La récession sera de 5% en 2011, plus grave que prévu, ce qui entraînera une envolée du déficit public à 8,8% du PIB. Les experts du FMI, de la BCE et de la Commission ont précipitamment quitté Athènes, avant-hier. La crise de la dette grecque tourne au psychodrame et à la tragédie. Mardi soir, une commission d'experts du Parlement révélait dans un rapport officiel que l'endettement du pays était "hors de contrôle". Le lendemain, démentis et critiques fusaient, Evangelos Venizélos, le ministre des Finances, ne mâchant pas ses mots, affirmant que ces experts-comptables ne disposaient "ni des connaissances, ni de l'expérience, ni de la responsabilité nécessaire pour juger de la dette"; quelques heures plus tard, la directrice de la commission parlementaire incriminée démissionnait. Effondrement de la Bourse Avant-hier, un degré supplémentaire a été franchi avec l'annonce surprise de la suspension, pendant dix jours, de la mission engagée en début de semaine à Athènes par les experts de la troïka (Union européenne, BCE et Fonds monétaire international). Ce départ précipité a provoqué un tollé dans le pays et la Bourse s'est effondrée dès l'ouverture, entraînant les places financières européennes dans son sillage. Le ministre des Finances a tenté de minimiser l'événement: "Il n'y a pas eu de rupture des discussions entre le pays et la troïka", a-t-il assuré. Mais Evangelos Venizélos n'a pas réussi à convaincre, d'autant qu'il a admis, dans la foulée, que "la Grèce ne tiendra pas ses objectifs de réduction du déficit public en 2011 en raison de l'aggravation de la récession dans le pays". Le PIB devrait reculer d'au moins 5% cette année, prévoit désormais le gouvernement, ce qui le conduit mécaniquement à prévoir un déficit de 8,8% du PIB fin 2011, contre une précédente estimation de 7,4%. C'est un fait, près d'un an et demi après la mise en place du premier plan de rigueur, la Grèce est à nouveau au pied du mur. Les mesures d'austérité ont engendré une forte récession et plombé la croissance, la compétitivité et la production. Le taux de chômage a atteint les 16,6% le mois dernier. "La commission parlementaire avait raison. La dette est vraiment hors de contrôle parce qu'elle ne cesse d'augmenter et continuera sa croissance", analyse Stefanos Manos, ancien ministre des Finances. "Il est désolant de voir que le gouvernement n'a rien fait depuis plusieurs mois. Aucune réforme du système étatique, aucune privatisation, mais seulement l'imposition de taxes et des coupes sur les salaires ! Il y a plus de dépenses publiques qu'en 2009, soit avant la crise, souligne-t-il. Cette fois, il y a urgence, la faillite nous pend au nez. Les dirigeants internationaux doivent taper du pied. Ils devraient refuser d'accorder la sixième tranche du prêt des 110 milliards d'euros accordé à la Grèce si ces mesures ne sont pas appliquées. " C'est probablement le sens du départ de la troïka, qui veut par ce geste spectaculaire mettre la pression sur le gouvernement. Mais ce jeu de poker menteur lasse les Grecs qui subissent de plein fouet l'austérité. Dernière mesure marquante, l'augmentation de la TVA dans la restauration de 13 à 23%. "Un pas de trop , selon Giorgos Delastik, analyste politique. Les Grecs sont épuisés. Ils pensent surtout que le plan de rigueur appliqué n'est pas la bonne solution pour sauver leur pays de la crise, tout comme pour l'Irlande et le Portugal". Les grèves et manifestations ne se sont pas fait attendre. Après le métro d'Athènes et le personnel enseignant, les indignés appellent à une grande mobilisation ce soir devant le Parlement. Pour Ilias Iliopoulos, secrétaire général du syndicat des fonctionnaires, les Grecs jouent leur va-tout. "On est au bord d'une explosion sociale", affirme-t-il. "En 2010, pour que le déficit soit réduit de cinq points, les Grecs ont dû faire d'énormes sacrifices. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus accepter d'autres mesures ou de nouvelles coupes sur les salaires". Pourtant, la troïka demande 2,5 milliards d'économies d'ici à la fin de l'année. Les autorités craignent désormais d'avoir du mal à contenir la colère des Grecs, qui s'est radicalisée après la pause estivale. La Finlande tient à obtenir une garantie La ministre finlandaise des Finances a réitéré , avant-hier, qu'elle maintiendrait la volonté d'Helsinki d'obtenir une garantie d'Athènes pour participer au prêt international à la Grèce, la semaine prochaine lors de discussions avec ses homologues allemand et néerlandais. "Notre position est toujours que la Finlande acceptera de garantir (une partie) du prêt (à la Grèce) à la seule condition d'obtenir un nantissement en échange", a déclaré à la presse la ministre Jutta Urpilainen après une réunion avec la commission parlementaire responsable de la politique finlandaise à l'égard de l'UE. Mme Urpilainen doit rencontrer ses homologues allemand Wolfgang Schaeuble et néerlandais Jaan Kees de Jager à Berlin mardi. La veille, elle aura rencontré à Helsinki le président de l'UE Herman Van Rompuy. L'accord bilatéral passé entre Helsinki et Athènes pour l'obtention d'une garantie en échange du prêt finlandais, annoncé le 16 août, a été fortement critiqué par plusieurs pays de l'UE, y compris l'Allemagne, et a semblé mettre en péril l'ensemble du paquet d'aide à la Grèce. Depuis, Helsinki a dit être prêt à revoir les conditions de mise en oeuvre de cette garantie pour qu'elle soit acceptable par ses partenaires, mais a toujours répété qu'une telle garantie était une condition sine qua non à sa participation. "Des négociations ont lieu chaque jour et nous sommes attachés à trouver une solution qui satisfasse tous les pays de la zone euro", a répété Mme Urpilainen , avant-hier,, sans donner de détails sur les formes d'arrangements étudiées.