Confrontée à une situation de plus en plus désastreuse en Irak, l'administration Bush s'est lancée dans une offensive diplomatique visant à associer les pays arabes jugés modérés à la stabilisation du pays et semble déterminée à peser davantage sur le conflit israélo-palestinien. Quelques jours avant le départ de George Bush pour Amman, où il doit rencontrer mercredi et jeudi le chef du gouvernement irakien Nouri al Maliki, son vice-président a pris vendredi la direction de l'Arabie saoudite. Dick Cheney entend inviter le royaume à user de son influence auprès de la communauté sunnite, qui fournit le gros des effectifs de la guérilla irakienne. La rencontre Bush-Maliki, annoncé mardi par la Maison blanche, aura tous les airs d'une réunion de crise après la vague d'attentats qui a fait plus de 200 morts, jeudi, dans le quartier chiite de Sadr City, à Bagdad. Trois semaines avant ce carnage sans précédent depuis l'intervention de l'armée américaine, la défaite républicaine aux élections de mi-mandat, largement imputée à la situation en Irak, avait d'ores et déjà contraint Washington à entamer un réexamen de sa stratégie. A Londres comme dans la plupart des capitales européennes, on suggère à George Bush de s'investir davantage dans le règlement d'un conflit israélo-palestinien qui nourrit nombre de vocations djihadistes, bien au-delà des territoires occupés. Beaucoup plus en retrait que ses prédécesseurs sur ce dossier, le président des Etats-Unis pourrait se montrer sensibles aux conseils de ses partenaires européens ou de membres de l'équipe de son père, tels que l'ancien secrétaire d'Etat James Baker, qui co-préside un groupe d'étude sur l'Irak, ou Robert Gates, successeur de Donald Rumsfeld à la tête du Pentagone. "En se rendant en Jordanie pour y rencontrer Maliki, Bush s'investit dans un dialogue multilatéral sur le Proche-Orient", note David Rothkopf, chercheur à la fondation Carnegie pour la paix, selon lequel la stabilité de l'Irak dépend de celle de la région tout entière. "Tous les problèmes du Proche-Orient sont liés et on ne peut en résoudre un sans régler les autres", confirme un diplomate arabe. Washington a sollicité récemment l'aide d'Amman, de Ryad ou du Caire pour tenter de relancer le processus de paix israélo-palestinien et les partisans d'un dialogue avec la Syrie et l'Iran, puissances régionales incontournables, se montrent de plus en plus insistants au Congrès. Sans exclure cette option, les membres de l'administration Bush se sont jusqu'ici montrés réticents, préférant s'en remettre aux pays arabes modérés, tant en ce qui concerne l'Irak que le Proche-Orient. "Ils veulent également dissiper les craintes de voir les Etats-Unis quitter l'Irak trop tôt. La grande inquiétude dans la région, c'est la stabilité", affirme un diplomate occidental ayant requis l'anonymat. La nouvelle escalade de la violence en Irak a encore accru l'urgence du voyage entrepris vendredi au Proche-Orient par le vice-président américain Dick Cheney, cinq jours avant la visite du président George W. Bush dans la région. M. Cheney s'est envolé vendredi pour l'Arabie saoudite, voisin de l'Irak, a indiqué la vice-présidence. M. Bush est censé rencontrer le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki en Jordanie, autre voisin de l'Irak, en milieu de semaine prochaine. La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice est également annoncée au Proche-Orient sous peu. Octobre a été le mois le plus meurtrier pour les civils irakiens selon l'ONU, et l'un des plus sanglants pour les soldats américains depuis l'invasion de mars 2003. La victoire des démocrates aux élections parlementaires américaines du 7 novembre a redoublé la pression exercée sur M. Bush pour qu'il modifie sa stratégie. Cette pression devrait augmenter avec l'attentat antichiite qui a fait plus de 200 morts jeudi, plus qu'aucun autre auparavant.