Mais où va l'Europe ? Cette question est posée chaque semaine tant l'Union européenne semble manquer de souffle et de présence comme en témoigne son silence timide vis-à-vis de ce qui se passe dans le monde arabe en général et en Libye en particulier. L'un des derniers épisodes qui alimente les doutes et les conversations concerne le futur patron de la Banque centrale européenne (BCE). Comme chacun le sait, le Français Jean-Claude Trichet ne pourra pas succéder à lui-même et son successeur sera désigné en novembre prochain. Un refus sur la forme et sur le fond Jusqu'à il y a quelques semaines, le nom d'Axel Weber était sur toutes les lèvres. A la tête de la célèbre Bundesbank (la Buba), autrement dit la Banque centrale allemande, il incarnait le successeur idéal, celui qui rassurerait les marchés en incarnant la fameuse rigueur germanique en matière de politique monétaire. Las, il y a quelques jours, l'homme a confirmé qu'il ne briguerait pas la tête de la BCE. Un coup d'éclat qui fragilise cette institution car la décision de Weber en dit long sur les divisions qui minent l'Europe et notamment le couple franco-allemand. Car la question n'est pas de savoir quel autre candidat l'Allemagne va présenter - il est acquis de manière implicite que le futur patron de la BCE ne sera pas Français à moins que le président Sarkozy ne décide du contraire… En effet, le vrai sujet concerne les motivations de Weber. Même si ce dernier garde le silence, il existe au moins deux raisons évidentes à son refus de devenir le premier argentier européen. Il y a d'abord l'hostilité ouverte du gouvernement français à son égard. Présenté comme un faucon en matière d'orthodoxie monétaire, Weber s'est souvent retrouvé en opposition avec Trichet lors des délibérations du Conseil de la BCE. Il semble bien que Paris lui en ait gardé rancune et, du coup, celui qui a été le premier conseiller d'Angela Merkel lors de la crise de 2008, refuse de se rabaisser à tenter de séduire ses détracteurs français. La deuxième raison porte sur le fond. Il y a un an, Axel Weber s'était farouchement opposé à ce que la BCE rachète des obligations grecques. Pour lui, comme pour une majorité d'Allemands mais aussi d'Européens du Nord, ce n'est pas à l'institution européenne de pallier les problèmes budgétaires des pays membres de l'Union européenne. Fort des statuts de la BCE, il avait réussi à imposer son point de vue au prix de critiques acerbes venues de Grèce mais aussi d'Europe du Sud et de France. Mais, au final, la BCE a fait une entorse à son règlement et donc racheté de la dette grecque. Une décision qui a poussé Weber à donner de la voix et à se désolidariser de ses pairs du Conseil. Sa décision de ne pas être candidat à la tête de la BCE est donc un message explicite de sa volonté de ne pas être le «complice» d'autres manquements à la discipline monétaire dont doit faire preuve l'institution de Francfort. L'Europe en panne de stratégie économique Reste que pour nombre d'observateurs, ce retrait de Weber est une bonne nouvelle. Ils espèrent ainsi que cela permettra à la BCE de jouer un rôle plus actif pour soutenir la croissance économique mais aussi pour éviter qu'un Etat européen ne se retrouve en situation de cessation de paiement. A l'inverse, les tenants d'une ligne orthodoxe disent craindre que la succession de Trichet n'ouvre la voie à une nouvelle salve de spéculations contre l'euro. De même, ils se demandent si la remise en cause de la politique traditionnelle de la BCE ne va pas déboucher sur une forte dépréciation de la monnaie unique voire d'un regain de l'inflation. Une division qui démontre que, finalement, l'Europe n'a toujours pas réglé un problème de fond qui est celui de la formation d'un consensus autour de sa politique économique et de ses objectifs stratégiques en matière de politique monétaire.