Le projet Nabucco n'avance pas, conclut Stefan Judisch, président du Conseil d'administration du conglomérat allemand RWE AG, lors de son intervention au Forum de Berlin consacré à la construction du gazoduc. La réunion s'est déroulée en présence de l'administration du conglomérat allemand et des représentants de la commission européenne. Nabucco, concurrent du gazoduc russe South Stream est un projet prioritaire de l'Union européenne. Pourtant, sa réalisation n'avance pas, en l'absence d'ententes concrètes conclues avec les fournisseurs de gaz. Cependant, ses actionnaires, l'autrichien OMV, le hongrois MOL, le bulgare Bulgargaz, le roumain Transgaz, le turc Botas et l'allemand RWE ne se lassent pas d'imaginer de belles perspectives pour leur projet. Mais, en l'absence d'avancement réel, cela commence à agacer leurs collaborateurs. Au Forum de Berlin, Stefan Judisosch ne cachait pas son mécontentement, en pointant le fait que son conglomérat avait investi 20 millions d'euros dans le projet et qu'il souhaitait donc voir la construction débuter le plus rapidement possible. Pour devenir une réalité, le projet Nabucco doit trouver des fournisseurs dans la région caspienne mais les négociations avec les chefs d'Etat de cette région semblent pour le moment être vouées à l'échec. Dans une interview à la Voix de la Russie, le président du comité énergétique de la Douma d'Etat, Louri Lipatov, a donc considéré comme tout à fait naturelle l'intensification de l'activité diplomatique du chef de la commission européenne, Jose Manuel Barroso, à l'égard des pays de la région. En revanche, M. Lipatov a trouvé tout à fait étrange les déclarations faites par certains membres du Forum de Berlin, dont le commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger. Selon Jochen Homann, secrétaire d'Etat allemand à l'Economie, Moscou "doit comprendre" que l'opposition à la réalisation du projet Nabucco est contre-productive. Quant à Günther Oettinger, celui-ci est allé jusqu'à énoncer quasiment un ultimatum. "Ce serait peut-être exagéré mais on a l'impression que Nabucco bat de l'aile. Les problèmes sont toujours les mêmes, les années durant. C'est premièrement, l'absence de ressources. Le projet perd ses positions en compétitivité face à South Stream et de ce fait, les membres du consortium ont recours au dernier moyen la pression politique. Les Européens doivent vraiment se débarrasser des phobies gazières en rapport avec la Russie et tenter d'adopter une vision de la situation plus lucide", estime Valeri Nesterov. M. Nesterov conclut que les derniers événements au Proche-Orient, en Afrique du Nord et au Japon imposeront la révision de la politique énergétique de l'Union européenne et probablement, en faveur du gaz russe. Le projet Nabucco est conçu pour exporter le gaz d'Asie centrale et de la région caspienne vers l'Europe, en contournant la Russie. En concurrence directe avec le projet russe South Stream, Nabucco devrait être mis en exploitation en 2015. Maintenant Nabucco prend du retard à moins que cela signifie que le projet sera abandonné. Nabucco n'a toujours pas de fournisseurs de gaz. Alors que South Stream en a, tout comme le marché pour ses exportations. Selon Serguei Tchijov, président de l'Union gazière russe : "Les experts internationaux soulignent depuis longtemps qu'il n'y aura pas assez de gaz pour South Stream et Nabucco. Et puis les autorisations nécessaires ne sont toujours pas signées pour Nabucco. On se pose la question si le projet sera jamais réalisé. Les actionnaires attendent probablement l'évolution de la situation géopolitique pour trouver des fournisseurs de gaz en Turkménie, au Kazakhstan et en Iran. Mais ces attentes sont trop fantaisistes. La Turkménie est orientée sur la Chine et sur la Russie, alors que l'Iran applique une politique antiaméricaine et antieuropéenne", insiste Sergueï Tchijov. Construire un gazoduc sans avoir d'accords signés avec les fournisseurs est un risque inacceptable. "En plus, le coût du projet est monté de 7 à 15 milliards d'euros dès qu'on y a inclut le coût de la construction du tube reliant les fournisseurs à la Turquie. Le coût du projet étant au départ largement sous-évalué, cette enchère n'est, donc, pas la dernière. Compte tenu de la nécessité urgente de faire des économies, ce n'est pas pour plaire à l'Europe. Rien d'étonnant, car il s'agissait dès le début d'un projet géopolitique, son avantage économique restant largement incertain".