A moins d'un mois de l'ouverture totale du marché européen de l'énergie, les grandes manœuvres s'intensifient au sein de l'Union européenne. En effet, il y a quelques jours la commissaire européenne, Neelie Kroes, qui était en Estonie, a annoncé que l'Union européenne était sur le point d'adopter ses nouvelles règles de séparation patrimoniale des sociétés énergétiques. Selon Neelie Kroes, ces nouvelles règles imposeront une séparation des producteurs et des distributeurs d'électricité, qui devront être indépendants et devront avoir des capitaux séparés. "L'objectif de cette division consiste à empêcher que dans deux volets différents du secteur énergétique, à savoir la production et la vente d'énergie, les décisions soient prises par de mêmes dirigeants", a expliqué la commissaire européenne. Cette question de la séparation patrimoniale des sociétés énergétiques, déjà décriée par les grandes sociétés européennes, semble destinée à forcer la main à la société russe Gazprom pour qu'elle cède ses parts dans le projet de gazoduc germano-russe sous la mer Baltique. D'ailleurs, la commissaire européenne ne s'est pas privé de l'affirmer. "La division de la production et de la vente doit être effective pour Gazprom, (…) cette société ne doit pas remplir deux rôles à la fois. Elle ne doit pas posséder de réseaux de distribution dans les pays où elle livre du gaz naturel", a déclaré Neelie Kroes. Donnant de la voix à la commissaire européenne, le ministre estonien de l'Economie a salué les efforts de Bruxelles "de forcer la Russie à se plier aux règles de marché de l'UE". "Tôt ou tard l'UE forcera Gazprom à vendre ses parts dans le projet du gazoduc", a déclaré Juhan Parts. Le gazoduc nord-européen, qu'a entrepris de construire en 2005 un consortium contrôlé à 51% par Gazprom, 24,5% par BASF et 24,5% par EON, doit fournir une solution alternative au transit du gaz russe par l'Europe de l'Est. La première tranche de ce gazoduc doit être opérationnelle en juillet 2010. Le projet germano-russe a provoqué une levée de boucliers dans les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et en Pologne. Ces pays estiment qu'il met en danger leur sécurité énergétique. La Russie, premier exportateur de gaz et l'un des deux premiers producteurs de pétrole au monde, a suscité l'inquiétude après avoir engagé un bras de fer sur l'approvisionnement de gaz avec l'Ukraine et la Biélorussie. Depuis, l'Union européenne tente de redéfinir, à sa convenance, ses rapports énergétiques avec ce fournisseur et de diversifier ses sources d'approvisionnement. Mais au-delà de Gazprom, ces nouvelles règles s'appliqueront, selon Neelie Kroes, à toute autre société des pays hors UE. L'Algérie qui ne cesse d'être sollicité par l'UE pour la conclusion d'un accord énergétique stratégique, risque de voir, à la faveur de ces nouvelles règles, ses ambitions européennes d'évaporer. Ses démêlés avec l'Espagne concernant la renégociation des prix du gaz et le litige sur le Medgaz ne sont apparemment qu'un avant-goût des restrictions que veut imposer l'UE pour baliser l'accès à son marché. Le silence observé par la Commission européenne sur le différend entre l'Algérie et l'Espagne et la prochaine mise en place de ces nouvelles règles sont loin de refléter le dialogue constructif prôné par l'Europe.