Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le Japonais Yukiya Amano, a renvoyé, avant-hier, la balle dans le camp des pays membres de l'institution pour tenter de débloquer le dossier nucléaire controversé de l'Iran, plus que jamais dans l'impasse. Depuis le très critique rapport de l'AIEA diffusé en novembre, les tensions ont redoublé entre l'Iran et la communauté internationale. Et l'enquête de l'agence de l'Organisation des Nations Unies (ONU), entamée il y a environ huit ans, est au point mort. Pour trouver une solution, les opinions des pays membres sont d'une importance vitale, a déclaré Yukiya Amano dans son discours d'ouverture de la réunion du conseil des gouverneurs, qui doit se tenir jusqu'à vendredi à huis-clos à Vienne, siège de l'agence. L'AIEA continue d'avoir de sérieuses inquiétudes concernant une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien, a-t-il ajouté. En dépit de deux récentes missions de l'AIEA à Téhéran, aucun accord n'a été trouvé sur les modalités de vérification par l'agence des points soulevés dans le rapport de novembre, a-t-il rappelé. Dans ce document, elle avait publié une liste d'éléments présentés comme crédibles, indiquant que l'Iran avait travaillé, contrairement à ses dires, à la mise au point de l'arme nucléaire. L'Iran avait aussi refusé à l'équipe d'experts de l'AIEA l'accès au site militaire de Parchin, où l'agence soupçonne la présence d'un conteneur susceptible de servir à tester des modèles d'explosion applicables à des armes atomiques. Des activités sont en cours sur ce site, a assuré Yukiya Amano lors d'une conférence de presse, sans vouloir révéler leur nature mais tout en jugeant qu'il serait préférable d'y aller plutôt tôt que tard. En novembre, le conseil des gouverneurs avait voté, à une large majorité, une résolution condamnant la République islamique et lui demandant de coopérer pleinement avec l'agence. Cela n'avait pas empêché le pays d'augmenter sa capacité d'enrichissement d'uranium, sujet au cœur de son contentieux avec la communauté internationale. L'Iran enrichit de l'uranium jusqu'à 20%, ce qui le rapproche de la technologie qui lui permettrait d'aller jusqu'à 90%, le niveau de pureté nécessaire pour fabriquer une bombe atomique. Mais Téhéran nie tout projet en ce sens. L'éventualité d'une nouvelle résolution, évoquée en amont de la réunion par des délégations occidentales, semblait s'éloigner, avant-hier, essentiellement en raison des réticences de la Chine et de la Russie, toujours plus souples envers Téhéran. Les pays membres de l'AIEA pourraient, selon des sources diplomatiques, se contenter de rappeler de nouveau l'Iran à l'ordre par le biais d'une simple déclaration. Les Etats afficheraient ainsi un front uni, alors que les chances d'une reprise de négociations entre le groupe 5+1 (les cinq membres avec droit de veto du conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine et Russie) ainsi que l'Allemagne) et l'Iran paraissent avoir augmenté suite à une proposition de Téhéran du 14 février. Le président américain Barack Obama s'est prononcé la veille pour une solution diplomatique à la crise sur le programme nucléaire iranien, regrettant qu'on parle trop de guerre contre Téhéran en ce moment, en référence aux menaces israéliennes de ces dernières semaines. Evoquant l'annonce d'un moratoire de la Corée du Nord sur ses activités d'enrichissement et le retour éventuel d'inspecteurs de l'agence dans ce pays, Yukiya Amano a par ailleurs réaffirmé qu'il s'agissait d'un pas important dans la bonne direction, mais que le temps n'était pas encore venu d'avoir des contacts directs avec Pyongyang. L'agence n'a pas pu envoyer d'experts dans ce pays depuis près de trois ans.