Les Etats-Unis et l'Iran ont tenu lundi à Bagdad leurs premiers entretiens officiels de haut niveau depuis 27 ans, consacrés à la situation en Irak et sur fond de récriminations mutuelles à propos du chaos régnant dans ce pays. Cette rencontre entre l'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Ryan Crocker, et son homologue iranien, Hassan Kazemi, est la première à se tenir officiellement à ce niveau entre les deux pays depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en 1980, après la prise d'otages à l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Elle s'est déroulée dans la résidence du Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki, dans la Zone verte fortifiée de Bagdad. L'Irak était représenté notamment par son conseiller national à la sécurité Mouaffaq al-Roubaie. "J'espère que cette réunion sera le début d'un nouveau chapitre et un pas important pour la région", a déclaré M. Maliki avant le début de la réunion. "J'espère qu'elle aura pour résultat une compréhension mutuelle et sera suivie d'autres réunions pour résoudre les problèmes actuels", a-t-il ajouté. Aucun résultat spectaculaire n'est cependant attendu, alors que les relations entre les deux pays se sont encore tendues ces derniers jours. Le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, a de nouveau demandé lundi aux Etat-Unis de changer de politique et d'accepter la "réalité du terrain", selon l'agence iranienne Irna. "Si l'autre partie (Etats-Unis) a une réelle volonté politique, accepte la réalité du terrain et révise ses politiques passées en Irak, ces discussions peuvent être couronnées de succès", a-t-il estimé. L'Iran considère que le départ des forces américaines d'Irak est la première condition au rétablissement de la sécurité chez son voisin. En revanche, les Etats-Unis accusent l'Iran d'aider les groupes extrémistes en Irak, en leur fournissant entraînement et explosifs. "Nous voulons un Irak libre de toutes forces internationales et le pays ne deviendra pas une base pour des organisations terroristes pour frapper des pays voisins. L'Irak ne sera pas un tremplin pour des menaces contre les pays voisins", a prévenu M. Maliki à l'intention des Etats-Unis, dans le cas où ils seraient tentés de frapper Téhéran. "En échange, nous demandons un comportement similaire de la part des autres Etats, et particulièrement de nos voisins. La présence des forces multinationales en Irak est liée à la formation de nos forces de sécurité", a encore dit le Premier ministre, cette fois à destination du régime iranien. La réunion se tient à huis clos mais elle sera suivie d'une conférence de presse de Ryan Crocker. Cette rencontre de haut niveau entre Etats-Unis et Iran succède à de brefs entretiens début mai à Charm-el-Cheikh (Egypte) entre la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice et son homologue iranien Manouchehr Mottaki. Washington et Téhéran sont convenus de limiter strictement leurs discussions à l'Irak et de ne pas aborder le contentieux autour du programme nucléaire iranien. Dimanche, Téhéran a accusé Washington d'avoir organisé des réseaux d'espions chargés de mener des "sabotages" dans ses régions frontalières sensibles. Quelques jours plus tôt, la Maison Blanche avait rejeté l'idée d'un échange entre cinq Iraniens détenus en Irak et des Irano-Américains détenus en Iran. Plusieurs chercheurs et journalistes irano-américains ont été récemment arrêtés en Iran sous l'accusation de chercher à renverser le régime islamique tandis que cinq Iraniens sont détenus en Irak depuis leur arrestation le 11 janvier par les forces américaines à Erbil, au Kurdistan (nord). Ils sont accusés d'être impliqués dans les réseaux d'approvisionnement en engins explosifs alors que l'Iran affirme que ce sont des diplomates.