La Corée du Nord a montré, hier, le corps de l'ancien dirigeant Kim Jong-Il et loué son successeur, son fils Kim Jong-Un, mais la communauté internationale s'inquiète d'une éventuelle déstabilisation du régime communiste doté de l'arme nucléaire. La télévision nord-coréenne a diffusé des photos de la dépouille de l'ex-numéro un du régime, mort samedi, revêtu de son habituel uniforme kaki et reposant dans un cercueil de verre entouré d'un parterre de fleurs. Des responsables du parti et de l'armée venus rendre hommage au défunt au mausolée Kumsusan de Pyongyang, dont son héritier désigné, Kim Jung-Un, étaient aussi visibles sur les images. "Les participants sont restés longtemps devant le cercueil, pleurant face à la mort soudaine et cruelle de Kim Jong-Il, dirigeant exceptionnel du parti, de l'Etat et de l'armée, commandant hors pair (...) et père éclairé de la nation", a narré l'agence officielle KCNA. Au lendemain de l'annonce du décès, la télévision nord-coréenne continuait de diffuser des scènes de tristesse collective, montrant de longues queues de Nord-Coréens venant présenter leurs condoléances en divers points du pays, sur fond de chants patriotiques. Attestant une volonté de marquer la transition, les médias ont rendu un hommage appuyé au successeur désigné, Kim Jong-Un, un jeune homme de moins de 30 ans sans expérience politique. "A l'avant-garde de la révolution se tient le camarade Kim Jong-Un, grand successeur de la révolution" et "inébranlable pilier spirituel et idéologique de notre peuple", a souligné KCNA. La plupart des analystes jugeaient peu probable un ébranlement du régime susceptible de déstabiliser la péninsule où Corée du Nord et Corée du Sud se font face, armées jusqu'aux dents, mais l'intense activité diplomatique témoignait néanmoins d'une inquiétude des chancelleries. Les chefs de la diplomatie américaine, chinoise et sud-coréenne se sont entretenus du sujet, convenant "qu'il était important de maintenir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne", d'après un porte-parole chinois. Auparavant le président américain Barack Obama, allié de la Corée du Sud et du Japon, a assuré au Premier ministre nippon, Yoshihiko Noda, que les Etats-Unis défendraient leurs pays amis dans la région, après avoir donné une assurance similaire au président sud-coréen Lee Myung-Bak. Washington, dont 28.500 soldats sont basés en Corée du Sud, avait appelé dès avant-hier Pyongyang à respecter ses obligations de dénucléarisation, les pourparlers à six nations sur le sujet étant gelés. Par la voix de sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton, les Etats-Unis se sont dits aussi "profondément inquiets pour le bien-être de la population nord-coréenne" qui souffre d'une terrible oppression politique et de grandes difficultés sociales. A l'autre extrémité du spectre diplomatique, le président chinois Hu Jintao, dont le pays constitue le principal soutien de la Corée du Nord, a témoigné de sa sympathie à l'ambassade nord-coréenne à Pékin. Pyongyang a un besoin impérieux de l'aide chinoise, son économie aux abois peinant à assurer l'approvisionnement alimentaire des Nord-Coréens. Pékin veut éviter à tout prix un effondrement du régime qui jetterait des millions de réfugiés sur les routes de l'Empire du milieu et a mis son poids du côté d'une transition en douceur. Le ministre chinois Yang Jiechi, a estimé que la population nord-coréenne saurait "se souder et puiser de la force dans son chagrin (...) sous la direction du Parti des Travailleurs de Corée et du camarade Kim Jong-Un". Afin de contribuer à ces tentatives d'apaisement régional, Taïwan a suspendu ses exercices militaires à tirs réels. Entre les principaux intéressés nord et sud-coréens, la prudence semblait aussi de mise pour éviter d'aggraver des relations tendues en cette période incertaine. Des unités militaires nord-coréennes ont interrompu leur entraînement d'hiver et regagné leurs casernes dès avant-hier, a affirmé un responsable militaire sud-coréen, précisant toutefois que l'armée de la Corée du Nord avait relevé son niveau d'alerte. Séoul et Washington ont affirmé qu'aucun mouvement militaire inhabituel n'avait été enregistré au Nord depuis avant-hier. La Corée du Sud a de son côté abandonné un projet d'éclairage de Noël controversé, près de la frontière avec le Nord, l'estimant "inopportun dans la situation actuelle", d'après son ministre de la Défense Kim Kwan-Jin. Le régime communiste nord-coréen avait fustigé l'illumination prévue de trois tours d'acier aux formes d'arbres de Noël, placées sur des collines à moins de trois kilomètres de la frontière, y voyant "une guerre psychologique" menée par son voisin capitaliste. Le gouvernement sud-coréen a présenté en outre "ses condoléances au peuple de Corée du Nord". Il n'enverra aucune délégation officielle aux obsèques de Kim Jong-Il le 28 décembre, mais les familles de l'ancien président Kim Dae-Jung et de l'ancien président du groupe industriel sud-coréen Hyundai, Chung Mong-Hun, devraient s'y rendre.