La célèbre marque d'appareils photo Olympus est en pleine tourmente depuis le brusque renvoi de son P-DG britannique qui accuse de mauvaise gestion le président honoraire nippon de l'entreprise, une crise de gouvernance lourdement sanctionnée à la Bourse de Tokyo. Le titre du groupe japonais, également connu pour ses systèmes médicaux, a fondu de 37% depuis l'annonce, vendredi, du limogeage de Michael Woodford, 51 ans, premier étranger à avoir dirigé Olympus. Ce jour-là, le président honoraire du groupe, Tsuyoshi Kikukawa, 70 ans, qui en a repris la direction exécutive, a justifié le renvoi immédiat du patron britannique par son incapacité "à surpasser la barrière culturelle" et sa gestion solitaire du pouvoir. Précédemment directeur d'Olympus en Europe, M. Woodford n'avait pris les commandes du groupe que six mois plus tôt, avec l'assentiment de M. Kikukawa. Son éviction brutale a surpris. Le conseil d'administration s'était en effet dit, à peine deux semaines plus tôt, "très satisfait des progrès accomplis (par l'entreprise) sous la direction de M. Woodford". Dans une interview au Wall Street Journal samedi, M. Woodford a expliqué son renvoi par un conflit l'opposant à M. Kikukawa, à qui il avait demandé des éclaircissements au sujet du coût de plusieurs acquisitions réalisées par Olympus entre 2006 et 2008. Les interrogations du P-DG étaient fondées sur une récente enquête d'un magazine économique nippon, selon lequel le groupe a payé plusieurs achats à des tarifs supérieurs à la valeur réelle des firmes. Sont concernées trois petites sociétés japonaises (une firme de cosmétiques, une entreprise de recyclage de matériel médical et un producteur d'emballages de nourriture pour four à micro-ondes), ainsi qu'un fabricant britannique de matériel médical. "Je n'ai jamais reçu de réponses claires à ces questions", a souligné M. Woodford dans le Wall Street Journal, après son renvoi. Il a confié au quotidien avoir adressé à M. Kikukawa une lettre mercredi 12 octobre, dans laquelle il lui demandait de démissionner de ses fonctions de président honoraire pour des problèmes de gouvernance, et avoir convoqué une réunion extraordinaire du Conseil d'administration le vendredi 14. Mais à l'ouverture de la session, M. Kikukawa a déclaré que M. Woodford était en "conflit d'intérêt" avec Olympus et ne serait pas autorisé à parler, selon l'ex P-DG. Le conseil d'administration a ensuite voté à l'unanimité des membres présents la fin des fonctions du dirigeant britannique. Un porte-parole d'Olympus a rétorqué, hier, que les acquisitions évoquées dans la presse avaient été réalisées "en respectant les procédures et les règles comptables". "M. Woodford a été démis de ses fonctions à cause de différences majeures avec d'autres dirigeants importants dans la manière de diriger, ce qui a causé des problèmes de gestion à la tête de l'entreprise", a-t-il insisté. Après ces passes d'armes, plusieurs analystes financiers ont abaissé leur appréciation sur l'action Olympus, aggravant son plongeon. "Avec le renvoi de M. Woodford, un partisan des réductions de coûts, nous n'espérons plus d'amélioration des résultats financiers" pour l'année budgétaire en cours, a écrit Motoya Kohtani, du groupe financier Nomura, dans une note aux clients. A l'issue d'un premier trimestre terminé dans le rouge fin juin à cause du séisme dans le nord-est du Japon, Olympus a maintenu sa prévision de bénéfice net pour l'exercice budgétaire d'avril 2011 à mars 2012, qu'il espère doubler sur un an à 18 milliards de yens (168 millions d'euros, au taux de change actuel). Les dirigeants étrangers sont peu nombreux à la tête des grandes entreprises nippones, les cas des médiatiques Carlos Ghosn (Nissan) et Howard Stringer (Sony) constituant des exceptions à la règle.