Le discret médecin américano-coréen Jim Yong Kim s'apprêtait, hier, à devenir président de la Banque mondiale, ce qui le propulsera dans le monde féroce des institutions de Washington. C'est sans expérience politique ni financière de très haut niveau que ce médecin et anthropologue de 52 ans devrait arriver à la tête d'une organisation multilatérale de 187 Etats membres, à la tête de 258 milliards de dollars de crédits. Il ne lui restait qu'à écarter une rivale, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala. Le choix devait être fait, hier, par le conseil d'administration de la Banque, instance chargée de trancher entre les deux candidats. De multiples manières, Jim Yong Kim était le candidat le plus intéressant, mais aussi le moins traditionnel, et celui qui a le plus à prouver, a affirmé le sud-africain Daniel Bradlow, professeur de droit à Washington et spécialiste des institutions internationales. Sachant d'où il vient, on se serait attendu à ce qu'il s'ouvre sur sa vision du développement auprès des ONG par exemple. En fait, il a été le moins ouvert des candidats, a-t-il ajouté. Les opinions de M. Kim restent en effet largement une énigme, moins d'un mois après sa présentation officielle par le président Barack Obama. Dans ses quelques entretiens avec la presse, dans une tribune publiée par le Financial Times et dans son mot d'introduction devant le conseil d'administration, il s'est inscrit dans la continuité des priorités récentes de la Banque mondiale et du président auquel il devrait succéder, Robert Zoellick. Ce fils d'un Nord-Coréen échappé au Sud est né en 1959 à Séoul, à l'époque une ville très pauvre. Il est arrivé aux Etats-Unis à cinq ans, dans l'Iowa (centre), où il a suivi les pas de son père en faisant des études de médecine. Etudiant doué, il a deux doctorats, médecine et anthropologie. Sa carrière, largement consacrée à la recherche (sur la tuberculose et le sida), l'a mené vers l'humanitaire. Il est le cofondateur de Partners in Health, une association qui fournit des traitements et des moyens de prévention aux populations défavorisées des pays pauvres. Il est ensuite passé par l'Organisation mondiale de la santé, et est devenu en 2009 président de l'université de Dartmouth dans le New Hampshire (nord-est). Il s'est quelquefois montré critique au sujet de l'aide publique au développement, mal ciblée et insuffisante à ses yeux. En 2002, entendu par le Sénat américain, il exhortait les élus à accroître considérablement les fonds consacrés par les Etats-Unis à la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria. En 2007, il se félicitait des progrès faits par la communauté internationale sur le sujet. Uri Dadush, économiste français et ancien de la Banque mondiale qui a soutenu la candidature de la rivale nigériane de M. Kim, trouve qu'il est un choix risqué car il a une perspective trop étroite de praticien de la santé. L'Américano-Coréen a balayé ces critiques dans un entretien avec le New York Times. "Le développement économique et la lutte contre la pauvreté sont si compliqués que je pense qu'il n'y a pas un seul parcours ou une seule discipline qui suffisent à s'attaquer à ces grands problèmes de l'humanité. La Banque mondiale a beaucoup de macro économistes extrêmement expérimentés. Et j'ai hâte de travailler avec eux", a-t-il dit.