Les banques portugaises continuent d'écarter un recours au fonds de recapitalisation mis à disposition par l'UE et le FMI dans le cadre du plan d'aide au Portugal, en dépit de l'inquiétude croissante qu'un manque de financement ne compromette la reprise économique du pays. Le plan de sauvetage international, conclu en mai, d'un montant global de 78 milliards d'euros, prévoit un renforcement du fonds de garantie bancaire à 35 milliards d'euros et une enveloppe de 12 milliards pour une éventuelle recapitalisation du système financier. "Pour l'instant, ces 12 milliards d'euros ne sont pas intéressants pour le secteur bancaire", a déclaré la semaine dernière le président de l'Association portugaise des banques, Antonio de Sousa, tout en reconnaissant que l'économie souffrait déjà d'un "écrasement du crédit". Selon lui, le système financier est confronté à "un problème de liquidité, et pas de capital". Et, pour surmonter ces difficultés, le gouvernement devrait chercher à utiliser cet argent pour régler les dettes bancaires des entreprises publiques, estimées à quelque 40 milliards d'euros, a-t-il suggéré. En réalité, d'après de nombreux économistes et observateurs, les banques souhaitent se passer de l'aide de l'UE et du FMI pour éviter que l'Etat devienne leur actionnaire, via un recours au fonds de recapitalisation. "Elles ne veulent pas que l'Etat intervienne dans leur gestion ou leur politique de crédit, et elles craignent que l'entrée de capital public perturbe l'équilibre délicat entre leurs actionnaires", a expliqué l'économiste Paulo Pinho, de l'Université Nova de Lisbonne. Mais cette résistance pourrait coûter cher à l'économie portugaise, qui devrait se contracter de 1,8% et 2,3% du PIB en 2011 et 2012. "Du point de vue de la croissance, le manque de crédit est une menace aussi importante que les effets récessifs de l'austérité budgétaire", a souligné M. Pinho. Mises en difficulté par la crise de la dette en zone euro, les banques portugaises n'ont plus accès au marché de financement interbancaire et restent dépendantes des prêts accordés par la Banque centrale européenne, qui dépassaient les 46 milliards d'euros fin août. Pour faciliter leur retour sur les marchés internationaux, les autorités portugaises et leurs créanciers ont mis en place plusieurs mécanismes de soutien mais exigent des banques qu'elles renforcent leur niveau de solidité financière. Elles sont ainsi tenues d'augmenter leur ratio de fonds propres dits "durs" (Core Tier 1), à 9% d'ici la fin de l'année puis à 10% fin 2012, et de réduire le rapport des prêts face aux dépôts à 120% d'ici 2014, contre environ 150% fin 2010. Ce processus de "désendettement" a déjà provoqué une nette réduction du crédit accordé aux ménages et aux entreprises qui, selon les chiffres de la Banque du Portugal, ont chuté respectivement de 62% et 18,5% en juillet par rapport à la même période de l'an dernier. "Le désendettement ne peut pas se faire au détriment du financement de l'économie", a toutefois mis en garde le gouverneur de la Banque du Portugal Carlos Costa, alors que de nombreuses entreprises sont menacées par de graves problèmes de trésorerie. Le président de la République, Anibal Cavaco Silva, est lui-même monté au créneau la semaine dernière en estimant que les banques "réduisent peut-être trop le crédit", mais aussi que "les exigences de la troïka (UE-BCE-FMI) vont peut-être trop loin". En réponse au chef de l'opposition socialiste, Antonio José Seguro, qui a appelé à la "responsabilité sociale" du secteur bancaire, le Premier ministre de centre-droit, Pedro Passos Coelho, s'est limité à dire que le gouvernement ne pouvait pas "obliger les banques à recourir au fonds de recapitalisation".