Bruxelles doit exposer à l'automne les grandes lignes de sa réforme de fond du marché de l'énergie en Europe. La commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes, s'est déjà prononcée pour un découplage des réseaux de production et de distribution des entreprises du secteur pour renforcer la concurrence. Une proposition soutenue par la Grande-Bretagne, la Suède ou l'Espagne, mais qui soulève l'inquiétude de la France et de l'Allemagne, qui craignent de voir leurs champions nationaux (EDF et E.ON, qui contrôlent la production et la distribution) affaiblis, et redoutent une hausse incontrôlée des prix du gaz et de l'électricité. Selon le quotidien économique allemand Financial Times Deutschland d'hier, plusieurs pays de l'Union européenne auraient écrit à la Commission pour la mettre en garde contre ses projets de réforme du secteur de l'énergie. C'est Jean-Louis Borloo, le ministre de l'Economie français, qui aurait rédigé le texte, qui affirme que "l'idée que la séparation complète de la production et de la distribution serait la seule clé d'un développement du marché intérieur de l'électricité et du gaz doit être écartée". Jean-Louis Borloo est soutenu par, entre autres, les ministres de l'Economie et de l'Energie de l'Allemagne, de l'Autriche, du Luxembourg, de la Grèce et de la Slovaquie. Pour rappel, la commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, avait présenté en début d'année les résultats de l'enquête entamée en juin 2005."La lecture de ce rapport mettra mal à l'aise plus d'une entreprise du secteur de l'énergie", avait-t-elle déclaré à l'époque. Sur la base des faits concrets contenus dans ce rapport, la Commission avait décidé de prendre de nouvelles mesures en application des règles de concurrence. C'est ainsi que la séparation des réseaux de transport d'énergie au sein de l'Union européenne est devenue une des toutes premières priorités de la Commission européenne en matière de politique énergétique. La séparation des réseaux consiste à ôter du périmètre des fournisseurs d'énergie les réseaux de transport (notamment les lignes à haute-tension et les conduites gazières), pour en faire des groupes indépendants n'ayant pas en charge l'infrastructure du réseau mais l'écoulement des capacités. Les autorités de Bruxelles veulent, à travers cette mesure, mettre fin à l'intégration de la production d'énergie et de la maîtrise des réseaux de distribution pratiquée par les groupes historiques du type EDF, qui entrave, selon elles, le développement de la concurrence. Cette position de l'exécutif européen se heurte aux réticences de Paris et de Berlin, opposés au démantèlement de leurs champions nationaux. En effet, La France avait exprimé son opposition dès la présentation du rapport le 10 janvier. "Il y a des sujets sur lesquels nous aurons à nous faire entendre par la Commission", avait alors déclaré le ministre délégué à l'Industrie de l'époque François Loos. La séparation des réseaux n'était pas dans l'intérêt de l'Europe, avait-il souligné. L'Allemagne, pour sa part, a depuis longtemps estimé qu'il ne s'agissait pas d'une priorité, ajoutant que la séparation patrimoniale n'est pas la solution pour l'Europe. Les débats de cet automne sur la réforme du marché de l'énergie risquent d'être houleux au sein de l'UE. Surtout quand on sait qu'en plus des Etats réticents, la commission devra s'opposer également aux grands groupes énergétiques européens qui se sont alignés sur la position de la France et de l'Allemagne.