L'agence d'évaluation financière Standard & Poor's, qui avait retiré en janvier à la France sa note maximale "AAA", a indiqué, hier, que l'élection de François Hollande à la présidence n'avait pas "d'impact immédiat" sur la note du pays ou sa perspective d'évolution. "Standard & Poor's ne prend pas de position politique sur les candidats individuels ou le résultat de toute élection que ce soit", a souligné l'agence dans un communiqué. La note de la France, actuellement de "AA+" pour sa dette à long terme, est dotée d'une "perspective négative", ce qui implique qu'il y a "une chance sur trois" pour qu'elle soit de nouveau abaissée cette année ou en 2013. Dans son court texte, SP a relevé que "la politique menée par un gouvernement a un impact direct sur sa crédibilité en matière de dette". "Nos notations de dette souveraine prennent donc en compte notre opinion sur les conséquences probables des politiques choisies par les responsables politiques élus sur la structure de la dette souveraine". "Nous allons analyser les décisions politiques du président-élu de la France et du nouveau gouvernement, en prenant en compte les résultats de l'élection législative de juin", a prévenu SP. SP est la seule des trois grandes agences internationales de notation à avoir retiré sa note maximale à la France. Toutefois, Moody's Investors Service a donné le 13 février une perspective négative à la note du pays, ce qui peut laisser présager d'un abaissement dans les 12 à 18 mois suivants. Le "AAA" français est également doté d'une perspective négative chez Fitch Ratings. Les défis économiques de François Hollande François Hollande prend les rênes d'une France en faible croissance dans une Europe déprimée, avec pour principaux défis le redressement des comptes publics et de l'emploi. La pression est forte sur le nouveau président, qui sait que ses marges de manœuvre sont plus limitées que celles de ses prédécesseurs. Ayant désigné la croissance comme une condition de la réduction des déficits publics en Europe, il devra négocier, en particulier avec l'Allemagne, des mesures pour dynamiser l'activité sans détériorer les comptes des Etats. En France, il hérite d'un déficit public annuel d'environ 100 milliards d'euros, concentré sur l'Etat et les comptes sociaux. Il promet de le ramener de 5,2% fin 2011 à 3% du produit intérieur brut fin 2013, conformément à l'engagement de la France, en augmentant les impôts et en freinant la hausse des dépenses, l'effort entre les deux étant équilibré. Priorité des Français, le chômage progresse, lui, chaque mois depuis près d'un an et atteint un niveau oublié depuis la fin du XXe siècle. Pour inverser la tendance, adapter le système social et relancer l'industrie, le nouveau président a prévu d'utiliser les armes fiscale et budgétaire et d'engager d'importantes négociations avec les organisations patronales et syndicales. Foi dans l'avenir Comme ses prédécesseurs, il espère être aidé par une croissance plus dynamique que ne l'attendent le FMI, l'OCDE, la Commission européenne et les économistes. Des mesures de rigueur additionnelles pourraient dès lors s'imposer. Le PIB croîtrait selon lui de 0,5% cette année, 1,7% en 2013, 2% en 2014, et 2% à 2,5% à partir de 2015. Les économistes de Crédit Agricole-CIB estimaient avant le second tour qu'il s'agissait d'une prévision "trop optimiste". "Les deux programmes manquent d'une stratégie crédible et globale pour doper la compétitivité et la croissance", ajoutaient-ils à propos des finalistes. François Hollande s'est opposé à un ralentissement soudain des dépenses publiques, expliquant vouloir éviter un effet récessif qui assécherait les recettes de l'Etat et accroîtrait le déficit au lieu de le réduire. La hausse des dépenses serait de 1,1% par an - contre 1,7% en moyenne de 2007 à 2010 - ce qui permettrait de baisser leur montant en pourcentage du PIB si la croissance est là. Ses proches ont souligné que les agences de notation observaient les perspectives de croissance des Etats, et pas seulement les ratios budgétaires. Dégradée par Standard and Poor's au début de l'année, la note de la France - toujours "triple A" chez Moody's et Fitch - est en perspective négative chez les trois agences, ce qui signifie que d'autres dégradations sont possibles. Redressement historique François Hollande promet d'atteindre l'équilibre des comptes publics fin 2017, une première depuis 1974. L'effort serait d'une centaine de milliards en cinq ans, dont une quarantaine d'ici fin 2013, soit autant que le budget annuel de la défense. "Malgré l'engagement fort des candidats à maîtriser les déficits, nous soulignons l'ampleur historique de l'ajustement qui serait nécessaire", notaient les analystes de Barclays. Pour baisser le ratio de dette sur PIB, qui tend vers 90%, à environ 80% fin 2017, François Hollande prévoit d'importantes hausses d'impôts, là où l'impact serait selon lui le moins sensible : les ménages les plus riches et les plus grandes entreprises. Trente milliards d'euros d'impôts nouveaux viendraient réduire le déficit, et une quinzaine de plus financeraient une partie de ses 20 milliards d'euros de mesures. Certaines de ces mesures doivent selon lui soutenir la croissance et l'emploi, d'autres rétablir la "justice" comme l'adoucissement de la réforme des retraites. Il s'est en revanche engagé à supprimer la hausse de la TVA décidée pour le mois d'octobre et qui frapperait tous les consommateurs. Face à un chômage au plus haut depuis 1999, François Hollande compte sur une batterie de mesures publiques - dont une hausse des embauches de fonctionnaires - et sur le soutien aux petites et moyennes entreprises. Il promet un "contrat de génération" pour intégrer les jeunes dans les entreprises tout en conservant les salariés les plus âgés, et la création de 150 000 "emplois d'avenir", une remise au goût du jour des "emplois jeunes" du gouvernement Jospin. Il annonce un recentrage de la formation sur les publics les moins formés et le renforcement des moyens de Pôle Emploi. Faiblesses structurelles Le nouveau président devra aussi résorber des faiblesses structurelles qui fragilisent l'économie française depuis la fin des "trente glorieuses". Le commerce extérieur, qui n'a été excédentaire que dix années depuis 1950, était en déficit de 70 milliards d'euros l'an dernier, un record. La part de marché de la France dans les échanges mondiaux se dégrade, à 3,3% l'an dernier contre 5,8% en 1995. Et le déficit des exportations avec l'Union européenne, qui représentent 61% du total des produits vendus hors de France, s'est encore creusé. Le déséquilibre des échanges extérieurs se retrouve dans celui des paiements courants, lequel mesure l'évolution de l'endettement du pays vis-à-vis de l'extérieur, alors que près des deux tiers du stock de la dette négociable française sont détenus par des non-résidents. François Hollande a surpris pendant la campagne par sa discrétion sur les réformes structurelles censées réduire ces déséquilibres. "Les discussions sur un agenda de réformes structurelles (marché du travail, des biens et des services) sont, de façon surprenante, absentes de la campagne de François Hollande", soulignaient les analystes de Barclays. "Cela étant dit, nous voyons des raisons de croire dans la capacité de François Hollande à mener des réformes : le Parti socialiste a traditionnellement une bonne relation avec les partenaires sociaux et François Hollande est connu pour construire des consensus." Pour Gilles Moec, de Deutsche Bank, "atteindre son objectif de déficit zéro en 2017 est sous-tendu par des prévisions de croissance ambitieuses dont nous pensons qu'elles ne sont pas crédibles sans des réformes structurelles rapides sur lesquelles les socialistes sont actuellement totalement silencieux". Merkel pose à Hollande ses conditions sur l'austérité et la croissance L'Allemagne a posé, hier, ses conditions au président élu français François Hollande, en excluant toute renégociation du pacte budgétaire européen et toute initiative de croissance par les déficits. Il n'est pas possible de renégocier le pacte budgétaire, qui a déjà été signé par 25 des 27 Etats membres de l'Union européenne et qui a pour but de renforcer la discipline dans la gestion des finances publiques, a dit le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, lors d'une conférence de presse régulière. Il était interrogé sur la volonté de M. Hollande d'adjoindre à ce pacte un volet sur la croissance. A ce sujet, M. Seibert a également réaffirmé les conditions de Berlin: l'Allemagne ne veut pas d'une croissance par des déficits, mais de croissance par des réformes structurelles. En clair, il n'est pas question pour le gouvernement Merkel d'encourager en Europe des politiques de relance, mais de promouvoir la voie choisie par l'Allemagne et les réformes du marché du travail mises en place par l'ancien chancelier Gerhard Schröder. Le président élu français avait marqué dès son allocution de victoire sa volonté de donner à la construction européenne une dimension de croissance, d'emploi, de prospérité, d'avenir et d'expliquer à Berlin et ses autres partenaires que l'austérité pouvait ne plus être une fatalité. La France emprunte au total 8,920 milliards d'euros à moyen et long terme La France a levé au total 8,920 milliards d'euros sur le marché lors de l'emprunt réalisé, jeudi dernier, pour la dernière adjudication avant le second tour de l'élection présidentielle, après prise en compte des offres non compétitives (ONC), selon l'Agence France Trésor (AFT), hier. Il s'agissait d'un emprunt à moyen et long terme, qui s'est soldé par des taux en baisse et pour lequel l'AFT, chargée de placer la dette française sur les marchés, prévoyait d'emprunter entre 6,5 et 7,5 milliards. La demande avait été très soutenue, ce qui a été confirmé par l'ampleur des montants empruntés lors de la plupart des ONC. Cet emprunt était le principal de l'entre-deux tours du scrutin présidentiel, qui a finalement vu la victoire de François Hollande. Dans le détail de l'emprunt conclu jeudi, sur la ligne à échéance octobre 2017, les ONC ont atteint un million d'euros, portant le montant de l'adjudication à 1,086 milliard d'euros, à un taux de 1,89%, contre 1,96% lors de la dernière opération comparable le 5 avril. Sur la ligne à échéance octobre 2021, les ONC ont atteint 178 millions d'euros portant le montant de l'adjudication à 1,728 milliard d'euros, à un taux de 2,85%, contre 3,29% le 5 janvier. Sur la ligne à échéance avril 2022, les ONC ont atteint 876 millions d'euros portant le montant de l'adjudication à 4,199 milliards d'euros, à un taux de 2,96%, contre 2,98% le 5 avril. Sur la ligne à échéance octobre 2025, les ONC ont atteint 434 millions d'euros portant le montant de l'adjudication à 1,907 milliard d'euros, à un taux de 3,31%. L'AFT n'a pas fourni de comparaison pour le taux moyen pondéré. Le règlement sur ces quatre lignes aura lieu le 9 mai. Le taux à 10 ans stable après la victoire de Hollande Le taux d'emprunt à 10 ans de la France, après avoir entamé la journée en légère baisse, remontait un peu, hier matin, sur le marché obligataire, sans trop souffrir pour autant de la victoire de François Hollande à l'élection présidentielle. Après avoir démarré à 2,798%, contre 2,809% en clôture vendredi, le rendement affiché peu après l'ouverture était de 2,842%. François Hollande est devenu dimanche le deuxième socialiste à accéder à l'Elysée sous la Ve République en battant le président de droite sortant Nicolas Sarkozy. Sa victoire ne constitue pas une surprise pour les marchés qui l'avaient largement anticipée compte tenu des sondages qui le donnaient gagnant. La semaine dernière, la France avait emprunté à des coûts en baisse, signe que les investisseurs avaient de l'appétit pour la dette française malgré les incertitudes sur les mesures qui seront prises par le nouveau gouvernement dans les prochaines semaines. "Le marché français a montré sa résistance durant les deux dernières semaines, sans que l'incertitude politique ne prenne le pas sur la demande pour les titres de la France", estime Luca Jellinek, économiste chez Crédit Agricole CIB.