Les prix du pétrole devraient rester élevés durant "un peu de temps", a indiqué hier , ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, alors que les Européens cherchent à limiter la spéculation sur les marchés de matières premières. "Nous allons encore devoir faire avec un prix élevé du pétrole pendant un peu de temps", a indiqué M. Frieden aux journalistes en arrivant à Gödöllö, à une trentaine de kilomètres de Budapest, pour une deuxième journée de discussions avec les autres grands argentiers européens. La récente flambée des prix des matières premières a relancé une polémique en Europe sur le rôle des spéculateurs financiers sur ces marchés. La France veut notamment faire du sujet une des priorités de sa présidence du G20. Tout en reconnaissant l'influence sur les prix des matières premières des "débats sur l'énergie nucléaire" après la catastrophe de Fukushima au Japon et des "événements en Afrique du Nord", M. Frieden a estimé que "plus de transparence dans ce secteur permettrait de mieux contrôler les spéculations, qui conduisent à la hausse des prix". Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, veut introduire de telles limites de position pour les investisseurs sur les marchés de matières premières, espérant ainsi "éviter l'hyperspéculation". Rappelons que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a estimé lundi dernier que le prix du baril de pétrole, déterminé "par des questions politiques", allait atteindre les 150 dollars à une échéance qu'il n'a pas précisée. Le prix du pétrole n'a cessé de grimper au cours des derniers mois. Les prix du pétrole ont clôturé la semaine sur une nette hausse vendredi, le baril se rapprochant des 113 dollars à New York face aux inquiétudes pour la production en Libye et au Nigeria, une tendance exacerbée par l'affaiblissement de la monnaie américaine. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en mai a terminé à 112,79 dollars, en progression de 2,49 dollars par rapport à la veille. Il est monté jusqu'à 112,86 dollars, son plus haut niveau depuis septembre 2008. A Londres, le baril de Brent s'est approché du seuil des 127 dollars. "Le marché termine la semaine sur une note vraiment haussière, je pense que personne ne veut être pris de court par le week-end, avec toutes les incertitudes qui entourent la situation en Afrique du Nord et au Moyen-Orient", a observé Matt Smith, de Summit Energy. Les investisseurs surveillaient de près la situation en Libye. "Les dernières informations dans les médias suggèrent qu'il y a eu des attaques par les forces pro-Kadhafi sur des champs de pétrole contrôlés par les anti-Kadhafi dans le Sud-Est de la Libye ces derniers jours, qui ont causé la fermeture de trois champs de pétrole: Misla, Waha et le dernier, Sarir", a expliqué Amrita Sen, de Barclays Capital. Ces trois champs produisaient environ 100.000 barils par jour dernièrement, pour une capacité de production combinée environ quatre fois supérieure, a précisé l'analyste. "Le marché a vraiment réagi aux informations sur les forces pro-Kadhafi mettant le feu au champ de Sarir, le plus grand champ pétrolier du pays. Cela a changé les règles: d'une production hors course pendant un certain temps à des actes de sabotage", a noté Matt Smith. En conséquence les investisseurs revoyaient leurs estimations sur la durée pendant laquelle la production libyenne sera quasi inexistante. Avant l'éclatement du conflit, la Libye produisait 1,6 million de barils par jour, dont 1,3 million destinés à l'exportation. Autre tension du côté de l'offre, les élections au Nigeria plaçaient les investisseurs sur la défensive. Les élections législatives au Nigeria se dérouleront samedi dans la quasi-totalité des circonscriptions du premier producteur de brut en Afrique, avec des reports dans quelques autres. Le fort affaiblissement du dollar, abaissant le prix du pétrole pour les acheteurs munis d'autres devises, a exacerbé la tonalité donnée par les tensions géopolitiques.