C'est hier que s'est clôturé à l'université Aboubakr-Belkaïd de Tlemcen, le colloque international de deux jours (le 17 et 18 septembre) sur Messali Hadj. Le parcours et la personnalité exceptionnels de cet homme qui a passé la totalité de ses heures dans le mouvement national, ont été largement évoqués par les spécialistes d'ici et d'ailleurs, sous le thème évocateur de: " cette terre n'est pas à vendre ". Entre autres deux historiens, Mohamed Harbi et Benjamin Stora, spécialistes de l'Algérie et notamment du Maghreb, ont largement évoqué les rapports de Messali avec l'insurrection, et les origines directes de celle-ci. Les invités ont rappelé le long et formidable parcours révolutionnaire de celui qui dénonçait l'arbitraire dont était victime le peuple algérien et posait déjà la question de l'indépendance nationale lors d'un congrès anti- impérialiste à Bruxelles en 1927. Arrêté une première fois en 1934, il fut condamné à six mois de prison pour propagande anti-militariste avec deux autres dirigeants de l'Etoile. Organisé par l'association Ecolymet et le Laboratoire de recherche Etudes civilisationnelles, l'événement-hommage intervient presque, jour pour jour, au 75e anniversaire d'un discours qui, selon les historiens, marque l'apparition publique, en territoire algérien, des idées nationalistes, indépendantistes de l'Etoile nord-africaine (ENA). Ce fils de Tlemcen, (1898- 1974) réclamait dès 1927 l'indépendance de l'Algérie. C'est lui qui a fondé, le Parti du peuple algérien (PPA), le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et du Mouvement national algérien (MNA). Après une lutte de pouvoir entre ses mouvements et le Front de libération nationale (FLN) au cours de laquelle il sera la cible d'attentats, il cède à ce dernier la conduite des mouvements prônant l'indépendance de l'Algérie. Il se retire alors de la vie politique. Le parcours et l'apport de Messali dans l'accession de l'Algérie à l'indépendance sera longtemps occulté par ses opposants, victorieux sur le terrain ; des personnalités algériennes l'accusant même d'être un traître à la cause qu'il prétendait défendre. Depuis sa mort, cependant, une réhabilitation a lieu, engendrant une certaine polémique. Née en France, L'ENA faisait partie du giron du PCF, le parti faisait bloc avec l'Internationale communiste, fondée des années auparavant, soit vers 1860 par Karl Marx. Le 2 août 1936 au Stade municipal d'Alger, Messali Hadj, à la fin d'un meeting organisé par le Congrès musulman demande et prend la parole : " Cette terre a ses enfants, ses héritiers, ils sont là vivants et ne veulent la donner à personne. C'est précisément pour cela que je suis venu assister à ce meeting au nom de l'ENA, notre parti, votre parti qui est, lui, pour l'indépendance de l'Algérie. Cela doit être clair et net et nous repoussons dans ce domaine toute transaction et tout marchandage." Ce congrès comptait parmi ses membres aussi bien les figures emblématiques des oulémas, le cheikh Abdelhamid Ben Badis, Bachir El-Ibrahimi, du PCA Amar Ouzegane, que le "collège" des élus, les Dr Bendjelloul, Dr Bachir, Boukerdenna... Vers le début des années 30, Messali Hadj quitte le milieu ouvrier en France pour débarquer en Algérie où il mènera son combat radical pour la liberté sans concession du peuple algérien. Un patriote convaincu Il fait alors un discours qui tranche avec l'élite algérienne qui prônait toujours une réconciliation avec le colonisateur. "Notre pays se trouve, aujourd'hui, administrativement rattaché à la France et dépend de son autorité centrale. Mais ce rattachement a été la conséquence d'une conquête brutale, suivie d'une occupation militaire qui repose présentement sur le 19e corps d'armée, et auquel le peuple n'avait jamais donné son adhésion." Clairs et lapidaires, ces quelques mots expliquent nettement le désir de Messali non seulement de réveiller les consciences mais aussi de susciter l'adhésion à une cause indépendantiste. Dans son discours, il dira aussi : "Certes, nous approuvons les revendications immédiates, qui sont modestes, légitimes, et qui se trouvent dans la charte revendicative présentée au gouvernement du Front populaire, et que nous appuierons de toutes nos forces pour les voir se réaliser, malgré leurs faiblesses, car la revendication la plus petite, la plus infime nous intéresse au plus haut point parce qu'elle contribuera à soulager la misère de cette malheureuse population. Ici, je prends l'engagement, au nom de mon organisation, devant le vénérable Cheikh Ben Badis, de faire tout ce qu'il est humainement possible pour appuyer ces revendications et pour servir la noble cause que nous défendons tous. Mais nous disons franchement, catégoriquement, que nous désapprouvons la charte revendicative quant au rattachement de notre pays à la France et la représentation parlementaire." Très conscient de tous les enjeux, Messali Hadj montrait par là son inaltérable patriotisme. En 1954, Messali Hadj fonde le Mouvement national algérien et s'oppose au Front de libération nationale, militairement. L'argent de la ligue arabe servait à mener la lutte contre le MNA en France. En 1957, Messali Hadj appelle à la cessation des attentats, il invite ses partisans à déposer les armes. L'affaire de Bellounis pousse plusieurs partisans du MNA à rejoindre les rangs du FLN. Après l'indépendance, le FLN jette un voile pudique sur cette guerre entre le MNA et le FLN. Officiellement, Messali Hadj ne sera pas jugé. Il demandera et obtiendra sa nationalité algérienne en 1965, mais son passeport algérien, trois fois refusé, lui sera accordé seulement vers fin avril 1974, au moment où son état de santé se dégradait. à sa mort en 1974, il est rapatrié, il sera enterré à Tlemcen, la ville où aujourd'hui, des historiens de renom, des universitaires et même des artistes ont, chacun selon sa spécialité, ouvert, et c'est de l'inédit une immense page de la complexe guerre d'Algérie.