L'agence Standard & Poor's a retiré, avant-hier, son triple A au Fonds de soutien de la zone euro (FESF), dans le sillage de la dégradation de plusieurs pays, relançant un débat conflictuel sur la nécessité de renflouer ce mécanisme indispensable dans la gestion de la crise. La note à long terme du Fonds a été abaissée d'un cran, à "AA+", tandis que celle à court terme est restée stable à son plus haut niveau. Cette décision était attendue après l'abaissement vendredi soir d'un cran de la note de la France et de l'Autriche, qui faisaient partie des six Etats notés "AAA" au sein de l'Union monétaire: la note du FESF dépend en effet directement de celles des Etats de la zone euro qui le garantissent, et tout particulièrement de ceux jouissant de la meilleure évaluation pour leur dette. S&P pourrait revenir sur sa décision Mais S&P a prévenu qu'elle pourrait revenir sur sa décision et relever la note du FESF si des garanties supplémentaires devaient lui être accordées. "Si nous constatons que les obligations à long terme du FESF sont pleinement soutenues par les garanties des Etats membres bénéficiant d'un triple A, nous pourrions relever sa note à AAA", indique l'agence dans un communiqué. Ce message adressé aux quatre pays de la zone euro bénéficiant d'un triple A, constitue un appel sans équivoque à l'Allemagne, le premier contributeur du FESF, mais celle-ci refuse de remettre au pot pour ses voisins en difficulté. "Le gouvernement allemand n'a aucune raison de penser que le volume des garanties du FESF ne suffirait pas à remplir ses obligations", a affirmé lundi le porte-parole d'Angela Merkel, avant l'annonce de S&P. La chancelière avait déjà fait des déclarations en ce sens ce week-end en affirmant en substance préférer une dégradation du FESF plutôt que de délier une nouvelle fois les cordons de la bourse. Capacité actuelle à 250 milliards d'euros Le sujet devrait toutefois être abordé lors de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro et de l'UE les 23 et 24 janvier. La capacité de prêts actuelle du FESF est de 250 milliards d'euros environ sur une enveloppe initiale de 440 milliards, un montant insuffisant s'il fallait venir en aide à un pays comme l'Italie. Consciente des enjeux, la Banque centrale européenne (BCE) s'est invitée dans le débat et a offert un soutien inattendu à Standard & Poor's. "Il faut des contributions supplémentaires des pays encore notés AAA" pour que le FESF conserve "la même capacité" ou puisse prêter "au même taux", même après une dégradation, a estimé Mario Draghi, le président de l'institut monétaire, avant-hier soir, lors d'une audition devant le Parlement européen. Le MES devrait prendre le relais Une déclaration qui va à l'encontre des propos rassurants du FESF, qui a affirmé sitôt la décision de S&P connue que cela n'allait en rien "réduire sa capacité de prêts de 440 milliards d'euros". "Le FESF a les moyens de remplir ses engagements actuels et éventuellement d'autres, d'ici la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité (MES) en juillet", ont assuré d'une même voix son patron, Klaus Regling, et le chef de file de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Les Européens se sont mis d'accord en décembre pour avancer à juillet 2012 l'entrée en vigueur du MES, appelé à succéder au FESF. Ils se sont également entendus pour faire cohabiter les deux mécanismes pendant une année, afin de rassurer les marchés. Là encore, des divisions importantes subsistent sur la capacité de prêts effective de ce mécanisme, les Allemands craignant une nouvelle fois de devoir mettre au pot au-delà de leurs engagements initiaux. Berlin s'est toutefois dit prêt lundi à faire un geste de bonne volonté en n'excluant pas de verser en une seule fois sa contribution au futur mécanisme de secours et non plus de l'étaler dans le temps. Draghi : il faut "apprendre à se passer des agences de notation" Le président de la BCE Mario Draghi, a appelé à "apprendre à se passer" des agences de notation, tout en jugeant qu'il sera peut-être nécessaire de renflouer le fonds de secours européen FESF, qui vient d'être dégradé. Il a estimé qu'il fallait considérer les agences que comme "un paramètre parmi beaucoup d'autres", devant la commission des affaires économiques de l'institution en qualité de président du comité européen du risque systémique (ESRB), et a précisé que sa recommandation s'appliquait "aux régulateurs, aux investisseurs et aux banques". Selon lui, il faut mettre fin à la "valeur mécanique" des notes délivrées par les agences de notation, qui influencent le montant des taux d'intérêt sur le marché de la dette. Dégradations relativisées M. Draghi a par ailleurs relativisé la dégradation vendredi dernier de neuf pays de la zone euro par Standard and Poor's, en relevant qu'elle avait été "anticipée par les marchés", qui n'ont de fait guère réagi, avant-hier. Cette remarque ne s'appliquait pas à la décision de SP d'abaisser d'un cran à "AA+" la note du Fonds de soutien européen (FESF), annoncée pendant que le président de la BCE s'exprimait. A ce propos, M. Draghi a noté que le FESF devrait être renfloué pour garder sa force de frappe en l'état. "Il faut des contributions supplémentaires des pays encore notés AAA" pour que le FESF conserve "la même capacité" ou puisse prêter "au même taux", même après une dégradation, a-t-il dit. A l'heure actuelle, quatre pays sont encore notés "AAA" par S&P en zone euro: l'Allemagne, première contributrice à tous les plans d'aide, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg. La situation s'est encore aggravée Le ministre allemand des Finances a estimé qu'il n'y avait "pas besoin d'agir sur le FESF actuellement", dans une réaction à l'annonce de l'agence américaine. En ce qui concerne la crise en zone euro, "la situation s'est encore aggravée" depuis une audition du précédent président de la BCE Jean-Claude Trichet en octobre dernier, "nous sommes dans une situation très grave et ne devons pas nous voiler la face", a dit M. Draghi. Il a en revanche qualifié de "généralement encourageants" les efforts de rigueur budgétaire dans plusieurs pays de la zone euro, jugeant que les gouvernements avaient montré "de la volonté et de la détermination". Ces mesures de rigueur "auront pour conséquence une récession à court terme", a-t-il ajouté. "Puisque c'est inévitable, que devons-nous faire pour atténuer ces effets'" s'est interrogé M. Draghi, en appelant à faire des "réformes structurelles" destinées à "encourager la croissance et l'emploi". Le Japon continuera d'acheter des obligations du FESF, malgré la note abaissée Le ministre japonais des Finances, Jun Azumi, a déclaré, hier, que son pays allait continuer d'acheter des obligations du Fonds de soutien de la zone euro (FESF), malgré le retrait de sa note AAA décidé la veille par l'agence Standard & Poor's. "Je ne pense pas que ceci remettra en cause immédiatement la crédibilité des obligations du FESF", a expliqué le ministre lors d'une conférence de presse. "Nous avons acheté ces obligations que nous considérons comme des actifs importants pour une gestion sûre" des réserves de changes du Japon, les deuxièmes plus importantes du monde après celles de la Chine, a précisé M. Azumi. Le Japon a acheté entre 10 et 20% du montant des diverses émissions du FESF en 2011, portant sur des obligations à court, moyen et long terme destinées à soutenir les pays en difficulté financière de la zone euro. "Cela représente un actif valable, et il n'y aura pas de changement immédiat dans notre manière de penser", a poursuivi le ministre. Le Japon suit de près la crise d'endettement de l'Europe, parce que ses problèmes financiers risquent de ternir la croissance planétaire et de menacer en conséquence la reprise de sa propre économie, encore convalescente après le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire du 11 mars. Par ailleurs, la crise d'endettement du Vieux continent contribue à renchérir le yen, une "valeur refuge" qui flambe depuis des mois face au dollar et à l'euro. La monnaie unique européenne a chuté lundi à son plus bas niveau en onze ans face à la devise nippone, à 97,02 yens. Cette baisse de l'euro "a des conséquences majeures" sur les revenus et la compétitivité des firmes exportatrices nippones engagées en Europe, a souligné M. Azumi. Le ministre a ajouté qu'il allait "suivre de près les mouvements des changes", une formule très prudente laissant entendre que Tokyo n'envisage pas dans l'immédiat d'intervenir sur le marché pour acheter des euros contre des yens, afin d'abaisser la valeur de la devise nippone. Les autorités japonaises sont intervenues quatre fois depuis septembre 2010 pour affaiblir le yen, en achetant principalement des dollars. L'euro ne disparaîtra pas, assure le patron du FESF, Klaus Regling L'euro résistera à l'actuelle crise de la dette, a assuré, hier, à Singapour le président du Fonds de soutien de la zone euro (FESF), Klaus Regling. L'euro ne va pas s'effondrer, a déclaré Klaus Regling, ajoutant que les inquiétudes des investisseurs sur l'éventualité d'une disparition de la monnaie unique n'étaient pas fondées. Aucun pays ne sera contraint à quitter la zone euro, a ajouté M. Regling à la presse. Le président du FESF a par ailleurs estimé que l'abaissement d'un cran à AA+ de la note financière du FESF par l'agence Standard and Poor's n'aura que peu de répercussions, les deux autres grandes agences de notation, Moody's et Fitch ayant, elles, choisi de confirmer le triple A accordé au Fonds. Il ne sert à rien de s'agiter autant, a ajouté M. Regling. Aussi longtemps qu'il ne s'agit que d'une agence de notation, il n'y a pas de réel besoin de faire quoi que ce soit, a-t-il tranché.