Le régime syrien a de nouveau bombardé, avant-hier, la ville rebelle de Homs, ignorant l'appel de la Ligue arabe à une force de paix commune avec l'ONU. Ce projet divise les Européens, alors que la Russie, alliée de Damas, y pose des conditions. La Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a déclaré que "la nature et l'étendue des exactions perpétrées par les forces syriennes indiquent que des crimes contre l'humanité ont vraisemblablement été commis" depuis mars 2011. Déjà profondément divisée sur la crise syrienne, la communauté internationale semble l'être encore plus sur la proposition d'une force de paix avancée par la Ligue arabe: Paris a mis en garde contre toute action "à caractère militaire", Moscou a exigé un cessez-le-feu et Washington a souligné qu'en l'absence de paix, une telle initiative était compliquée. Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a déclaré sur Al-Jazira voir dans ces décisions "les premiers pas" vers la chute du régime. Crise humanitaire D'après les analystes, la proposition arabe est promise à l'échec. "Je crains qu'il ne soit très difficile de trouver des Etats membres prêts à envoyer des troupes", a affirmé Salman Shaikh, directeur du centre Brookings de Doha. Sourd aux appels à cesser la répression, le régime syrien a poursuivi le pilonnage de Homs (centre), désormais touchée par une crise humanitaire, les militants dénonçant une pénurie de pain. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui a jugé "déplorable que le régime ait intensifié la violence en utilisant l'artillerie et des tirs de blindés", a assuré que les Etats-Unis travaillaient pour "répondre aux problèmes humanitaires" et aider "ceux qui sont blessés et qui meurent". Lors d'un entretien téléphonique, avant-hier, le président américain Barack Obama, et le Premier ministre britannique David Cameron, ont renouvelé leur condamnation de la violente répression menée par le régime syrien à l'encontre de son propre peuple. Européens divisés Alors que Paris a mis en garde contre toute action "à caractère militaire", Londres et Berlin souhaitent que l'initiative de la Ligue arabe soit soumise au Conseil de sécurité. La perspective d'envoyer des troupes s'interposer entre le régime de Bachar al-Assad et l'opposition divise les pays européens. Face aux Européens, la Russie, proche allié de la Syrie, est sortie du bois après des semaines de blocage au sein du Conseil de sécurité pour empêcher toute condamnation du régime syrien. Elle a annoncé qu'elle étudiait la proposition arabe, en estimant qu'un cessez-le-feu préalable était nécessaire. Echec annoncé Selon les analystes, la nouvelle proposition de la Ligue arabe devrait connaître le même sort que deux projets de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU torpillés par le veto de Moscou et Pékin, deux alliés de poids de Damas. Mais elle devrait permettre de faire pression et d'isoler un peu plus le régime Assad. Navi Pillay, Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, a estimé, avant-hier, que les forces syriennes avaient "vraisemblablement" commis des crimes contre l'humanité dans leur campagne de répression. Elle a estimé le nombre de morts en Syrie à "beaucoup plus de 5400", le dernier bilan donné par l'ONU. Clinton dénonce l'usage de l'artillerie, les tirs de blindés Hillary Clinton a dénoncé, avant-hier, l'usage par le régime syrien de l'artillerie et de blindés contre des civils, signes selon la secrétaire d'Etat américaine d'une intensification de la répression contre l'opposition. Il est déplorable que le régime ait intensifié la violence dans des villes du pays, notamment en utilisant l'artillerie et des tirs de blindés contre des civils innocents, a déclaré à Washington la chef de la diplomatie américaine, alors que le régime syrien a de nouveau bombardé, avant-hier, la ville rebelle de Homs. Les Etats-Unis ont publié récemment sur internet des photos prises par satellite présentées comme des preuves que l'armée syrienne conduit des opérations d'envergure contre les civils et censées montrer des véhicules blindés. Mme Clinton, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse aux côtés de son homologue turc Ahmet Davutoglu, a également assuré que les Etats-Unis travailleraient avec la Turquie pour répondre aux problèmes humanitaires en Syrie. Nous sommes déterminés à travailler pour permettre l'entrée de matériel médical, d'une aide d'urgence, et avoir accès à ceux qui sont blessés et qui meurent dans le pays, a dit Mme Clinton. Il doit y avoir une nouvelle initiative humanitaire qui permette d'avoir accès aux personnes qui souffrent en raison du manque de nourriture, de médicaments partout à travers la Syrie, a dit de son côté M. Davutoglu. Le ministre des Affaires étrangères turc a indiqué avoir discuté avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon la veille au sujet d'une initiative de son pays en collaboration avec les Nations unies pour rendre possible la fourniture d'aide humanitaire. Mme Clinton a également déclaré que les Etats-Unis étaient impatients de rejoindre l'initiative pour les " Amis de la Syrie ". Après le veto russe et chinois à une résolution de l'ONU, Tunis s'est proposé d'organiser le 24 février une conférence des amis de la Syrie, une proposition de Paris et Washington. La réunion en Tunisie constituera une plate-forme internationale importante pour montrer notre solidarité avec le peuple syrien et pour envoyer au régime syrien le message clair et fort qu'il ne peut pas continuer sa répression, a dit le chef de la diplomatie turque. Mme Clinton a également indiqué qu'elle travaillerait avec M. Davutoglu de manière à intensifier la pression diplomatique sur le régime pour qu'il cesse sa campagne de violence, notamment via un renforcement de sanctions ciblées. Elle a ajouté que Washington augmenterait l'aide financière à des organisations comme le Croissant rouge ou la Croix rouge. Juppé met en garde contre toute intervention militaire extérieure Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a mis en garde, avant-hier, à Bordeaux (sud-ouest) contre toute intervention à caractère militaire extérieure, après la proposition de la Ligue arabe de déployer une force conjointe ONU-Arabes en Syrie. Interrogé lors d'un point-presse sur la possibilité que la France envoie des Casques bleus en Syrie, M. Juppé a répondu: Nous pensons qu'aujourd'hui toute intervention à caractère militaire extérieure ne ferait qu'aggraver la situation, d'autant qu'il n'y aura pas de décision du Conseil de sécurité, qui est la seule instance à même d'autoriser une intervention militaire. S'il s'agissait d'observateurs civils, ou d'une mission d'observation ou de contrôle, il faut l'accord du pays d'accueil et je ne pense pas que le régime syrien soit en mesure de le faire, a-t-il poursuivi. Nous allons travailler là-dessus avec la Ligue arabe, a-t-il ajouté. M. Juppé a assuré en revanche que la France soutiendrait l'initiative de la Ligue arabe de recourir à l'Assemblée générale pour obtenir, enfin, une condamnation des Nations unies. Nous sommes en train d'y travailler à New York, a-t-il déclaré. M. Juppé a également affirmé le soutien de la France à la décision de la Ligue arabe de réunir un groupe des amis de la Syrie pour mettre la pression sur ceux qui bloquent au Conseil de sécurité et pour mettre la pression sur le régime qui décidément doit partir après les massacres qui se succèdent à Homs et dans d'autres villes de Syrie. La France participera pleinement à cette réunion qui se tiendra à Tunis le 24 février, a-t-il assuré. Après un deuxième rappel à Paris pour consultations de l'ambassadeur de France en Syrie, Eric Chevallier, le ministre a confirmé le maintien d'un ambassadeur français sur place. Nous avons sécurisé l'ambassade, parce que le risque est très élevé. Nous avons réduit nos effectifs, a-t-il expliqué, précisant toutefois que les antennes diplomatiques d'Alep et Lattaquié avaient été fermées. Nous sommes très vigilants pour ne pas exposer nos diplomates, mais en même temps les opposants, les Syriens qui se battent à mains nues, souhaitent que nous soyons là, car c'est un contact, c'est une présence, a-t-il poursuivi, ajoutant: Nous resterons aussi longtemps que cela sera possible. Après la fermeture de l'ambassade américaine, les monarchies du Golfe ont décidé d'expulser les ambassadeurs de Syrie de leurs pays et de retirer les leurs de Damas.