Total va tenter, aujourd'hui, de regagner les faveurs du marché lors d'une journée ''investisseurs'' organisée à Londres, à un moment où la compagnie pétrolière est malmenée en Bourse après une série d'acquisitions coûteuses et des résultats de production décevants. L'action Total a perdu un tiers de sa valeur depuis mars bien que les prix du pétrole se soient maintenus dans l'intervalle fermement au-dessus des 100 dollars le baril. Cette baisse de la principale valeur de la Bourse de Paris - et la plus liquide du marché parisien - est seulement partiellement imputable à la crise de la dette souveraine. L'incapacité de Total à respecter ses objectifs de production de pétrole et de gaz ainsi qu'une politique d'acquisition agressive pour renouveler ses réserves énergétiques ont créé un certain désenchantement sur le marché, observe John Rigby, analyste chez UBS. "Nous avons eu une avalanche de deals au cours des 18 derniers mois, et je pense que le marché est sceptique sur la valeur ajoutée apportée par les nouveaux actifs, pour l'essentiel des projets de longue durée gourmands en capital", ajoute Iain Reid, analyste chez Jefferies. Le rendez-vous londonien, d'aujourd'hui, devrait à ce titre prendre davantage la forme d'un exercice de pédagogie de la part de la cinquième compagnie pétrolière mondiale, plutôt que celle d'un forum pour de grandes annonces, estiment les analystes. L'heure de la rédemption ? L'action Total a plongé de 31,6% depuis le début mars - contre -12,6% pour Royal Dutch Shell et -22,4% pour Repsol - une correction dont les analystes estiment qu'elle devrait maintenant toucher à sa fin. Dans une note intitulée "une chance de rédemption", Iain Reid écrit que cette journée investisseurs donnera à Total l'opportunité de rassurer les investisseurs sur sa stratégie en les incitant à regarder au-delà des déceptions passées sur la croissance de la production du groupe. "Mais pour y parvenir, il faut une présentation détaillée, avec des priorités claires, qui réponde aux principales questions, notamment sur les besoins en dépenses d'équipement, le rendement des projets, la profitabilité et la croissance", ajoute-t-il. Total a consacré en 18 mois plus de dix milliards d'euros (7,4 milliards d'euros environ) à des acquisitions pour étoffer son portefeuille énergétique et élargir au Canada, à l'Australie, à la Russie et à l'Ouganda son spectre géographique au-delà de ses bases africaines historiques. Le groupe a également fortement augmenté ses projets d'investissement dans la prospection et la production, laissant craindre à l'horizon un cash-flow et un dividende limités. Certaines dépenses pourraient toutefois commencer à porter leurs fruits, notent les analystes. En seulement deux semaines, Total a annoncé une importante découverte de gaz sur le bloc d'Absheron en mer Caspienne, au large de l'Azerbaïdjan, ainsi qu'une découverte de pétrole prometteuse dans le puits Zaedyus au large de la Guyane française. Le portefeuille du groupe français s'est également étoffé aux yeux des investisseurs avec une découverte en Bolivie, une entrée dans les sables bitumineux canadiens et des projets en Russie et en Australie dans le gaz naturel liquéfié. Total devrait réaffirmer, aujourd'hui, son objectif d'une croissance moyenne annuelle de la production de 2% sur la période 2010-2015, une cible que certains analystes commencent à juger conservatrice. Mais après avoir manqué constamment sur la période 2003-2007 son objectif, même revu plusieurs fois à la baisse, d'une hausse de 4 à 5% de sa production, il est peu probable que Total veuille courir le risque de décevoir à nouveau le marché. D'autant plus que six mois de guerre en Libye ont contribué à faire reculer de 2% la production de la compagnie au premier semestre. "Bien que les investisseurs semblent préoccupés par la capacité de Total à atteindre son objectif de production, nous pensons que la visibilité s'est améliorée, maintenant que certains projets sont entérinés", ajoute Paul Spedding, analyste chez HSBC.