Il ne se passe pas une semaine sans qu'on ne parle de l'écrivain Yasmina Khadra, grand patron du Centre culturel algérien à Paris (CCA). Sommes-nous face à une Khadramania qui a même gagné les esprits Outre-mer ? Ses livres, et il en a écrit beaucoup, car il est à peu près au rythme d'un roman par an, s'ils ne récoltent pas les suffrages des sondages et des ventes records, sont systématiquement adaptés dans d'autres genres artistiques, comme le cinéma, le théâtre, et même récemment l'opéra !La consécration ou plutôt l'immortalité d'un " poète maudit " et ça tous les génies de la littérature vous le diront, vient en général -ou du moins tous les poètes en rêvent-, après leur mort. De son vivant, Yasmina Khadra est sur toutes les bouches, toutes les scènes, partout dans les canards. Est-ce de l'hégémonie ? Il y a quelques jours, l'écrivain algérien qui a troqué ses galons de militaire pour sa plume, -et le monde des casernes, il connait trop bien puisqu'il y était très jeune, et il en parle avec fierté dans ses livres- recevait de la fondation, "Prince des Asturies ", un prix ; la semaine d'après, un certain musicien, Michel Runtz, qui vit à Fribourg (Suisse) où il enseigne, décidait d'adapter " Cousine K ", un des romans de l'écrivain à l'opéra. "Toute œuvre qui bouleverse appelle une réponse", affirmait Michel Runtz, indiquant que cette idée lui a été inspirée par la lecture de ce roman, qui dit-il, avait produit une "forte impression" sur lui en raison des grandes similitudes qu'il a constatées entre les atmosphères dramatiques décrites dans cette histoire et ses compositions musicales. "Avec le romancier, nous avons décidé de collaborer pour la réalisation de ce projet artistique construit autour de la tragédie d'un homme incompris, mal aimé, rejeté par son entourage, enfermé dans une solitude dramatique et où je ressentais les non-dits et les sentiments inavoués révélés dans l'écriture de cette histoire", confiait-il. Prévu pour 2012, ce spectacle de 1h30 sera articulé autour d'un texte s'inspirant de quelques extraits du roman, ou de la réécriture de la partie consacrée aux chants, et dont la mouture finale serait conjointement écrite par le romancier et le compositeur. La sonorisation de cet opéra sera métissée et composée de plusieurs formes artistiques, animée par des instruments à cordes conventionnels, accompagnés par des percussions et quelques instruments solistes, précise le compositeur, qui ambitionne de réaliser une œuvre artistique qui porte une "empreinte purement algérienne", et souhaite que la première représentation de ce spectacle ait lieu en Algérie. En début de semaine, un autre de ses livres, "Les hirondelles de Kaboul" paraphé en 2002 chez Fayard, était visible sur scène chez lui au Centre culturel algérien de Paris. Mise en scène par la scénographe Antoinette Senio, la pièce, adaptée de ce roman a été présentée samedi soir devant un public nombreux et visiblement impressionné par le spectacle offert. " Les hirondelles de Kaboul " est une analogie à toutes les femmes d'Afghanistan, prisonnières dans leur propre pays et volontairement enfermées dans leurs maisons, plutôt que de subir l'affront et l'humiliation des Taliban qui rôdent dans les rues incertaines de Kaboul. Contre l'obscurantisme C'est à toutes ces femmes qui tentent de survivre et se battre malgré tout, que l'auteur a voulu rendre hommage et dénoncer le fanatisme et l'obscurantisme dans lesquels elles sont enfermées. Servie par une pléiade de comédiens de talent, l'adaptation du roman de Yasmina Khadra réussit à décrire avec beaucoup de lucidité l'horreur de cette société. Elle a, également, réussi à tenir en haleine le spectateur jusqu' à la dernière minute de la représentation. Interrogée sur le choix à décrire avec beaucoup de lucidité l'horreur de cette société, Antoinette Senio a affirmé avoir été bouleversée, à la lecture du livre, par "ces destins malmenés dans un contexte d'oppression". L'auteur, Yasmina Khadra, quant à lui, estime que les comédiens "ont été très fidèles au texte". Il faut rappeler que son roman "Les hirondelles de Kaboul " 2002 a été consacré meilleur roman de l'année 2010 aux Etats-Unis. En 2009, son autre roman, " L'Attentat " fut adapté au théâtre avec comme titre "Essadma", (le choc). Adaptée par Mourad Snouci et mise en scène par Ahmed Khoudi du TRO, cette pièce faisait l'ouverture, la même année, du Festival national du théâtre professionnel (FNTP). Publié chez Julliard en 2005, "L'attentat" évoque un sujet hypersensible, celui du conflit palestino-israélien dont le processus de paix est depuis plus d'une année à son point mort. L'an dernier, l'auteur algérien a retiré son livre des placards de l'industrie cinématographique la plus puissante au monde. "A force de réécritures, le scénario n'avait plus rien à voir avec le livre. Vendre mon âme, je ne suis pas preneur", confiait Yasmina Khadra à l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur. Finalement "L'attentat " sera adapté à l'écran par le cinéaste et scénariste libanais Ziad Doueiri qui s'est rendu célèbre avec son film West Beyrouth, une co-production franco-belgo-libano-norvégienne, sortie en 1998.