Le marché parallèle des devises flambe à Alger, du côté du square Port Saïd, une plaque tournante du change de monnaies étrangères. 1 euro est " coté ", hier, à 141 DA à l'achat à de 143 à la vente. Or, le taux de change officiel pratiqué par les banques est de 101, 38 DA à l'achat et 107, 60 DA à la vente. Une hausse vertigineuse qui s'explique, selon les jeunes vendeurs de devises, par une forte demande de devises étrangères et notamment l'euro, en ce mois d'août de départ à la Mecque pour faire la Omra et en vacances en Turquie où des formules ramadanesques sont proposées par des agences de voyages . " Mais, il y a aussi ceux qui achètent la devise à la veille du grand départ aux lieux saints de l'Islam, El Hadj, soit deux mois, après Aid El fitr " dira un jeune vendeur rencontré sur le trottoir de la rue Abane Ramdane, en quête de potentiels clients. Mais pas uniquement. Le marché se porte bien, grâce ou à cause, c'est selon, des importateurs et hommes d'affaires qui s'alimentent souvent, dit-il, du côté du Port Saïd pour réaliser les transactions avec leurs fournisseurs étrangers. Le montant officiel de change dont ils ont le droit annuellement n'est pas suffisant, soutiennent-ils dans des forums, pour honorer leurs factures lieé aux commandes d'importation. "Veuillez inscrire dans votre papier que nous ne sommes que de simples préposés qui travaillent pour le compte des propriétaires de l'argent qui sont souvent loin d'Alger. Nous sommes en quelque sorte de simples vendeurs de l'argent des riches, mais pas des cambistes dans le vrai sens du mot " explique-t-il le rôle d'intermédiaires qu'ils joues dans ce marché noir où s'échangent, dit-il, des millions d'euros chaque jour. "Quand un client demande une forte somme d'euros et qu'il négocie le taux à la baisse, nous sommes obligés d'appeler notre interlocuteur pour avoir son avis, s'il accepte ou non la transaction avec le taux proposé par le client " explique-t-il la procédure de négociations à distance. Un grand nombre de détenteurs de l'argent n'habitent pas à Alger, mais à l'intérieur du pays, dans notamment les wilayas à forte composante d'émigrés. C'est une Bourse à ciel ouvert, mais non soumise aux contraintes fiscales et au contrôle de change. Et il arrive aussi que la somme demandée, des milliers d'euros, ne soit pas disponible le jour même. "Le client revient le lendemain ou on se déplace chez lui pour faire la transaction" indique-t-il. Les transactions se font souvent dans un véhicule stationné dans les ruelles adjacentes, entre la rue de la Liberté et la rue Abane Ramdane, pas loin de l'ex cour d'Alger. Aucune agression n'est signalée à ce jour sur les lieux du change parallèle où l'euro trône devant le dollar américain lequel est "côté" à peine à 100 DA à l'achat ; alors son taux officiel (journée de lundi) est de 71, 17 DA à l'achat et de 75, 52 DA à la vente. D'où proviennent alors toutes ces centaines de milliers d'euros qui se négocient, tous les jours, au vu de tout le monde, au square Port Saïd d'Alger ? Et voilà toute la question qui montre les failles de la loi sur la monnaie et le crédit et le contrôle de change, selon un expert à la Bourse d'Alger qui a requis l'anonymat. Un spot publicitaire des douanes passent actuellement sur les quatre chaînes nationales de TV pour inviter les passagers algériens résidants à l'étranger à faire leur déclaration de devises devant le service de contrôle des douanes algériennes. "La loi sur le contrôle de change est claire là-dessus. Toute entrée ou sortie de devises doit faire l'objet d'une déclaration douanière" ajoute notre interlocuteur, mettant en évidence le droit des Algériens d'avoir des comptes en devises. La Banque d'Algérie et le ministère des Finances semblent encore méfiants à l'ouverture officielle des agences privées de change, comme cela se passe dans d'autres cieux. "L'Algérie n'est pas encore prête à ce type d'opérations de change tant que la reforme financière n'est pas encore approfondie. Le marché financier est, quant à lui, à l'état embryonnaire en Algérie" explique-t-il cette situation ambiguë du marché parallèle de change ,qui échappe au contrôle de la Banque d'Algérie. Il s'agit, estime-t-il, d'un monopole de l'Etat de fait sur le contrôle de change pour éviter, poursuit-il, l'évasion de devises vers l'étranger. La convertibilité du dinars n'est que commerciale avec des montants limités pour les importations de produits alimentaires et d'équipements et avec comme mode de paiement, le crédit documentaire. Ce mode de paiement est aussi, selon lui, un moyen pour l'Etat d'avoir un œil sur le change. Mais, la création d'agences privées de change est inévitable pour avoir justement, a-t-il ajouté, un vrai contrôle de change sur la monnaie et le crédit. "Le fait que le change de devises soit toléré sur les places publiques est une voie ouverte vers la régularisation de ces agents ambulants de devises. La convertibilité totale du dinars entraînera de plein droit, dit-il, l'ouverture des agences privées de change ".