vingt ans d'exil et de deuil, de route et de scène, de solitude et de collectif", avec des compagnons de voyage qui s'appellent Mohamed Abdennour (mandole, banjo et guitare), Amar Chaoui (percussion), Mehdi Ziuouech (synthé), DJ Boulaone (scratch) et Samuel Flament alias Kweezy Doctor. Marché noir, c'est surtout "une grande variété de sonorités ethniques, mises en relief et en valeur par des sons modernes" dans une célébration qui convoque "de la chanson chaâbie au raï, en passant par le gnawi, le le reggae, le rock, l'électro ou le hip hop..." Sur les douze titres de ce nouvel album, "Bonjour" et "L'Africain" sont des textes de jeunesse du père, Kateb Yacine, disparu il y a plus de vingt ans. Du célèbre écrivain, "parti trop tôt", le fils dit aussi, "Je ne rêve plus de mon père. Il est debout à mes côtés". Précisant sa pensée lorsqu'il déclare, "je me reconnais dans l'insoumission de mon père, et je sais que je la porte volontiers". Amazigh rappelle, cependant, qu'il s'agit bien d'un album personnel. Après la dissolution de son groupe Gnawa diffusion, Amazigh Kateb a cuisiné pratiquement seul sa musique mais avec une nouveauté cette fois-ci, celle de travailler pour la première fois sur les textes de son père.