S'il était encore vivant il aurait eu 100 ans le 20 mai dernier. El Hadj M'hamed El Anka, figure légendaire de la musique chaâbi, s'est longtemps abreuvé de ces textes subversifs qui touchent les cœurs et les esprits. Héritier de cette musique des cours marocaines, El Anka a su raconter son peuple, son pays à travers rythmes monosyllabiques certes, mais profondément authentiques. Lunette épaisse, tarbouche rouge, et une ligne de moustache, El Anka est né à La Casbah d'Alger, ce socle qui a enfanté poètes “ maudits ” et artistes insoumis. Originaire de Béni Djennad (Tizi-Ouzou), le petit Anka de son vrai nom Aît Ouarab Mohamed Idir Halo, fait son apprentissage dans trois écoles. C'était entre 1912 et 1918. DE 1912 à 1914 il a fait l'école coranique, puis de 1914 à 1917 l'école Brahim Fatah de la Casbah et enfin de 1917 à 1918 une autre à Bouzaréah. Quand il quitte l'école définitivement pour se consacrer au travail, il avait à peine dix ans. C'est sur recommandation de Si Saïd Larbi, un musicien de renom, jouant au sein de l'orchestre de Mustapha Nador, que le jeune M'hamed obtenait le privilège d'assister aux fêtes animées par ce Grand maître qu'il vénérait. C'est ainsi que durant le mois de Ramadhan de l'année 1917, le cheikh remarque la passion du jeune M'hamed et son sens inné pour le rythme et lui permit de tenir le tar (tambourin) au sein de son orchestre. A partir de la, ce fut Kehioudji, un demi-frère de Hadj Mrizek qui le reçoit en qualité de musicien a plein temps au sein de l'orchestre qui animait les cérémonies de henné, réservées généralement aux artistes débutants. Après le décès de cheikh Nador à l'aube du 19 mai 1926 à Cherchell, ville d'origine de son épouse où il venait juste de s'installer, El Anka prit le relais du cheikh dans l'animation des fêtes familiales. L'orchestre était constitué de Si Saïd Larbi, de son vrai nom Birou, d'Omar Bébéo (Slimane Allane) et de Mustapha Oulid El Meddah entre autres. C'est en 1927 qu'il participa aux cours prodigués par le cheikh Sid Ahmed Oulid Lakehal, enseignement qu'il suivit avec assiduité jusqu'en 1932. 1928 est une année charnière dans sa carrière du fait qu'il rencontre le grand public. Il enregistre 27 disques 78t chez Columbia, son premier éditeur et prit part aussi à l'inauguration de la Radio PTT Alger. Ces deux événements vont le propulser au-devant de la scène à travers tout le territoire national et même au-delà. Le 5 août 1931, cheikh Abderrahmane Saîdi venait de s'éteindre. Ce Grand cheikh disparu, El Anka se retrouvera seul dans le genre mdih. C'est ainsi que sa popularité favorisée par les moyens modernes du phonographe et de la radio, allait grandir de plus en plus. Dès son retour de La Mecque en 1937, il reprit ses tournées en Algérie et en France et renouvela sa formation en intégrant Hadj Abderrahmane Guechoud, Kaddour Cherchalli (Abdelkader Bouheraoua décédé en 1968 à Alger), Chabane Chaouch à la derbouka et Rachid Rebahi au tar en remplacement de cheikh Hadj qui créa son propre orchestre. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et après une période jugée difficile par certains proches du cheikh, El Hadj M'hamed El Anka va être convié à diriger la première grande formation de musique populaire de Radio Alger à peine naissante et succédant à Radio PTT, musique populaire qui allait devenir, a partir de 1946, “ chaâbi ” grâce à la grande notoriété de son promoteur, El Anka. En 1955. il fait son entrée au Conservatoire municipal d'Alger en qualité de professeur chargé de l'enseignement du chaâbi. Ses premiers élèves vont devenir tous des cheikhs à leur tour, assurant ainsi une relève prospère et forte, entre autres, Amar Laachab, Hassen Saïd, Rachid Souki, etc. Devenu maître de lui même, El Anka va jusqu'à bouleverser l'ordre établi de sa musique réputée monovocale pour lui insuffler du sang neuf. Les exemples d'El-Hmam, Soubhane Ellah Yaltif sont assez édifiants. El Anka qui a enregistré quelque 350 quacidates mourut le 23 novembre 1978, à Alger, et fut enterré au cimetière d'El-Kettar. Sortie de 10 CD La célébration du centenaire de la naissance du doyen de la chanson chaâbi, une des figures de proue de la chanson algéroise authentique, El Hadj M'hamed El-Anka, est marquée par la sortie d'un coffret de 10 CD comportant les grands succès de l'artiste disparu. Intervenant, lors d'une conférence de presse, Abdelkader Bendaâmache, président du département de musique à la coordination de la manifestation “ Alger, capitale de la culture arabe 2007 ”, a annoncé la sortie de deux autres coffrets similaires de 10 CD chacun consacrés à deux maîtres de la chanson chaâbi, en l'occurrence, El Hachemi Guerouabi et Dahmane Ben Achour, précisant que ces éditions son accompagnées de livres sur la vie et le parcours de leurs auteurs.