La crise financière impose la dette comme le premier enjeu majeur de la campagne électorale pour la présidentielle de 2012 en France, un thème inédit dans un pays qui n'a plus présenté de budget à l'équilibre depuis 30 ans et place droite et gauche dans l'embarras. Après les Etats-Unis, la France est parfois citée parmi les pays les plus menacés de perdre son «AAA», la meilleure note possible pour un émetteur de dette, même si l'agence Standard and Poor's s'est voulue jusqu'à présent rassurante. Alors que les intérêts de la dette devraient être cette année le premier poste de dépenses du budget de l'Etat français, le gouvernement martèle donc que ses objectifs de réduction du déficit public sont «intangibles». De 5,7% du PIB cette année, il doit être ramené à 4,6% l'an prochain, et 3% en 2013. La France ne «déviera pas d'un iota de (sa) trajectoire de redressement des finances publiques» et est prête à faire «davantage d'efforts» en termes d'économies, a répété hier la ministre du Budget Valérie Pécresse. Dans ce contexte de crise, le gouvernement est confronté à un vrai casse-tête pour préparer son budget 2012 alors que la croissance, espérée à 2% cette année, donne déjà des signes d'essoufflement et que le chômage, toujours à un taux élevé (plus de 9%), est reparti à la hausse depuis deux mois. D'autant plus qu'à neuf mois de la présidentielle où il sera candidat à un second mandat, Nicolas Sarkozy se refuse à revenir sur une politique d'avantages fiscaux, comme la baisse de la TVA dans la restauration, qui a largement contribué à creuser les déficits depuis 2007. Toujours très impopulaire, le président français pense cependant pouvoir redresser son image en montrant qu'il y a un capitaine à la barre pendant la tempête. «Nicolas Sarkozy joue son quinquennat sur le sauvetage de la zone euro», jugeait ainsi ce week-end le quotidien Le Monde. Cette obligation de rigueur, qui provoque un bouleversement des mentalités et des habitudes dans la classe politique, vaut aussi pour l'opposition socialiste. La crise financière la place dans l'embarras, obligée de se positionner sur ce thème de la dette en pleine campagne des primaires prévues en octobre pour désigner son candidat en 2012. Même si ses principaux candidats, François Hollande et Martine Aubry, soutiennent l'objectif d'un déficit de 3% en 2013, la gauche est accusée par la droite d'être «irresponsable» en voulant renoncer à la politique de réduction du nombre de fonctionnaires ou revenir sur la réforme des retraites adoptée l'année dernière. Surtout Nicolas Sarkozy s'en prend au PS qui refuse de voter «la règle d'or», un projet qui instaure l'obligation pour le gouvernement d'élaborer des «lois-cadres d'équilibre des finances publiques» décrivant sur trois ans «le rythme du retour à l'équilibre budgétaire». Cette «règle d'or», qui selon Mme Pécresse enverrait aux marchés une «preuve supplémentaire de notre détermination à réduire les déficits», nécessite une réforme constitutionnelle qui ne peut être adoptée qu'avec le soutien de la gauche. Cette démarche est dénoncée comme une opération de communication par le PS, qui ne veut ni offrir une victoire politique à Nicolas Sarkozy, ni apparaître laxiste sur le plan budgétaire. «C'est une manoeuvre de Nicolas Sarkozy pour faire oublier sa responsabilité dans la dérive de nos comptes publics depuis 2007. Il ne peut s'en absoudre par une modification de la Constitution. Ce serait trop commode», dénonce François Hollande.